Engie récolte les premiers fruits de sa politique d’innovation
Anne-Lise Marco
Pour s’imposer comme « leader de la transition énergétique », Engie fait le pari de l’innovation. Outre la création d’un fonds, le groupe s’est ouvert, depuis deux ans, à l’écosystème de start-up. Pour capter les business models de l’énergie de demain : décarbonée, décentralisée et digitalisée.
Jean Louis Blanc, membre du COMEX d’ENGIE qui sera bientôt dirigé par une direction à deux têtes, Gérard Mestrallet et Isabelle Kocher.
Jean-Louis Blanc, directeur commercial, Innovation et Nouveaux métiers chez Engie présentait à la presse, mercredi dernier, cinq « nouveaux business » (lire descriptif plus bas), issus du programme interne d’incubation initié par le groupe en juillet 2014. Originalité de ce dispositif : Engie a choisi de ne pas disposer d’un incubateur interne, mais de « loger » ses jeunes pousses dans des incubateurs externe partenaires. Ce fut ainsi l’occasion de faire un point sur la politique d’innovation d’Engie, dont l’incubateur « interne » n’est qu’un volet.
« Grâce aux partenariats avec ces incubateurs, nous lançons avec eux des appels à projets pour les start-up externes », explique Jean-Louis Blanc qui précise qu’une vingtaine d’appels ont déjà été lancés et que la centaine devrait être atteinte fin 2016. Chaque appel génère environ une cinquantaine de réponses : « Nous sommes donc en contact avec des milliers de start-up, s’enthousiasme-t-il. C’est un mode d’innovation extrêmement puissant et tout nouveau pour nous. Traditionnellement, on avait dans le groupe une culture plutôt ingénieur : à un problème, une solution ! »
La base du dispositif d’innovation interne chez l’énergéticien est une simple boîte à idée : pas moins de 400 idées nouvelles ont été recensées depuis deux ans, via le hub d’innovation interne innov@ENGIE qui compte 10 000 inscrits. « Des idées business, pas process. On recherche des idées de nouvelles activités ou de produits qu’on ne ferait pas déjà », ajoute Stéphane Quéré, directeur Innovation du groupe.
Si une idée retient l’attention d’un des 50 « responsables Innovation », elle entre dans le « pipeline » et remonte jusqu’à l’équipe d’incubation qui valide son potentiel. Elle s’intègre ensuite dans une phase de mise en route opérationnelle, appelée « near to incubation » : constitution de l’équipe, définition des objectifs, parrainage par une Business Unit, etc.
Une dizaine de start-up incubées par an dans des incubateurs « partenaires »
Depuis juillet 2014, 19 projets ont été au bout de ce processus, qui fonctionne désormais en vitesse de croisière autour d’une dizaine de projets incubés par an. Hébergés dans l’un des 13 incubateurs partenaires, les porteurs de projets ont le choix de rester salariés, ou de démissionner et de créer une spin-off. Dans ce dernier cas, Engie prend une participation.
« La plupart d’entre eux restent salariés », confie Stéphane Quéré. Les jeunes pousses ont ensuite douze mois pour trouver leur « premier marché » : soutenues et coachées, elles sont aussi évaluées tous les trois mois. Quatre projets ont d’ailleurs dû être arrêtés faute d’avoir trouvé leur business model. Cela n’inquiète pas Jean-Louis Blanc, au contraire, il revendique ce « droit à l’erreur » dont ne disposent plus, selon lui, les salariés, en interne.
Sur Paris, l’hébergement est assuré chez Paris & Co (ndlr : Engie est partenaire de l’incubateur « une meilleure énergie dans la ville », situé dans le XVIIIème) ou chez Créanova, Le Village by CA, Agoranov etc. En fonction de la thématique ou du secteur. Mais l’incubation peut aussi bien se faire à Lille, Bruxelles, Anvers, Eindhoven, Cambridge, Boston ou Sao Paolo, en fonction de la localisation de l’équipe projet.
Autre particularité, Engie a constitué depuis octobre 2015 un vivier d’« intrapreneurs » pour renforcer si besoin les équipes projets avec des compétences clés. 230 collaborateurs ont répondu à l’appel. « La réussite d’un projet incubé est indissociable de la qualité et de complémentarité des compétences de l’équipe de développement », précise le groupe. En cas de défaillance de l’équipe, il arrive que d’autres collaborateurs soient donc amenés à reprendre les rênes du projet.
Les douze mois écoulés, s’ils ont trouvé leur marché, les projets réintègrent le groupe « au sein d’une entité spécifique » ou rejoignent le programme d’accélération. Deux des cinq projets présentés, NextFlex et Please, vont d’ailleurs être les premiers à rejoindre le nouvel étage du dispositif, recevant au passage une injection de capital, validée par le Comité d’investissement d’Engie, qui devrait « leur assurer 2 à 3 ans de vie».
Engie récolte les premiers fruits de sa politique d’innovation
Blu.e : une plateforme d’aide à la performance énergétique pour l’industrie
Blu.e se décrit comme un « intégrateur » au cœur de la transition énergétique de l’industrie. « On s’appuie sur nos métiers, industriel et énergéticien, pour intégrer le meilleur des technologies numériques », explique Tanguy Mathon, son fondateur. Concrètement, Blu.e se présente sous la forme d’une plateforme logicielle applicative, ouverte aux applications tierces. Elle permet aux industriels (agroalimentaire, chimie, métallurgie, matériaux, etc.) de faire des économies en opérant leur outil de production à leur optimum énergétique, visualisé sous la forme d’un tableau de bord d’aide à la conduite dynamique du process, « une sorte de GPS énergétique ». Au-delà de cet outil, Blu.e propose des expertises et méthodes pour accompagner les industriels dans une démarche d’amélioration de leur performance énergétique.
incubation chez Créanova
10 collaborateurs et un écosystème de partenaires
15 clients et 500 000 euros de chiffre d’affaire en 2015
3 mois pour mesurer les premières économies
5 secondes pour identifier les variables énergétiques les plus influentes
Engie récolte les premiers fruits de sa politique d’innovation
Deepki cartographie les gisements d’économies d’énergie
La start-up utilise la Data Analytics pour suivre les économies d’énergies potentielles sur des parcs de bâtiments, uniquement à partir des données existantes, sans utiliser aucun compteur à installer sur place et sans visite des bâtiments. « Picard a été l’un de nos premiers clients. Avec un parc de plus de 1 000 magasins en France, on leur a déjà permis de détecter des économies d’énergie importantes. S’ils avaient voulu installer des compteurs intelligents dans chaque magasin, le budget aurait représenté plusieurs millions d’euros », expliqueVincent Bryant, cofondateur de Deepki, qui a démissionné d’Engie pour lancer sa société. Sur cette base, Deepki a développé une solution en SaaS, Deepki Ready, qu’elle commercialise auprès de gestionnaires d’actifs dans la distribution, le secteur bancaire, la gestion d’actifs ou encore les collectivités locales. Deepki a été primé au dernier Concours Innovation Numérique.
spin-off de Engie et incubation chez Agoranov
lancé en 2014
20 collaborateurs
60 clients, dont Orange, Picard, SNCF…
35 000 bâtiments analysés
Engie récolte les premiers fruits de sa politique d’innovation
GreenChannel, la plateforme participative dédiée au financement de la transition énergétique
GreenChannel est une plateforme de financement participatif, régulée par l’Autorité des marchés financiers, qui propose aux particuliers de devenir acteur et investisseur de la croissance verte. « Pour les porteurs de projets, c’est une solution de financement certes ; mais c’est aussi une solution de communication et de visibilité, une solution d’ancrage territorial. Nous sommes les seuls à proposer une première tranche réservée aux acteurs locaux », explique Mathieu Dancre.
Ouverte depuis le 1er février, GreenChannel propose deux premières campagnes qu’elle a soumises à son audit financier et énergétique : 300 000 euros pour refinancer le parc solaire de 13 MWc de Besse-sur-Issole dans le Var, exploité par Engie ; 500 000 euros pour développer une solution solaire décentralisé unique en France : GreenLoc permet à des particuliers de payer leur facture d’électricité en louant leur toit pour y installer gratuitement des microcentrales solaires (cofinancement par le Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes).
incubation au Village by CA
lancé en octobre 2015
7 collaborateurs
2 campagnes en cours, d’un montant de 800 000 euros
Engie récolte les premiers fruits de sa politique d’innovation
NextFlex joue la carte de l’effacement
NextFlex valorise la « flexibilité électrique » de 76 sites en France, de l’hypermarché à l’usine agroalimentaire, en passant par des hôpitaux. Des sites qui ont « plus de 200 000 euros de factures annuelles ». NextFlex vérifie leur flexibilité et met en place les solutions techniques pour aller activer celle-ci. « Celui qui est flexible électriquement c’est celui qui est capable de réduire sa consommation pour une durée de 30 minutes, à la demande de NextFlex et avec un préavis de quelques minutes ou de quelques heures, explique Christophe Huguet, son cofondateur. Avec les énergies renouvelables, les productions et consommations sont de moins en moins prévisibles et ajustables. NextFlex, grâce à ses clients, est capable de contribuer au rééquilibrage du réseau électrique. »
Pour ce service, NextFlex touche de la part du gestionnaire de réseau (RTE en France) une rémunération qu’il répercute à ses clients. Son objectif est de se développer à l’international : Belgique, Pays-Bas, Allemagne.
Incubation Paris Région Innovation Nord Express (Prine)
lancé en juillet 2014
5 collaborateurs
1,5 million d’euros de CA
76 sites, notamment UniHA (une trentaine de sites).
Engie récolte les premiers fruits de sa politique d’innovation
Please (mon Home Service), la conciergerie dans les quartiers
Please est une offre de services de conciergerie (ménage, pressing, livraison de courses et de restauration, etc.) qui met en relation des particuliers, via une application mobile, avec des commerçants locaux, des prestataires ou des autoentrepreneurs. C’est un modèle B2B2C : Please vend une franchise à un entrepreneur local, un « Please Captain », animateur et créateur indépendant de l’offre locale.
Son credo : « Plus de proximité, plus de convivialité, pour un nouvel esprit village », présente David Denis. Please propose par exemple de réhabiliter la notion de « tournées ». Le concept Please a séduit des collectivités, des aménageurs et promoteurs pour améliorer l’attractivité au sein d’un quartier. Pour ENGIE, relocaliser l’activité c’est aussi un moyen de limiter les déplacements urbains, donc la consommation d’énergie.
12 collaborateurs
1 application mobile
5 conciergeries en 2016, dont « Les 3 Clefs » au Fort d’Issy-les-Moulineaux
2 appels d’offres gagnés : quartier My Eureka de Montpellier et immeuble Edison Lite à Paris XIIIème (lauréat de l’AAP Réinventer Paris)