Alliancy

Emmanuel Faure (Locarchives) : « Tout notre métier est une question de gestion du risque »

Nouvelle direction générale, nouvelle stratégie de marque… Le français Locarchives, spécialiste de l’archivage et de la dématérialisation, affine son offre pour  mieux accompagner les entreprises dans leur transformation digitale. L’occasion de s’entretenir avec Emmanuel Faure, directeur Stratégie et Marketing de la société.

Emmanuel Faure, Directeur stratégie et marketing, Locarchives

Emmanuel Faure, Directeur stratégie et marketing, Locarchives

Alliancy. Locarchives fête ses 40 ans cette année. Votre métier historique est la conservation d’archives. Est-ce toujours un sujet d’actualité ?

Emmanuel Faure. Tout à fait ! C’est un secteur qui, globalement, croît encore de 2 à 3 % par an en France. C’est pourquoi, en 2016, nous avons ouvert un entrepôt à Nîmes dans le Gard. Quelques mois auparavant, nous avions aussi repris la société marseillaise Archives Chrono [15 personnes, 1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2014, NDLR]. Ceci de façon à mieux couvrir la région du Sud-Est de la France. Aujourd’hui, nous disposons d’une dizaine d’entrepôts qui nous permettent d’être présents sur tout le territoire français.

Le 1er janvier dernier, Cédric Bouygues* a pris la direction générale de l’entreprise, désormais « au service de la transformation digitale en toute confiance de vos clients ». Quelle place occupe le numérique chez Locarchives ?

Emmanuel Faure. Nous faisons du numérique depuis une dizaine d’années environ, en proposant désormais des services de numérisation de documents physiques sur l’intégralité de nos sites, incluant la restitution des données à nos clients directement dans leur système d’information ou leur conservation dans nos deux datacenters. Ce qui conduit à notre seconde activité, l’archivage électronique, via un système que nous avons développé en propre et pour lequel nous avons été le premier en France à être certifié NFZ42-013.

Etes-vous également présents physiquement chez les clients ?

Emmanuel Faure. De plus en plus, nous mettons à disposition du personnel pour trier, analyser, cartographier, préparer les bordereaux de destruction, répertorier directement chez les clients… Des prestations qui leur prennent trop de temps, mais leur permettent d’avancer sur leur propre transformation digitale.

Quelle est aujourd’hui la demande la plus forte ?

Emmanuel Faure. Au-delà de conserver et sécuriser l’archivage électronique, nos clients veulent s’assurer de l’intégrité et de la pérennité du document numérique et c’est ce que permet notre système. Ils veulent s’assurer par exemple qu’un PDF d’une facture, d’une fiche de salaire ou d’un contrat ne sera pas modifié et ce, sur la durée. Il y a aussi beaucoup de sujets autour de la sécurité des données ou l’accès aux données…

Sur cette question de dématérialisation des factures, des fiches de paie… Les entreprises sont-elles mâtures ?

Emmanuel Faure. Dans les grands groupes, elle est réelle, notamment dans la banque. Pour autant, on voit encore peu de production native de documents numériques, même si beaucoup nous consulte sur ce sujet. Mais les choses évoluent vite, notamment avec la loi El Khomri. Ensuite, il y a un deuxième élément réglementaire qui a bougé l’an dernier et mis en place récemment, c’est l’évolution du Code civil** qui doit favoriser la destruction de vos originaux « papier » si vous êtes capables de démontrer que vous en avez fait une copie numérique fiable… Ce qui permet à une copie électronique de conserver la même valeur probante que son original papier.

Les entreprises sont-elles prêtes à passer ce cap ?

Emmanuel Faure. Tous les jours, nous avons des demandes de numérisation avec destruction des originaux. Par contre, cela ne veut pas dire que l’on aboutit à cette « full numérisation ». C’est là où l’on se différencie de beaucoup d’acteurs du marché. Nous nous intéressons d’abord au document lui-même et à sa valeur pour ne numériser que « l’indispensable » pour des raisons de coût.

Et cela dépend de quoi ?

Emmanuel Faure. Des enjeux du document. C’est-à-dire du taux de consultation du document, du besoin de partage de l’information… Si, par contre, il est peu consulté, ce sera moins cher de le conserver encore en papier. Une destruction du papier n’est pas toujours souhaitable. Parfois oui puisque le droit le permet, mais cette stratégie doit faire l’objet d’une solide analyse associée à une évaluation des coûts intégrés sur toute la durée de conservation.

Les entreprises sont-elles armées pour le faire ?

Emmanuel Faure. Non, on est loin des Etats-Unis avec un « records manager » dans toutes les entreprises… Il n’y a pas ici cette vision globale du patrimoine documentaire. On travaille en général sur la dématérialisation des flux ou des dossiers avec les métiers directement, le DRH, le directeur financier ou juridique. Dans le dossier RH d’un salarié, il peut y avoir jusqu’à une centaine de documents, reversée dans un système de GED lié au SIRH de l’entreprise.

Aussi, cette loi « Je numérise et je détruis mes originaux », comment la voyez-vous s’appliquer ?

Emmanuel Faure. Au vu de la demande, cela va se développer, clairement ! Mais, il va nécessairement y avoir une phase de frilosité, dans la mesure où il n’y a pas encore de jurisprudence liée au fait que l’on peut détruire… Nous préconisons donc à nos clients de conserver certains de leurs originaux encore 2/3 ans. Même si tout va dans le bon sens, il faut voir dans le temps. Si c’est le contrat du siècle pour votre entreprise, mieux vaut le conserver. Tout notre métier est une question de gestion du risque. Un assureur m’expliquait par exemple que le contrat n’est pas le plus important, même si c’est ce qui engage les deux parties. Par contre, les pièces jointes au contrat sont beaucoup plus souvent remises en cause… Car, comme il l’indiquait, qui vous dit que ces pièces resteront bonnes dans cinq ou dix ans ? La « numérisation fidèle au guichet » est donc un point très important.

Pour 2017, quelles sont vos priorités en termes de secteurs d’activité ?

Emmanuel Faure. On a des demandes dans tous les domaines. Nous voyons un pic sur les ressources humaines, mais il y a beaucoup de réflexion dans le monde hospitalier, la santé plus largement… Et il reste encore beaucoup de choses à faire dans les entreprises sur la dématérialisation fiscale, toute la gestion des dossiers complexes.

* Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers, Cédric Bouygues, 37 ans, a acquis son expérience chez Accenture en tant que consultant en organisation auprès de clients grands comptes. Entré chez Locarchives en 2008, il était depuis 2012, directeur général adjoint. Il remplace Xavier Berloty, qui devient conseiller du président, Pierre Fonlupt.

** Le 5 décembre dernier en France, le décret n°2016-1673 est venu remplir le vide entourant les conditions qui permettent d’affirmer qu’une copie numérique est fiable. Ce texte fait écho à la loi PSDC en vigueur depuis 2015 au Luxembourg, et au Digital Act en Belgique déployé en octobre 2016.

Locarchives en chiffres

  • 40 ans d’existence
  • Société 100 % française à capitaux familiaux

    Site du Gard inauguré en novembre 2016 © Locarchives

  • Tiers archivage physique et électronique, services documentaires et conseil aux entreprises
  • 45 millions d’euros de chiffre d’affaires (12% investis en R&D)
  • 450 collaborateurs
  • 6 000 clients (majoritairement ETI et grands comptes privés et publics), dont 80% des groupes du CAC 40
  • Depuis janvier 2016, Locarchives détient l’agrément « Hébergeur de données de santé à caractère personnel sous forme électronique », délivré par le ministère de la Santé (Dossiers patients papier et métadonnées ; Dossiers patients électroniques et métadonnées et Données de santé à caractère personnel papier et électronique).

Lire aussi sur Alliancy

1/ La Parisienne Assurances passe au zéro papier

2/ PSA embraye sur le records management

 

Quitter la version mobile