Retour sur la dernière édition de l’USI, le 26 juin dernier. Nettement plus politique, cette journée orchestrée par Octo s’est prononcée en faveur de l’économie « régénératrice » et des changements de modèles d’affaires.
« Unexpected Sources of Inspiration » : cette année encore, l’évènement d’Octo a fait salle comble, avec un changement de ton significatif. La programmation était plus engagée et plus radicale qu’à l’ordinaire. Le thème de la journée : « L’entreprise à l’épreuve des limites du monde. Quelles motivations pour une bifurcation des modèles d’affaires ? »
« Chaque mot compte, a souligné Christian Fauré, curateur, en ouverture. Y compris « motivations » et « bifurcation ». Changer de modèle d’affaires, ce n’est pas tous les jours que ça nous arrive. Mais Aurore Stephant l’an dernier nous a bien mis les points sur les I : il y a une limite, on ne pourra pas construire tous les véhicules électriques qu’on voudra. »
Au menu, des réflexions sur la croissance et ses idéologies, sur l’entreprise régénératrice, les critères extra-financiers, sur la « Right Tech », l’industrie ouverte, l’économie circulaire…
C’est l’ensemble des conférences qui forment un puzzle et dessinent en fin de journée un motif très puissant. Une comptable. Une animiste. Des économistes, philosophes, des designers…
Alliancy a pris ici le parti de vous proposer (seulement) 5 pièces du puzzle, sous forme de questions-réponses. Et nous reviendrons dans les mois qui viennent, au fil de nos articles, sur la matière première produite durant cette journée.
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L’économie est encombrée d’idéologies
Qui est contre le développement durable ? Personne. Qu’est-ce que ça nous apprend ? Que ce n’est plus un objectif intéressant. L’objectif dont nous avons besoin aujourd’hui, celui qui reste clivant, c’est celui de la décroissance. Mais la croissance est entourée d’un halo religieux, elle véhicule beaucoup d’idéologies. Il faut commencer par les comprendre, pour pouvoir les dépasser. De même qu’il faut comprendre comment fonctionne la « molécule » du capitalisme. Sinon, on se retrouve à courir après la « croissance verte », dont on nous rabat les oreilles, et qui concrètement n’existe pas. Nulle part. Associer croissance économique et réduction de son empreinte environnementale, ça n’existe pas. »
(Source : Timothée Parrique, chercheur en économie écologique)
Regarder les choses en face
Il y a 5 ans, quand je demandais : êtes-vous sûr d’accéder aux ressources dont vous avez besoin pour votre entreprise, dans trois ans ? Dans deux semaines ? Personne ne comprenait ma question. Aujourd’hui, tout le monde la comprend. Mais personne ne répond oui, excepté ceux qui ont pris le virage de l’économie régénératrice. Contrairement aux abeilles, nous les humains on prend, mais on ne rend jamais. Avons-nous des pratiques qui contribuent à régénérer la pratique du milieu dont on dépend ? J’en ai trouvé partout, chez les pauvres comme chez les riches. »
(Source : Isabelle Delannoy, ingénieure en agriculture)
La comptabilité, c’est le pouvoir
C’est quoi la compta ? C’est créer « une facticité qui semble objective et incontestable ». Si on change la compta, on change aussi les règles du jeu. Que choisit-on de faire apparaître dans le bilan ? Nous les comptables, on a ce pouvoir de construire la réalité. La planète Terre ne compte pas en euros, alors cessons de n’utiliser que des indicateurs en euros. Faisons preuve d’imagination, avec par exemple une comptabilité éco-centrée : il s’agirait de mesurer d’un éco-système à sauver. Autre exemple : on a des territoires zéro chômeurs : pourquoi pas des espaces zéro carbone ? Il existe aussi une comptabilité éco-féministe. La comptabilité est puissante et poétique. Les comptables doivent devenir des CVO Chief Value Officers. »
(Source : Delphine Gibassier, Vert de Gris)
Réduire ou intensifier l’industrie ? Et pourquoi pas l’ouvrir ?
(Source : Ludovic Duhem, artiste designer et philosophe)
Un cas pratique de Régénération
Faire moins mal, c’est toujours exercer une pression négative. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de générer des impacts positifs nets – et le mot « nets » est essentiel, sur la société. Vous êtes un fabricant de PAC. Par conviction, vous avez conçu des pompes qui durent deux fois plus longtemps que les autres. Le problème, c’est que vous ne renouvelez pas votre marché, vous vous tirez donc une balle dans le pied.
La solution existe : vous passez d’un modèle de vente à l’unité à une mise à disposition de la PAC, facturée par loyer fixe. C’est un modèle locatif centré usage. Là, ça devient intéressant que la PAC dure deux fois plus longtemps, qu’elle soit démontable, réparable… Mais vous pouvez faire un pas supplémentaire : vous vous engagez sur un résultat. Vous facturez un confort thermique garanti dans le bâtiment. C’est un modèle performanciel. Et là, vous avez besoin d’autres entreprises complémentaires. Là, vous coopérez. Vous allez chercher des acteurs hors de votre chaîne de valeur et vous vous appuyez sur le végétal. Vous pivotez vers le vivant. Vous commencez à générer des impacts positifs additionnels, environnementaux et sociétaux. »
(Christophe Sempels, Lumia)