Une nouvelle étude de l’ADEME et de l’Arcep met en avant les augmentations de l’empreinte carbone, de la consommation de ressources abiotiques et de la consommation électrique liées au numérique si rien n’est fait pour plus de frugalité.
À horizon 2030, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de progresser au rythme actuel, le trafic de données serait multiplié par six et le nombre d’équipements serait supérieur de près de 65 % par rapport à 2020, notamment du fait de l’essor des objets connectés. Telles sont les conclusions de l’étude prospective sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050 que l’ADEME et l’Arcep viennent de publier.
A lire aussi : Green IT : 2023 sera l’année de la convergence et de la naissance d’un référentiel commun
Il en résulterait des augmentations, entre 2020 et 2030 :
- De l’empreinte carbone du numérique en France : environ + 45% (pour atteindre 25 Mt CO2eq)
- De la consommation de ressources abiotiques (métaux et minéraux) : + 14 %
- De la consommation électrique finale en phase d’usage : + 5 % (pour atteindre 54 TWh par an).
D’ici 2050, si rien n’est fait, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler (par rapport à 2020). Si ce développement du numérique permet en partie de réduire d’autres impacts environnementaux dans d’autres secteurs (mobilité par exemple), les consommations qu’il engendrerait en électricité et en ressources posent de toute façon la question de leur faisabilité (sera-t-il possible de produire autant d’électricité ou de consommer autant de matière première dans un monde où les tensions s’accroissent ?).
« Pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris en 2050, le numérique doit prendre la part qui lui incombe : un effort collectif impliquant toutes les parties prenantes (utilisateurs, fabricants de terminaux et d’équipements, fournisseurs de contenus et d’applications, opérateurs de réseaux et de centres de données) est donc nécessaire », peut-on lire dans le rapport de l’ADEME et de l’Arcep.
Une réduction de 16% de l’empreinte carbone d’ici 2030 est envisageable
L’étude met en évidence qu’un des enjeux environnementaux majeurs du numérique, outre son empreinte carbone, est la disponibilité des métaux stratégiques et autres ressources utilisées pour la fabrication des terminaux (principalement téléviseurs, ordinateurs, box internet et smartphones mais aussi objets connectés dont l’impact est grandissant).
Un des leviers d’action est la mise en œuvre de politiques de « sobriété numérique », qui commencent par une interrogation sur l’ampleur du développement de nouveaux produits ou services numériques et une réduction ou stabilisation du nombre d’équipements. L’allongement de la durée de vie des terminaux, en développant davantage le reconditionnement et la réparation des équipements est un axe majeur de travail, tout comme la sensibilisation des consommateurs à ces enjeux.
De la même manière, afin d’améliorer notamment l’efficacité énergétique, l’écoconception doit être systématisée : pour les terminaux, mais aussi pour l’ensemble des équipements (infrastructures de réseaux et centres de données), ainsi que dans le cadre des modalités de déploiement des réseaux et services numériques.
La mise en place de l’ensemble de ces leviers permettrait de réduire l’empreinte environnementale du numérique de 16% d’ici à 2030 pour l’empreinte carbone par rapport à 2020.
Différents scénarios pour 2050
Quatre modèles de société ont été conçus par l’ADEME dans le cadre de l’exercice «Transition(s) 2050 », pour aboutir à la neutralité carbone du pays. Appliqué au secteur du numérique, le scénario « Pari réparateur », qui est celui qui contraint le moins la demande, conduirait à un quintuplement de l’empreinte carbone du numérique par rapport à 2020.
« Les modes de vie du début du 21e siècle sont sauvegardés. Mais le foisonnement de biens consomme beaucoup d’énergie et de matières avec des impacts potentiellement forts sur l’environnement. La société place sa confiance dans la capacité à gérer voire à réparer les systèmes sociaux et écologiques avec plus de ressources matérielles et financières pour conserver un monde vivable. Cet appui exclusif sur les technologies est un pari dans la mesure où certaines d’entre elles ne sont pas matures », déclarent les auteurs de l’étude.
A l’inverse, le scénario « Génération frugale » conduirait pour sa part à diviser par deux l’empreinte carbone du numérique par rapport à 2020.
« Des transformations importantes dans les façons de se déplacer, de se chauffer, de s’alimenter, d’acheter et d’utiliser des équipements, permettent d’atteindre la neutralité carbone sans impliquer de technologies de captage et stockage de carbone, non éprouvées et incertaines à grande échelle. De nouvelles attentes des consommateurs, mais surtout de nouvelles pratiques s’expriment rapidement dans les modes de consommation. La croissance de la demande énergétique qui épuise les ressources et dégrade l’environnement s’interrompt, grâce à des innovations comportementales, organisationnelles et technologiques. La transition est conduite principalement grâce à la frugalité par la contrainte et par la sobriété », conclut l’étude.