Des clients aux collaborateurs de l’entreprise, le numérique ne cesse de créer de nouveaux enjeux. Comment les DSI peuvent-elles s’adapter, suivre le rythme, se remettre en question ? François Desrayaud, DSI de Lafarge France, et Jean-Claude Viala, DSI de RTE, participent tous deux aux Rencontres Clients SFR Business Team. Ils y échangent notamment sur leurs expériences et leurs visions de la transformation numérique des entreprises. Pour nous, ils reviennent sur l’impact que ces technologies et nouveaux usages ont sur leurs sociétés respectives.
Quelle est la principale évolution numérique qu’a connue votre entreprise ces dernières années ?
François Desrayaud : Le regroupement de nos 6 sièges sociaux sur un seul site, à Clamart (Hauts-de-Seine), dans le cadre de la réorganisation par pays du Groupe Lafarge et la nouvelle organisation pour la France, est un bon exemple de l’impact du numérique sur notre entreprise. Equiper un bâtiment neuf et vierge nous a donné l’occasion de ruptures technologiques : nous sommes passés par exemple à de la téléphonie sur IP et à un déploiement massif de la vidéo-conférence. Au départ réticents, nous commençons à découvrir le potentiel de ces nouveaux usages, qui va se démultiplier à l’avenir.
Jean-Claude Viala : Chez RTE, le numérique nous a permis d’améliorer considérablement la sécurité du système électrique. Celui-ci a évolué autant ces 10 dernières années que depuis son invention ! Cependant, je crois que l’évolution qui nous impacte le plus est de manière générale l’accélération des rythmes d’innovation, plutôt qu’une technologie en particulier. L’offre de service de RTE reste la même, l’accès à l’électricité pour tous, sans discrimination… mais nous sommes aujourd’hui capable de fournir de l’information en temps réel, à nos agents comme aux consommateurs finaux, qui ne sont pourtant pas nos clients directs.
Quels sont les usages nouveaux dont vous avez dû absolument tenir compte ?
F. Desrayaud : La consolidation des sièges a mécaniquement allongé les temps de trajets pour certain de nos collaborateurs. Aussi, nous sommes en train de mettre en place le télétravail. Cela peut devenir une modification assez profonde du fonctionnement de la société que va faciliter l’introduction de nouvelles solutions numériques. Nous avons, à cette occasion, renforcé notre collaboration avec la DRH qui coordonne ce projet.
J-C. Viala : Dans notre cas, il s’agit certainement de la mobilité. Plus précisément, l’accès à l’information, à tout moment, en tout lieu. C’est bien souvent au fond d’une vallée difficile d’accès qu’un de nos techniciens va avoir besoin d’informations pour intervenir sur une ligne à haute tension, sans être obligé de retourner à sa base. Nous investissons donc en termes d’infrastructures, mais également sur des usages complètement nouveaux, tels que la vidéo-assistance qui permet à des experts de prodiguer des conseils à distance lors d’une intervention. Quand ces nouvelles fonctionnalités, que nous n’imaginions même pas par le passé, seront déployées à grande échelle, cela va révolutionner notre quotidien et notre réactivité en cas d’incident.
Quel impact ont ces transformations, en interne pour la DSI ?
J-C. Viala : Je pense que la DSI est beaucoup plus sollicitée par les métiers, mais également que les exigences des utilisateurs sont plus fortes vis-à-vis de son action. Il y a de plus en plus d’attentes parce que le numérique est partout. Les usages professionnels peuvent être comparés à de nombreuses autres situations, qui ne sont pas celles de l’entreprise. Le DSI a toujours eu un rôle de préparation aux nouvelles pratiques… mais je pense que le périmètre où nous exerçons ce rôle à présent ne cesse de grandir.
F. Desrayaud : Du fait de la convergence numérique, nous avons dû, comme beaucoup, intégrer la téléphonie à notre métier en partageant les responsabilités avec les Services Généraux qui la gérait exclusivement auparavant. Plus important encore, depuis 2 ans la DSI est rattachée directement, comme les directions coeur-de-métier, au Directeur Général France. D’une forme de relation transactionnelle, client-fournisseur interne, nous sommes en train d’évoluer en conséquence vers une relation de partenariat avec les métiers. A La DSI, nous nous sentons de plus en plus légitimes pour bouger les frontières, voire bousculer les habitudes, en proposant des services, même s’ils n’avaient pas été demandés. Cela offre des potentiels d’innovation insoupçonnés.
Comment résumer les points positifs qu’une DSI peut retirer de ces changements ?
J-C. Viala : L’accélération technologique est telle que la DSI est obligée de se positionner et d’être force de proposition sur ces nouveaux usages qui naissent grâce aux technologies. Cela permet de beaucoup mieux valoriser son rôle dans l’entreprise. Chez RTE, la DSI est devenue un métier comme un autre, plus seulement de back-office. Je pense que l’industrie en général à maintenant compris que l’on a absolument besoin de collaborer et de coopérer, à tous les étages : du marketing à la production, en passant par les commerciaux, tout le monde doit dialoguer… et dialoguer avec la DSI. Ces nouvelles coopérations permettent une meilleure prise en compte de la valeur du numérique dans l’ensemble de l’entreprise.
F. Desrayaud : Nous sommes en train de devenir un centre de valeur ajoutée là où nous n’étions vus que comme un centre de coût, il y a quelques années encore. C’est un objectif important pour les DSI, à l’heure actuelle. Pour le management, la question est ainsi devenue celle de la capacité de la DSI à apporter de nouveaux services pour le business, afin de proposer de la valeur aux clients finaux.
Quel est le meilleur moyen d’innover dans cette dynamique ?
J-C. Viala : Depuis quelques temps, nous avons mis en place une organisation du SI en fonction de 7 grands programmes, chacun étant sous la responsabilité d’une direction métier. Ils regroupent des équipes mixtes, dirigées tantôt par un responsable projet métier, tantôt DSI. L’ensemble de ces programmes donne lieu au Plan de Gestion des Programmes du SI, validé chaque année par le COMEX. C’est une force d’avoir à la fois cette présence opérationnelle et cette vision à long terme à mon niveau. Au final, il n’y a d’innovation technologique réussie que quand c’est le métier qui en a l’idée. Plus que jamais, la mission de la DSI est donc de développer la maturité des métiers pour que le tempo soit le meilleur possible.
F. Desrayaud : Il y a 2 ans, nous avons créé un nouveau poste de Responsable Innovation et Nouvelles Technologies afin de nous inscrire dans le programme d’innovation généralisée, poussé par le Groupe. Pour innover, il fallait qu’une personne au moins puisse s’extraire de nos problématiques quotidiennes, afin de recueillir les besoins et d’imaginer des solutions, de les mutualiser avec d’autres Pays à travers le Groupe, pour pousser au final de nouvelles offres aux clients. Ainsi, nous avons fait émerger un portail client pour les artisans du métier Granulats, et nous avons commencé la dématérialisation de nos bons de livraison. Mais ces innovations clients n’ont été rendues possibles que parce qu’en parallèle notre entreprise a fait l’effort de s’approprier elle-même les nouveaux usages offerts par le numérique. A ce titre, j’espère voir les métiers challenger de plus en plus la DSI, pour que nous entrions dans un mode de collaboration encore plus prononcé.
A propos de Lafarge France A propos de RTE |
Lire : Interview de François Desrayaud, DSI de Lafarge France (en version intégrale)
Lire : Interview de Jean-Claude Viala, DSI de RTE (en version intégrale)
Cet article est extrait du n°6 d’Alliancy, le mag – Découvrir l’intégralité du magazine