La Poste est en pleine transformation, écologique, numérique et business, souligne Benoît Unal, directeur technique de Poste Immo, la foncière groupe. Son parc immobilier, au maillage territorial inédit, sera un levier majeur de cette transformation.
Benoit Unal – Poste Immo
Alliancy. En quoi consistent vos missions ?
Benoît Unal : Je suis directeur technique de Poste Immo, foncière du Groupe La Poste. Mon travail consiste donc à gérer tous les problèmes techniques liés à l’exploitation des immeubles du parc postal (patrimonial et locatif) et à planifier les investissements GRGE [grosse réparation, gros entretien]. Je pilote également la politique de maintenance pour le maintien en condition opérationnelle pour les métiers du groupe.
Nos bâtiments sont en effet de trois types : commerce, tri et logistique de tri, et des locaux tertiaires qui accueillent notamment l’activité bancaire du groupe La Poste. Par ailleurs, s’y ajoute une activité en devenir, les services. Son développement s’inscrit dans notre transformation. Nous avons notre rôle à jouer dans cette transformation en tant que Poste Immo car nous accompagnons le groupe et ses branches d’activité en tant que fonction support.
L’illustration, c’est notre site de La Poste du Louvre, dont on m’a confiée la mise en exploitation, dans toutes ses dimensions. Je suis donc en train de mettre en œuvre un nouveau métier pour Poste Immo, qui est le développement externe sur des immeubles patrimoniaux. Nous y installerons des commerces et des preneurs externes, des activités comme un hôtel 5 étoiles, un commissariat de police, une crèche…
Le métier de Poste Immo est donc en pleine évolution ?
B.U : Outre la politique d’exploitation de La Poste, qui tient compte des exigences du métier du groupe, il s’agit aussi d’adapter les politiques à notre parc d’immeubles, très hétérogène. Mais nous opérons également dans un cadre réglementaire en évolution rapide, sur le plan de la sécurité et de l’environnement. Nous comptons plus de 8000 bâtiments accueillant du public. Le décret tertiaire nous oblige par ailleurs à mener des réflexions en faveur d’une consommation moindre et plus propre, mais aussi de rationalisation notre occupation des immeubles, quitte à les partager avec des preneurs externes. Ce sont de grands enjeux pour la fonction de directeur technique de Poste Immo.
Pourquoi le groupe La Poste se transforme ? Et comment la foncière va-t-elle l’accompagner ?
B.U : Le but est très simplement de générer du chiffre d’affaires externe et de favoriser notre mutation vers les activités de services. L’activité historique du courrier est en déclin depuis des années. En 2010, 18 milliards de courriers étaient encore distribués. Aujourd’hui, c’est un peu plus de 6 milliards ! Et même si la livraison de colis se renforce, le secteur est très concurrentiel et ne suffit pas pour compenser les volumes perdus du courrier. Il est donc essentiel de développer de nouvelles activités en nous appuyant sur un maillage territorial sans équivalent, avec par exemple 17.000 points de présence postale, dont la moitié en propre.
La Poste se réinvente, et cela passe notamment par l’adoption de pratiques marché en développant des activités auprès des particuliers et des entreprises, dont l’e-commerce. Il s’agit donc de valoriser nos actifs patrimoniaux au-delà des usages postaux, comme à La Poste du Louvre. Un autre axe réside dans la silver-économie au travers des résidences services séniors. La logistique urbaine est un autre axe très fort, qui contribuera au verdissement du transport sur le dernier kilomètre grâce à l’implantation de centres logistiques dans les cœurs des villes.
Et donc un groupe qui se réinvente a besoin aussi de réinventer sa fonction immobilière. La création d’une foncière groupe a permis à Poste Immo d’apporter plus de flexibilité à ses métiers pour mieux accompagner leur développement et leur transformation. Nous devons maintenant nous ouvrir sur les services à destination du plus grand nombre.
Le digital tient une place importante dans cette transformation ?
B.U : Un de nos enjeux est en effet aussi la digitalisation et la rationalisation des outils. Chaque grand métier de La Poste, le commerce, le tri et les services bancaires, dispose de sa propre organisation support. Nous avons procédé à un grand projet de transformation qui s’appelle « servir le développement ».
Sa finalité consiste à regrouper les fonctions support et à les mutualiser pour le groupe plutôt qu’une branche. Nous avons donc des chantiers à mener pour homogénéiser et rationaliser les outils digitaux, avec des perspectives comme le BIM [building information modeling]. BIM et gestion de la donnée sont d’ailleurs des sujets intimement liés.
[bctt tweet= »« La révolution de l’immobilier se concrétisera grâce à l’accélération des objets connectés via la 5G. » » username= »Alliancy_lemag »]
La satisfaction utilisateur, clients et collaborateurs, est-elle un KPI majeur de votre pilotage ?
B.U : Absolument. Je contribue à animer une filière de 300 personnes, dont pratiquement 200 inspecteurs techniques. Ce sont les clients de notre direction. Mais j’ai aussi des clients dans les métiers. Enfin, je considère, à travers l’expérience utilisateur, que le visiteur des bureaux de poste est également mon client. Je dois me soucier de son bien-être, de sa sécurité, en particulier en matière sanitaire dans le contexte actuel. C’est d’ailleurs ce qui nous a incité à favoriser l’air neuf et l’aération dans les bureaux de poste en prévention du risque Covid19.
La satisfaction est un indicateur essentiel, que nous mesurons à chaud et à froid, et surtout dans la durée. Ainsi, une application sur smartphone permet de noter à chaud à la livraison d’un chantier, par exemple une rénovation d’un bureau de poste. Les remontées client s’effectuent aussi par le biais des tickets d’incident. Mais nous disposons également de tableaux de bord avec des KPI et nous menons des audits via des questionnaires et des échantillons.
Dans vos missions, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
B.U : Le groupe, mais aussi Poste Immo, sont en pleine transformation. Et une telle transformation nécessite beaucoup d’accompagnement, avec une dimension services amenée à devenir majoritaire. Il y a donc un cap à fixer, vers lequel tous les métiers tendent, même si ce n’est pas au même rythme. C’est une source de complexité, qui pour être surmontée nécessite un soutien managérial. Toute révolution doit être inspirée par le haut, mais mise en œuvre localement.
Quelles technologies induisent des changements dans votre activité et comment peuvent-elles vous aider ?
B.U : La donnée et le traitement Big Data de celle-ci, sans la dupliquer, mais en l’exploitant directement à la source et à jour, tout en croisant les données pour affiner les diagnostics. Ce sera pour moi d’une aide considérable. Parmi les technologies, c’est aussi le BIM, sur la vision 3D. Mais même en 2D et avec une approche homogène sur l’ensemble du parc, en superposant les « calques » en fonction des types de réseau, cela constituerait déjà un précieux atout.
Ce sont également les outils de mobilité. Nous avons commencé, mais il est possible d’aller plus loin encore. L’objet connecté le plus évident, c’est le smartphone, qu’on a tous sur nous. Il permet de capter énormément d’information sur nous, mais aussi notre environnement. Enfin, les IoT liés à l’immeuble et à ses capteurs pour des croisements des données grâce au Big Data. Ces technologies sont essentielles. Je pense que la révolution de l’immobilier se concrétisera grâce à l’accélération des objets connectés via la 5G. Ces nouveaux outils nous aiderons à disposer d’une donnée fiable et à créer des programmes d’investissement au service de grands enjeux comme l’empreinte carbone. Cette révolution va être mise en œuvre dans les 5 ans.
De ces technologies, j’attends qu’elles apportent de l’aide à la décision aux métiers de l’exploitation, une fiabilité des données et leur structuration.
Ces métiers ont-ils une culture de la donnée ?
B.U : Dans la maintenance, oui, avec les GMAO [gestion de maintenance assistée par ordinateur]. Dans les métiers immobiliers, on dispose de la donnée lorsqu’elle est nécessaire au financier : la facturation, la répartition des charges, etc. Mais sinon, effectivement, cette culture fait encore défaut. Pour autant, de plus en plus, la donnée sera stratégique dans l’immobilier.
Comment réunir l’entreprise et ses prestataires autour de la problématique des données ?
B.U : C’est un point essentiel. Et pour y parvenir, il faut réfléchir en workflow et non au niveau des sous-systèmes. Cela implique de suivre le cycle de vie de la donnée. Autre axe : les études d’impacts sur l’environnement de la donnée. Une donnée peut avoir un rôle différent d’une application à l’autre. Elle peut en outre être importante pour l’entreprise, et plus secondaire pour ses prestataires, et inversement.
L’expérience utilisateur est un autre levier pour fédérer autour des données. Une donnée non utilisée a peu de chances d’être à jour. Il importe donc dès le départ de se poser la question de l’utilité de la donnée.
Mais la relation est importante également pour considérer le prestataire comme un partenaire. Pour réfléchir ensemble, il faut déjà bien se connaître, se rencontrer souvent entre donneurs d’ordre et prestataires, mais aussi avec ses pairs. Selon moi, il est essentiel également de partager les données. L’open source a démontré combien il permettait de générer de la croissance. Pour la donnée, la philosophie est similaire.
[bctt tweet= »« De plus en plus, la donnée sera stratégique dans l’immobilier. » » username= »Alliancy_lemag »]
C’est un changement culturel et relationnel ?
B.U : Oui, et il est nécessaire de savoir convaincre et embarquer les plus sceptiques. L’ouverture, le partage de la donnée, est in fine bénéfique à tous. Les systèmes d’information ont suivi cette tendance. Auparavant, pour des raisons de sécurité, il était très complexe d’accéder à une application SaaS située hors du périmètre de l’entreprise. Des process le permettent désormais et les ingénieurs sécurité se sont adaptés à cette réalité.
Nous avons tous intérêt à partager et à apprendre des échecs. La crise sanitaire nous en a fourni la démonstration. Nous avons échangé entre directeurs d’exploitation des grands groupes pour réfléchir aux mesures à mettre en place sur les systèmes de chauffage, ventilation, climatisation. La pandémie nous a appris à partager nos bonnes pratiques face à une situation inédite pour les adapter à notre propre contexte corporate.
Quels seront vos grands chantiers de 2021 et 2022 ?
B.U : Dans l’immédiat, c’est la consolidation du référentiel de données à partir d’une GMAO unique. Cela englobe tous les multi-techniques. Nous ne pouvons pas travailler avec un seul. Ils sont six actuellement et le danger, c’est d’avoir six GMAO. Nous menons aussi l’intégration avec les autres applications métiers via le SI au travers notamment d’APIs, dont l’ERP pour le financier.
Parmi nos chantiers, nous avons également la prise en compte du BIM gestion d’exploitation maintenance. La vision du BIM GEM d’il y a trois ans est différente de celle d’aujourd’hui. Et, elle va peut-être encore évoluer. Mais il faut savoir tirer les opportunités du BIM GEM pour nous aider à mieux maîtriser nos métiers.
Autre grand enjeu, issu de cette crise d’ailleurs, c’est le partage des lieux de travail à travers les tiers-lieux, l’open-space et le flex-office. La transformation des espaces de travail en espaces collaboratifs partagés imposera de revoir tous les réseaux, les plans et la distribution des fluides – chauffage, climatisation, etc. Le BIM GEM est une bonne opportunité dans ce cadre.
Enfin, Poste Immo se fixe comme objectif d’intégrer sa politique immobilière durable à son exploitation et ses investissements. C’est une grande ambition de notre PDG et du groupe, au-delà même de la réglementation. Il s’agit donc d’adapter à nos outils et à nos fonctionnements ces objectifs ambitieux en matière de réduction de l’empreinte carbone. Nous avons certes le plus grand parc privé de véhicules électriques au monde, mais nous pouvons encore nous améliorer. Le transport représente la moitié de nos émissions.
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