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L’engagement des collaborateurs, au coeur des challenges des retailers

Dans un secteur des plus perturbés par les crises sanitaire et économique, les technologies du numérique peuvent s’avérer une aide précieuse pour motiver et fidéliser les troupes.

S’il est une industrie qui paie encore les pots cassés de la pandémie, c’est bien celle du retail, déjà en proie à un fort turnover, lié à la saisonnalité, à des horaires de travail contraignants et à des rémunérations globalement faibles.

La pandémie n’a rien arrangé avec la fermeture temporaire des magasins et le retour à la normale ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices : dans le nouveau monde après-covid, la question du sens des métiers du retail, et de celui de vendeur en première ligne, se pose avec acuité.

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« Pour garder les meilleurs clients, il faut garder les meilleurs salariés, posait en introduction du Retail RH Day, organisé en partenariat avec TalenCo et KBRW, Michel Koch, directeur général de Diamart Connect. Oui, mais comment ? « Grâce à des leaders dans le management, qui doivent avoir cinq grandes qualités, soutenait-il : être exemplaires ; être crédibles et savoir inspirer la confiance ; faire preuve d’humilité en écoutant les autres et en plaçant en tête la réussite de l’équipe ; savoir partager le pouvoir et donner de l’empowerment à l’équipe, ainsi que la possibilité de faire des erreurs ; et enfin, supporter les équipes, même quand faute il y a ».

Cette posture managériale est-elle cependant suffisante face aux nouvelles aspirations de vie depuis la pandémie, à la grande démission, à la valeur du travail retoquée par les jeunes générations – mais pas que -, à l’explosion du ghosting, ce phénomène du candidat qualifié, qui ne se présente pas le jour J et disparaît des radars ? Nul doute que les forces en entreprise sont clairement inversées et qu’aujourd’hui, ce sont les candidats potentiels qui font la loi.

Elargir les horizons des collaborateurs

« Les rémunérations des équipes en magasin ne peuvent pas être les seules sources de motivation des collaborateurs, aussi ce qui va réussir à attirer les candidats et les faire rester, c’est d’abord la marque, ce qu’elle représente, ce qu’elle porte comme valeurs, affirme Julien David, directeur des ressources humaines de la marque de doudounes Jott (Just over the top). Tout le monde a envie de vivre dans un monde vertueux, emprunt d’écologie et de bienveillance, et de travailler avec des collèges qui partagent ces valeurs.

L’approche managériale lui semble être la deuxième clé d’entrée et les perspectives d’évolution professionnelle un autre point fondamental. « Il faut proposer au collaborateur d’interagir avec un environnement plus vaste que les 70 mètres carrés de sa boutique, estime-t-il. Nous venons de lancer la Jott Academy, dont l’idée est de former certains responsables de boutique, afin qu’ils deviennent formateurs des nouveaux venus sur un certain périmètre de points de vente. Nous avons une quarantaine de boutiques en propre en France et 25 en Europe avec, pour chacune, une équipe de 2 à 4 vendeurs en moyenne ».

Dans le même esprit, le directeur de Carrefour France, Rami Baitieh, a lancé début 2021 l’Ecole des Leaders, déjà créée avec succès en Espagne, en Argentine et à Taïwan. Son objectif, accélérer davantage la promotion sociale au sein du groupe de grande distribution, dont les trois-quarts des cadres des magasins ont commencé en tant qu’employés. Rami Baitieh lui-même a débuté comme responsable de rayon à l’hypermarché de Venette dans l’Oise.

« L’Ecole des Leaders, qui ne demande aucun diplôme, est ouverte à tous les employés passionnés et montrant la volonté et la capacité d’apprendre, quels que soient leur origine et leur âge, explique-t-il. Elle permet à un employé de devenir manager, à un manager de passer directeur, et ainsi de suite… J’ai signé un partenariat avec l’université Dauphine qui dispense les cours académiques, tandis que les cours pratiques sont donnés par mes équipes, et par moi-même pour le thème du leadership. A l’issue de la formation, les élèves présentent une thèse et reçoivent un diplôme de Dauphine et de Carrefour ».

Le big data au service des RH

Afin de favoriser la communication en interne du groupe, Carrefour a par ailleurs déployé Workplace, l’outil de communication pour les entreprises de Meta, auprès de ses 320 000 employés dans le monde. Le directeur de Carrefour France joue également la proximité avec ses collaborateurs. Les 150 000 salariés en France peuvent lui écrire, ainsi qu’à la directrice des ressources humaines, via des adresses e-mail dans la rubrique « contact » du site Internet du groupe. « On ne peut développer une affaire sans passer par les hommes et les femmes, estime-t-il. Il faut considérer chaque salarié comme une personne unique et la traiter différemment selon son unicité ». 

Pour réduire le turnover particulièrement élevé dans le retail, la deeptech peut aussi être mise à contribution. Ainsi, une grande marque de joaillerie a réussi, grâce à l’analyse de la data, à diviser par 2,5 le turnover de ses vendeurs, là où l’attrition représentait plus de 10 millions d’euros par an en coût de formation et de « non productivité », sans compter son impact sur le service client en boutique.

Le retailer a utilisé sa plate-forme de gestion des RH, – un système en mode cloud du marché -, qui embarque un moteur analytique et dans laquelle figure l’ensemble des données collaborateurs. Il a croisé 70 indicateurs RH avec 45 indicateurs différents de ses systèmes opérationnels (CRM, Point Of Sales…).

L’analyse des données a révélé que le turnover était plus fort chez les collaborateurs à temps partiel et chez ceux qui avaient reçu moins de formation. Elle a aussi montré que les salariés quittait leur poste en majorité durant les 90 premiers jours de travail, témoignant par là même d’un problème d’onboarding. L’attrition variait également en fonction du mode de rémunération. Fort de cette analyse des datas, le retailer a retravaillé son processus d’intégration, ainsi que la diffusion de la formation et les modes de rémunération. Résultat, au bout de six mois à peine, les départs volontaires avaient considérablement diminué.

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