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ekWateur veut concilier sobriété numérique et cloud AWS

Est-il possible de soutenir la transition énergétique et de faire reposer son système sur le cloud d’un hyperscaler comme AWS ? Le fournisseur d’énergie verte et renouvelable ekWateur en est convaincu, à condition de ne pas faire n’importe quoi. Explications.

Jean-Michel Blanc, le chief technology officer d’ekWateur

Jean-Michel Blanc, chief technology officer d’ekWateur

ekWateur fait partie des jeunes pousses dynamiques qui se sont lancées dans le monde très concurrentiel de la fourniture d’énergie voilà quelques années. Après quatre ans d’ouverture commerciale, ce fournisseur alternatif dont la promesse est de permettre aux clients d’être acteurs de leur consommation énergétique (notamment en sélectionnant des producteurs locaux), se classe aujourd’hui dans le top 5 des fournisseurs français. Juste derrière les géants EDF, Engie, Total et Eni ! Sa stratégie « énergie verte » n’en finit pas d’être renforcée, à la fois par les messages des autorités publiques, des scientifiques et par les réorientations de ses concurrents. Le pétrolier Total a ainsi annoncé le début d’une « décennie de transformation » pour pouvoir viser la neutralité carbone en 2050. Rien que ça.

« Construire le SI à partir de zéro » pour se différencier

A une échelle complètement différente, ekWateur, qui a enchainé les levées de fonds depuis sa création (2 millions d’euros en 2017, 10 millions en 2019, et des levées de fonds participatives notables en parallèle), a pour sa part eu l’avantage du choix des armes pour servir sa promesse : comme toute start-up, elle n’était pas dépendant d’un système d’information existant. « Nous avons fait le choix de construire le SI à partir de zéro, explique Jean-Michel Blanc, le chief technology officer d’ekWateur. Les fondateurs avaient l’expérience du secteur de l’énergie, et savaient qu’ils ne pourraient pas tordre les outils existants pour faire ce qu’ils fallaient en termes de moteur de facturation, de parcours utilisateurs… pour se différencier ».

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Et partir de zéro en 2016, cela signifie évidemment choisir le cloud et sa scalabilité, d’autant plus quand on espère comme la start-up une croissance rapide du nombre de clients utilisateurs. « Nous avons choisi la maturité et le leader du marché, AWS. Ce qui a fait basculer définitivement le choix, c’est d’avoir trouvé facilement des partenaires pour nous accompagner sur ces environnements » détaille le CTO, qui avec 20 ans d’expérience dans l’IT portait déjà un regard extrêmement aiguisé sur les enjeux de souplesse et de sécurité qui devait relever l’opérateur. « Je viens du secteur bancaire, j’ai donc apprécié les services de sécurité qui sont aujourd’hui tous regroupé dans le Security Hub d’AWS, que ce soit en matière de sauvegarde, de traçabilité, de gestion des accès… Dès la création du SI, nous avons pu cocher toutes les cases ».

Dépendance au numérique vs transition énergétique ?

Avec 70 collaborateurs, dont la moitié travaille sur la partie technique, ekWateur se pense avant tout comme une entreprise de technologie. Alors à quel point cette dépendance au numérique et à sa croissance (la scalabilité du cloud étant la promesse d’une consommation potentielle de plus en plus importante en toute logique) est-elle compatible avec sa mission en matière de transition énergétique verte ?

« Notre modèle d’activité est de permettre au client d’entrer dans un cercle vertueux, pas l’inverse, tient à préciser Jean-Michel Blanc. Nous ne cherchons donc pas à vendre à tout prix toujours plus d’énergie, car nous ne sommes pas producteur. Notre valeur est sur la maîtrise de la consommation ». Et en la matière, pour le CTO, le cloud peut tout à fait être légitime. « D’une part, il s’agit d’environnements et de ressources physiques partagées. C’est une mutualisation qui fait la différence si on considère que l’alternative est que chaque entreprise se dote de ses propres infrastructures dans son coin quitte à peu ou mal les utiliser ». Il reconnait d’ailleurs qu’à la création de la start-up, la logique qui prévalait – comme dans beaucoup d’entreprises – était celle d’un service pour un serveur ; ce qui représente un gâchis en cas de faible utilisation dudit service. « Nous avons pris le virage Kubernetes fin 2019 justement pour mieux utiliser nos ressources numériques ». Le système open-source permettant de mieux orchestrer le déploiement et la gestion des applications professionnelles offre en effet des possibilités inexistantes par le passé.

Des conditions technologiques et d’usages à respecter

Mais le progrès technologique ne fait pas tout. Et la logique de sobriété numérique n’a de sens que si elle touche les usages eux-mêmes. « Un exemple simple : nous éteignons les services quand nous ne les utilisons pas. Nous ne laissons pas ouvert les environnements de test ou de préproduction, en permanence, la nuit et le week-end, comme cela se fait souvent. Le cloud permet cet aspect « à la demande », alors il faut en profiter ! C’est exactement comme éteindre les lumières ou profiter de réflecteurs de lumières aux fenêtres pour moins consommer d’électricité » revendique le CTO par comparaison aux offres et conseils proposés aux clients d’ekWateur.

D’autres parti-pris techniques sont également mis en place pour avoir une maîtrise rigoureuse de la consommation numérique de l’entreprise. « Nous faisons régulièrement des tests de montée en charge pour vérifier que les services sont optimisés et ne consomment pas trop. Nous avons aussi mis tous nos sites en « statique » avec le content delivery network Amazon S3, pour éviter la surconsommation, par exemple quand on parle de nous à la télévision, par exemple il y a quelques semaines sur M6 » détaille-il. Le CTO estime par ailleurs que les compétences FinOps sont essentielles, afin d’avoir une finesse de compréhension des usages et des consommations, en plus de mieux tenir les cordons de la bourse.

« Être performant sur le numérique fait aussi parti de nos engagements écologiques, indique Jean-Michel Blanc. Quand un site ou une application met du temps à se charger, elle consomme d’autant plus et sollicite plus longtemps le réseau et les serveurs. Optimiser ceci à un impact direct. De même que proposer un « dark mode » sur une application pour qu’elle consomme moins. Nous l’avons d’ailleurs fait pour l’application de coaching carbone que nous proposons à nos clients, afin d’être cohérent ».

En matière d’émission de CO², ekWateur est aussi vigilant sur les promesses d’AWS. En retard par rapport à un acteur comme Google qui a communiqué largement sur le sujet depuis quelques années, l’opérateur n°1 en part de marché a annoncé pour sa part que tous ses datacenters seront alimentés par des énergie renouvelable en 2025. Wait and see.

Difficile malgré tout de mesurer l’impact global de ses usages numériques

Mais toutes ces dispositions pèsent-elles suffisamment face aux urgences de la transition environnementale de notre société ? « Il est très difficile pour une entreprise aujourd’hui de mesurer l’impact carbone de ses usages numériques et, a fortiori, son impact environnemental global » reconnait Jean-Michel Blanc, qui espère un jour des solutions « clé en main ». En attendant qu’elles soient proposées, ekWateur se fait fort de surveiller au maximum ses usages avec les outils proposés par AWS, de même que l’impact des serveurs qu’elle utilise et de « faire une règle de 3 » par rapport à l’énergie utilisée, afin d’évaluer les émissions engendrées. « Nous avons besoin de structurer au maximum notre approche, mais c’est un sujet très complexe. En attendant, la logique c’est d’être en « just enough » sur tous les sujets. Il faut en avoir conscience au niveau technologique, par exemple sur des points comme l’archivage des données, qui sont régulièrement oubliés » analyse-t-il. D’autant plus quand la production de données est démultipliée par la nécessité de fournir une vision transparente de sa consommation au client.

L’éco-conception des services numériques s’avère aussi une nécessité pour les entreprises responsables. Mais le sujet reste récent. « Nous l’avons mis en place pour tous nos services, mais il faut reconnaitre que même en étant né en 2016, nous n’avions à l’origine pas la maturité pour concevoir tout le SI de cette manière » regrette le CTO d’ekWateur. Celui-ci met par ailleurs en garde les entreprises : « L’enjeu, c’est la maîtrise des usages. Et il y a beaucoup de progrès à faire. Nous voyons beaucoup de monde vanter les logiques « serverless » et nous-mêmes nous en faisons car c’est pratique. Mais il faut bien reconnaître que cette approche est un peu trompeuse : les serveurs existent bien et au final cela devient souvent plus obscur pour l’entreprise en termes de maîtrise et d’impact réel. Il faut donc être vigilant. Nous ne nous interdisons rien, mais nous voulons conserver une grande capacité de transparence » résume-t-il.

Malgré tous ces défis, le CTO tire un bilan global positif des possibilités offertes par le cloud public, en tout cas pour qui n’improvise pas : « Notre gestion de l’infrastructure technique nous permet de gérer 240 000 clients à ce jour. Par rapport à l’an passé où nous gérions moins de 100 000 clients, nous n’avons pas multiplié par 2,5 le nombre de serveurs utilisés sur nos environnements. Nous gérons nos applications sur des serveurs adaptés avec juste ce qu’il faut en termes de CPU et mémoire RAM et non sur des machines surdimensionnées, ce qui diminue d’autant plus notre pollution numérique. En ce qui concerne l’arrêt de nos environnements de test la nuit et le weekend depuis 2018, nous économisons plus de 4800 heures par an de ressources énergétiques soit l’équivalent de 200 jours de ressources économisées ! ».

Et si la croissance du nombre de clients utilisant des énergies vertes est de ce fait plus forte que celles des ressources numériques utilisées pour la permettre, alors l’équation est sans doute positive.

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