Éric Haddad est Managing Director de Google Cloud pour la France. Il partage sa vision sur les moteurs de la transformation actuelle des entreprises et souligne le changement profond qui a lieu dans la perception des sujets numériques en général et du cloud en particulier.
Alliancy. Des organisations de toutes tailles changent aujourd’hui en profondeur leurs modes de fonctionnement et leur business model. Quels sont les sujets qui amènent le plus un déclic de transformation selon vous ?
Éric Haddad. Le déclic est clairement la transformation de leur métier en tant que tel. Bien entendu, c’est la technologie qui va permettre de réaliser les projets sous-jacents, mais le cœur des discussions est toujours une refonte des processus métiers, de la façon de créer de la valeur, voire de la place dans la chaîne de valeur d’une activité… Les directions informatiques sont présentes dans ces discussions, mais l’initiative de départ est portée par une direction métier. En termes de maturité, si l’on prend l’exemple du cloud : 95 % des entreprises que l’on rencontre veulent passer le cap et se demandent surtout avec qui et comment ?
À ce titre, une partie de notre mission est bien d’aider les CIO et CTO à répondre aux opportunités que peuvent leur adresser le business et le métier, car ils seront de facto les maîtres d’œuvre de la transformation dans un monde où le numérique est omniprésent. Les entreprises nous interrogent et nous font confiance car, au-delà de notre expertise technologique, elles savent que la culture numérique fait partie de notre ADN depuis notre création il y a un peu plus de vingt ans. En France, nous avons de très bons exemples de cette réalité, comme les partenariats avec Total ou Carrefour. Avec Total, nous avons commencé dès le départ à travailler avec leur activité Exploration-Production, qui est un métier extrêmement spécifique. Du côté de Carrefour, nous avons également vu l’implication de la Chief Digital Officer du groupe pour assurer cet angle métier et faire en sorte que la transformation soit à la fois un sujet externe, vis-à-vis des clients, qu’interne vis-à-vis des collaborateurs.
Est-ce que cette symétrie des attentions est toujours prise en compte ?
Vos interlocuteurs ont-ils changé ces dernières années, en conséquence ?
Éric Haddad. Le nombre et la variété des interlocuteurs ont augmenté. Il est vraiment intéressant de voir comment il est aujourd’hui possible d’avoir des discussions de fond sur le numérique avec des acteurs de tous horizons. Nous rencontrons tous les jours des CEO qui abordent très sérieusement leurs enjeux de transformation digitale : il ne s’agit plus de discours d’informaticiens qui parlent aux informaticiens. Tout le monde converge et commence à se comprendre, notamment autour des enjeux business. La technologie est un enjeu de stratégie d’entreprise et il est possible aujourd’hui de dépasser les barrières traditionnelles du langage technique. En la matière, je suis convaincu que le Chief Information Officer a un rôle central. En France, la plupart d’entre eux ont fait leur métamorphose et ont pris une position stratégique, soit directement au sein du comex, soit dans son immédiate proximité. Ils sont devenus les interlocuteurs les plus pertinents avec leur compréhension des technologies clouds, de machine learning, data et IA… pour aider l’entreprise à adresser rapidement ses principaux challenges et à définir ses priorités de transformation. Google Cloud est toujours disponible du reste pour soutenir au maximum les CIO et CTO dans leurs échanges avec le comex.
Dans ce contexte, les attentes des entreprises vis-à-vis de leurs prestataires ont-elles changé ? À quel niveau voientelles une vraie différenciation ?
Éric Haddad. Nous notons un appétit marqué sur les sujets d’avenir et les applications futures. IA, machine learning, ou encore exploitation de la data : les attentes sont devenues extrêmement fortes en quelques années pour des accompagnements pertinents, réactifs, agiles, sur ces axes structurants pour l’innovation dans une activité. En ce sens, le différenciateur est le fait d’avoir dans son ADN cette culture numérique. Il ne s’agit pas d’être une « entreprise du monde informatique » pour aider ces transformations. Google vient du monde digital et cela fait la différence. Un autre aspect est la capacité à travailler avec un écosystème pertinent. Nous avons développé avec le temps un réseau de partenaires très spécialisés sur ces différents sujets. Et nous travaillons autant avec des pure-players du digital qu’avec des acteurs traditionnels qui ont fait leur mue, à l’image d’Atos (voir Interview p. 28). Une de nos caractéristiques est d’être très sélectifs. Nous ne cherchons pas de relations opportunistes ; nous voulons pouvoir tisser un lien intime avec nos partenaires et permettre un partage culturel très fort, autour de nos convictions sur la transformation digitale, sur les modes de travail ou sur l’avenir des systèmes d’information. En France par exemple, nous travaillons notamment avec 4 grands intégrateurs : Atos, Accenture, Sopra Steria et Devoteam. C’est un choix affirmé et eux-mêmes ont accepté de travailler de façon spécifique avec nous.
À quel point justement pensez-vous pouvoir transmettre à vos clients les partis pris culturels qui ont fait la réputation de Google ?
Éric Haddad. Ce partage est activement recherché par les entreprises. Bien sûr, selon leur taille, cela se traduit différemment. Pour les PME, ce sont nos partenaires qui sont le fer de lance de ces transformations, en s’appuyant sur nos propositions de solutions techniques. C’est pour cela qu’il est extrêmement important que nous ayons cette intimité avec eux. Nous sommes également présents au sein des 200 premiers grands groupes et dans ce cas, nous prenons très au sérieux cette responsabilité d’inspiration. Nous proposons à ces acteurs des ressources conséquentes afin de faciliter la transformation, avec entre autres des équipes dédiées. Par exemple, nous créons des « pods » qui regroupent les équipes techniques et commerciales, de façon à pouvoir travailler en one to one avec chaque entreprise. C’est ce qui permet d’avoir la réactivité et l’adaptabilité nécessaires pour répondre à la fois aux défis techniques et culturels dans les grandes organisations.