Notre chroniqueur Imed Boughzala reprend sa série d’article sur l’intelligence digitale face aux enjeux actuels. Dans cet article il revient sur le défi de « donner du sens » à l’expérience collaborateur dans les organisations, avec le numérique.
Depuis l’éclatement de la crise financière en 2008, la confiance en soi, la collaboration et le bien-être au travail ont gagné en popularité. Les dirigeants d’entreprise, impressionnés par l’enthousiasme et l’énergie positive des employés de la Silicon Valley, ont cherché à s’inspirer de cette dynamique pour insuffler la magie de l’expérience collaborateur dans leurs organisations. Cette expérience se concentre sur les moments clés du parcours d’un collaborateur, allant de son recrutement à son départ, et vise à améliorer son vécu au sein de l’entreprise.
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Suite à l’émergence de l’ère digitale et aux évolutions des modes de travail consécutives à la crise sanitaire, les entreprises sont maintenant contraintes d’adapter rapidement leurs approches en matière d’expérience collaborateur. Celles qui n’ont pas réussi à s’adapter ont constaté que leurs employés éprouvaient un certain mal-être voire de la souffrance psychologique, dans des conditions de travail dégradées. Un sentiment d’exclusion allié à un manque d’information a entraîné une diminution des performances des employés et une perte significative du sens donné au travail ainsi que du sentiment d’appartenance.
Des études de recherche ont permis de documenter la transformation numérique. Les cabinets de conseil ont assisté les entreprises dans leur inévitable transition vers la digitalisation de l’expérience collaborateur. Un processus type de transformation tient compte : des activités et des moments propices à la digitalisation, en tenant compte du contexte spécifique et des capacités de l’organisation ainsi que de ses employés.
L’expérience collaborateur en quatre niveaux à digitaliser
En fonction du niveau de maturité digitale souhaité, l’entreprise procède à la digitalisation, dans une certaine mesure, de quatre points essentiels de l’expérience collaborateur :
- Digitalisation des relations RH : à travers trois composants : le recrutement/intégration, l’administration/gestion, et le développement du personnel. La digitalisation du premier implique le dépôt d’offres d’emplois sur les réseaux sociaux et les sites dédiés, suivi de l’utilisation d’une plateforme de gestion des candidatures, d’entretiens vidéo, usage de la réalité virtuelle pour la découverte des locaux, et intégration de l’intelligence artificielle pour filtrer les candidats. Le management digital du personnel nécessite la mise en place de systèmes d’information pour la gestion du temps, et la génération et l’échange de documents. Enfin, le développement passe par la formation. Les connaissances par essence aujourd’hui digitales, induisent un ajustement des méthodes de formation en mettant en place des programmes « distanciels » synchrones et asynchrones. Il s’agit de programmes développés en interne voire acquis auprès de plateformes spécialisées, et se présentent sous forme de SPOC, MOOC ou de jeux permettant au collaborateur de se former à son rythme selon ses besoins. L’Institut Mines-Télécom a d’ailleurs publié un livret sur une décennie d’innovation des cours en ligne. Les entreprises qui ont adhéré à ces changements ont gagné du temps en automatisant les tâches chronophages sans valeur ajoutée.
- Digitalisation de la convivialité : Pendant le Covid, les employés ont souligné que les discussions autour de la machine à café leur ont manqué bien plus par rapport à leur espace personnel. Ils viennent désormais au bureau pour créer du lien social plus que pour travailler sur leurs tâches individuelles. La digitalisation de la convivialité permet une modularité optimale de l’espace pour favoriser les échanges et les rencontres. Les lieux de détente, les évènements et les activités de team building sont partiellement voire complètement digitalisés en intégrant des serious games, des avatars, la réalité étendue, ou le digital twin de l’organisation. Cette approche permettrait aux entreprises de rallier le physique au virtuel dans une perspective flexible aux capacités et aux préférences de leurs salariés.
- Digitalisation de la communication (interne et externe) : La digitalisation de la communication a été bénéfique aux entreprises qui l’ont mise en place de façon inclusive et pertinente. Un usage excessif des outils de communication numérique a généré du technostress et de l’infobésité, généré une démotivation de certains salariés et a favorisé leur isolement. Pour le flux interne, cette digitalisation de la communication nécessite l’usage d’outils ergonomiques pour les mailings et l’ouverture d’intranet pour un partage centralisé et standardisé de l’information. Ensuite, des réseaux sociaux internes permettent des échanges ludiques et dynamiques, en intégrant entre autres, un mur blanc ou une boîte à idées digitalisés. Si la digitalisation de la communication externe est orientée surtout vers les clients, le collaborateur est sollicité dans les entreprises les plus matures pour conforter leurs images en tant qu’ambassadeur sur les réseaux sociaux. Il s’agit de l’Employee Advocacy qui consiste à ce que les collaborateurs partagent leurs vécus et leurs impressions à propos de l’employeur dans leurs propres comptes média ou dans des supports dédiés au branding des entreprises. Beaucoup de classements ont vu le jour sur la notion Best place to work comme Best Workplaces France et Great Place To Work® France.
- Digitalisation des processus de travail au quotidien : La plupart des organisations ont profité des conditions de travail dématérialisé créées par le Covid pour réaménager leurs bureaux et initier une transformation radicale des processus et outils. Les bureaux fixes et unipersonnels disparaissent au profit de salles de Coworking et de postes standardisés pour accueillir tout type de collaborateur. Le nombre de postes diminue en raison du recours massif au télétravail rotatif, réduisant ainsi les coûts d’infrastructure. Les entreprises peuvent également investir dans des salles de réunion en améliorant l’acoustique en raison de la multiplication des réunions en ligne. Ces salles intègrent aussi des outils pour le brainstorming et la cocréation « phygitaux ». Le travail quotidien du collaborateur repose sur des interactions avec le management et les fonctions support. Des outils collaboratifs de planification et de gestion de projet et des systèmes d’échange avec les clients sont mis en place, complétant la workplace digitale.
Processus de mise en place de l’expérience collaborateur digitalisée
Un processus de digitalisation de l’expérience collaborateur digitalisé pourrait s’articuler en 3 phases :
- La phase d’écoute détermine le modèle digital optimal pour chaque point de contact en fonction du contexte de l’entreprise. L’organisation se fait accompagner d’experts en digitalisation pour réussir cette étape cruciale et s’assurer du respect des règlements en vigueur sur la gestion des données personnelles. L’écoute repose sur des enquêtes internes et du benchmarking externe. Ils appréhendent la stratégie globale de l’organisation, la culture et la mentalité dominantes des équipes, et les capacités technologiques actuelles et potentielles de l’organisation. Les managers et les représentants des utilisateurs sont impliqués pour intégrer les besoins de chaque unité.
- Une fois le parc technologique ajusté à partir des modèles mis en place pour toucher les différents points de contacts digitalisés, la confrontation permet à chaque collaborateur de les évaluer. Avec un outil en self-service, il en mesure la maturité au regard des nouveaux outils et processus. L’évaluation se concentre sur les technologies et pratiques qui concernent le collaborateur, déterminés durant la phase précédente. Elle peut intégrer d’autres outils plébiscités par le collaborateur s’ils n’altèrent pas son travail et celui de l’équipe.
- La phase de projection permet de définir et mettre en place les actions nécessaires au déploiement de l’expérience collaborateur digitalisée. En fonction de ses résultats, le collaborateur obtient des recommandations individuelles et un plan d’accompagnement pour monter en maturité digitale. Un tableau de bord généré automatiquement permet d’observer les résultats par équipe et d’en déduire des plans collectifs de conduite du changement.
La transformation digitale ou numérique inclut généralement trois niveaux d’analyse : l’expérience utilisateur (UX), l’excellence opérationnelle ou processus opérationnels (OP) et les modèles d’affaire ou business models (BM). La digitalisation de l’expérience collaborateur (Employee eXperience – EX) est un processus itératif à la lumière des évolutions des technologies, des besoins organisationnels, et du contexte socioéconomique. La maturité digitale au sein de l’entreprise doit être évaluée régulièrement pour identifier les transformations d’envergure à mener, tracer la feuille de route à moyen-terme de la stratégie digitale, et définir sa déclinaison en fonction des priorités des métiers. Elle revient d’abord à développer l’intelligence digitale chez des individus. Ils représentent un rouage clé et un préalable indispensable pour réussir le processus de toute d digitalisation et ainsi prospérer à l’ère digital.