L’intelligence artificielle générative est de plus en plus présente face aux clients pour effectuer les interactions les plus simples de support ou de SAV. Dépourvue d’empathie, elle pourrait paradoxalement aider à la reconnaissance de la qualité du service d’un humain et en augmenter la valeur.
L’immédiateté d’exécution est l’une des caractéristiques qui rend les technologies d’intelligence artificielle générative (IAG) particulièrement attrayantes. À cet égard, elles ont d’ores et déjà un impact majeur sur la qualité de service des entreprises. Éric Dadian, président de l’Association française de la relation client (AFRC), observe ainsi une “vraie révolution pour l’expérience client », comparable à l’arrivée du smartphone à la fin des années 2000. Il estime que l’IAG peut améliorer la qualité de service tout en valorisant les métiers du service client.
L’IAG à tous les étages des services client
Toutefois, cette valorisation demandera aux entreprises d’être particulièrement attentives sur la « symétrie des attentions » portée à la fois aux clients et aux collaborateurs des services client. Marc-Éric Bobillier Chaumont, professeur de la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM), spécialisé dans les usages et incidences des technologies émergentes, souligne ainsi que le “bon” déploiement de tels outils au sein des entreprises est clé pour véritablement accroître la qualité de service globale. “Si l’IAG remet en cause la qualité de vie au travail, cela peut engendrer plus d’erreurs, de rebuts, qui entraineront à leur tour un malaise chez les employés, voire des départs”. Intégrée plus profondément aux processus, l’IA pourra au contraire contribuer au bien-être des employés au travail et en rebond, maintenir une satisfaction élevée de la clientèle, souligne le professeur.
“L’IA copilote l’agent”, reconnait Éric Dadian, qui assure qu’une entreprise qui détruirait des emplois pour remplacer entièrement un service client par des agents IA, prendrait tout simplement le risque de disparaître. Les tâches simples sont les plus menacées par l’arrivée des IAG, mais pour l’instant, la valeur de l’humain reste primordiale, alors que l’IAG n’est pas encore infaillible. “Certains processus comme les appels téléphoniques sont encore trop longs avec l’intelligence artificielle”, estime ainsi Éric Dadian.
Les caractéristiques telles que l’empathie ou la gestion des émotions sont encore absentes des modèles d’IAG actuels, qui ne sont pas en capacité d’offrir un service sur mesure. En la matière, Éric Dadian estime que l’IAG n’atteindra jamais le même niveau de service qu’un humain. “Quand des clients ont des problèmes d’argent, seul l’humain peut faire preuve d’une certaine compréhension et empathie”, note par exemple le président de l’AFRC. Le professeur Marc-Éric Bobillier Chaumont résume lui aussi en quelques mots l’importance de l’humain dans la qualité de service : “La plus-value qu’on trouve dans un face-à-face n’est pas présente avec l’IAG”.
L’humain dans le service client : prémium et payant ?
En septembre dernier, Onclusive (ex-Kantar) avait annoncé son ambition de remplacer près de 200 de ses employés par l’IAG. Devant la bronca provoquée, l’entreprise de communication a fait marche arrière. Dans son nouveau plan, elle souhaite dorénavant proposer différents types d’offres à ses clients : les plus basiques, uniquement à travers l’IAG, et les offres prémium, gérées par ses employés. Nous dirigeons-nous vers une expérience client où ces derniers devront payer plus pour échanger avec des êtres humains ? Pour Marc-Éric Bobillier Chaumont le risque est réel. Le spécialiste de la psychologie du travail estime que la qualité de service pourrait désormais avoir un coût supplémentaire en raison de l’expertise innovante apportée par les humains, contrairement aux IAG qui appliquent des procédures standardisées. “Cette hiérarchisation est préoccupante”, s’inquiète-t-il, évoquant un risque de “taylorisation” du service client par l’IA. “Tout le monde aura la même approche du service, et l’analyse personnalisée, la prise en compte des difficultés de la personne, du contexte et de l’implicite, réalisées par un humain, seront payantes”, estime-t-il.
Une préoccupation infondée pour Éric Dadian, qui estime que les technologies d’IA contribueront plutôt à réduire les coûts globaux, finançant en partie le coût de la présence humaine. L’impact de cette dernière sur la fidélisation serait également à prendre en considération dans les équilibres comptables des services clients. Les services clients chercheront selon lui toujours à se distinguer les uns des autres dans un objectif de fidélisation.
La démocratisation des IAG pourrait par ailleurs orienter les employés vers de nouvelles tâches et encourager à valoriser davantage l’expérience client dans les organisations. Pour le président de l’AFRC, la qualité de service devrait donc s’améliorer nettement dans les trois prochaines années, grâce à l’augmentation des performances des IA. Plusieurs cas d’usage sont ainsi testés par l’AFRC depuis juin dernier pour vérifier cette intuition : l’association donne rendez-vous en juin 2024 pour des conclusions formelles.