Le « petit commerce » reste un secteur très peu pensé ! Pourtant, il reflète l’identité d’une ville… Tout ceci passionne Emmanuelle Hoss, la directrice générale adjointe de la Semaest (Société d’économie mixte de la Ville de Paris dédiée à l’aide au commerce de proximité), à l’initiative du « Testeur de commerce » et du Living Lab CoSto (Connected Store).
Alliancy. Comment juge-t-on de la pertinence ou de l’utilité du « petit commerce » aujourd’hui dans une ville comme Paris ?
Emmanuelle Hoss. Il y a un indice qui nous manque. J’en parle comme une blague, mais ce n’en est pas du tout une. Il nous faudrait un « indice de flânerie » pour juger de l’état du petit commerce dans une ville ! Car quand vous pouvez flâner dans un endroit, c’est ce que vous y êtes bien et de cela, découle plein d’autres choses. Vous ne flânez pas s’il n’y a pas de commerces, ou seulement des grandes enseignes… Et tout cela, c’est de la valeur invisible. On aurait tout intérêt à capter cette valeur de bien-être par exemple. Le commerce de proximité porte une richesse qui est plus grande que lui et qui n’est pas encore regardée.
Est-ce pour cela que vous l’avez renommé « Nouvelle économie de proximité » ?
Emmanuelle Hoss. Tout à fait. En fait, ce commerce de proximité se réinvente aussi pour devenir un lieu de vie, d’échanges. Le collectif ne se forge plus dans les partis ou les églises aujourd’hui, mais souvent dans des bars, des tiers-lieux, des commerces hybrides… L’importance de la singularité des commerçants est inouïe et leurs idées sont aussi brillantes et tout aussi exportables que celles de nombreuses start-up dont on parle beaucoup.
Est-ce de ce constat qu’est né le « Testeur de commerce », en novembre 2015 ?
Emmanuelle Hoss. Ce concept du Testeur est né pour répondre à un besoin de cette nouvelle génération d’entrepreneurs, celle qui veut en quelque sorte changer le monde, mais qui se heurtait à deux difficultés françaises majeures, administrative et financière. La première, c’est le bail 3-6-9 ans, qui est un enfer quand vous voulez tester un nouveau concept. Et l’autre, le pas-de-porte, la caution, l’emprunt et la banque pour s’entendre dire NON… Pour contourner ces difficultés et pouvoir expérimenter en conditions réelles, nous avons pensé qu’il fallait proposer en location un local [ici de 65 mètres carrés, NDLR], disponible de deux semaines à quatre mois, à la carte et tout compris. En fait, on leur permet la prise de risque.
Et ça marche ?
Emmanuelle Hoss. Depuis son ouverture, nous avons accueilli 16 projets dans le Testeur et, aujourd’hui, autour de ce lieu situé dans le Xème arrondissement de Paris, rue du Château d’Eau près de la Place de la République, sont nés ou vont naître une dizaine de commerces (Yumi, Tale.me, HopFab, Biocoop, Billy The Kid…), dont cinq à proximité. Aujourd’hui, on a 60 demandes en attente… et l’on reçoit trois demandes de plus chaque semaine. Sans le Testeur, certains ne se seraient jamais lancés et quasi tous, grâce au Testeur, ont pu pivoter ou ajuster leur offre. Et l’on voit aujourd’hui, qu’entre eux, l’entraide existe, ça devient un vrai réseau.
Du coup, comptez-vous en ouvrir d’autres ?
Emmanuelle Hoss. Un second testeur vient d’ouvrir dans le XVIIème arrondissement rue Pouchet, dans un quartier moins commerçant, mais dans lequel s’installeront d’autres formes de commerces… On aimerait aussi en créer un troisième pour des artisans, au Viaduc des Arts près de la Gare de Lyon (XIIème) si un espace se libère.
Quelle différence doit-on faire par rapport à CoSto ?
Emmanuelle Hoss. Cela n’a rien à voir ! CoSto, c’est un Living Lab sur les usages du numérique dans le commerce. Ce concept est né du besoin de créer la rencontre entre les start-up et les commerçants. On agit là en tant que tiers de confiance… en lançant des appels à projets, en sélectionnant des solutions que l’on propose ensuite aux commerçants et artisans indépendants d’expérimenter. Il y a des réussites, mais aussi des échecs.
Quels types d’appels à projets lancez-vous par exemple ?
Emmanuelle Hoss. Le premier, il y a deux ans, concernait la fidélisation clients par le numérique. On a reçu 80 candidatures, 12 start-up ont été choisies… Mais, après réflexion, c’était beaucoup trop. Pour le second appel à projets sur la visibilité cette fois, on a sélectionné seulement 4 start-up sur 80 candidatures reçues de nouveau… Mais c’en était encore trop. Du coup, on change notre stratégie et, dorénavant, on choisira une start-up tous les quatre mois. On commence à la rentrée avec Too Good To Go, une appli contre le gaspillage alimentaire que l’on proposera de tester à notre réseau.
Finalement, un commerce ne peut plus exister sans le numérique…
Emmanuelle Hoss. Clairement ! Ils l’ont tous bien compris d’ailleurs, même s’ils ont besoin d’accompagnement pour s’adapter. Notamment sur l’aide à l’usage.
Sur le deuxième semestre, quels projets allez-vous mener en priorité ?
Emmanuelle Hoss. Avec le contrat Paris’ Commerces, on va s’attaquer à la revitalisation des XVIIIème, XIXème et XXème arrondissements de Paris, comme on l’a fait sur des quartiers plus centraux de la Ville. C’est un dispositif qui permet la redynamisation commerciale de périmètres prioritaires fortement touchés par la vacance, la mono-activité ou l’absence de commerce de proximité. Concernant le Testeur de commerce, on va chercher à en ouvrir un troisième certainement… du fait de la forte demande. Enfin, nous comptons sortir un « pack CoSto » afin de proposer à tous les commerçants que l’on installe une dizaine d’offres dans des conditions privilégiées. Dans ce pack, on trouvera par exemple HopFab, PetitsCommerces.fr, Lulu dans ma rue, le Carillon… En fait, cela complète tout ce que l’on fait et tout ce dont on parle sur la mutation du commerce. C’est de la construction d’économie hybride que beaucoup de villes nous envient. Nous avons d’ailleurs des dizaines de demandes pour venir voir ce que fait la Semaest, y compris de villes à l’étranger comme Lisbonne récemment.
Parcours
Emmanuelle Hoss est directrice générale adjointe de la Semaest depuis mai 2014. Elle a entamé sa carrière, en 1996, comme avocate, collaboratrice au sein du cabinet Linklaters & Paines, avant de devenir assistante parlementaire à l’Assemblée nationale. Collaborateur de l’association Veille européenne et citoyenne sur les autoroutes de l’information et le multimédia (Vecam) et consultante pour le Réseau de développement des entreprises (RDE) entre 1999 et 2001. En 2001, elle devient conseillère technique de Christian Sautter, adjoint PS au maire de Paris, chargée des dossiers Développement économique, Innovation et TIC. En 2007, elle est nommée directrice déléguée de Medicen, le pôle de compétitivité mondial des technologies innovantes pour la santé et les nouvelles thérapies. En 2008, elle rejoint le cabinet de Bertrand Delanoë, maire de Paris, en tant que conseillère technique en charge de l’action économique, de l’innovation, du tourisme, du commerce et de l’artisanat.
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