Tandis que le paiement instantané rencontre des difficultés techniques de déploiement, l’arrivée de la facturation obligatoire se profile comme un levier technologique suffisamment puissant pour démocratiser l’infrastructure nécessaire au paiement instantané open banking. Cela représente un gain en compétitivité immense pour les entreprises en France et en Europe. Olivier Binet, CEO de Bridge, nous livre son analyse.
Propulsé par l’Open Banking, le virement instantané est un moyen de paiement aux avantages encore méconnus et dont l’adoption est freinée par des contraintes techniques et des modèles d’affaires. L’arrivée prochaine de la facture électronique obligatoire pourrait en démocratiser l’usage et c’est une très bonne nouvelle pour notre économie.
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Obligatoire et progressivement déployée à partir de juillet 2024, la facture dématérialisée va accélérer la digitalisation comptable des entreprises. À terme, toutes les entreprises devront émettre leurs factures au format structuré (fini le PDF !), en passant par la plateforme étatique Chorus Pro ou par les plateformes de dématérialisation partenaires de l’État (dites PDP).
La réforme doit permettre de renforcer la compétitivité des entreprises, notamment via la réduction des délais de paiement, d’améliorer la collecte de la TVA et la lutte contre la fraude en simplifiant les obligations déclaratives.
Combler l’écart de TVA et accélérer les paiements
Si elle peut être vécue par les entreprises comme une contrainte, la facture électronique répond à d’importants enjeux. En France, l’écart de TVA, c’est-à-dire la différence entre les recettes attendues et le montant effectivement perçu, s’élève à 14 milliards d’euros par an.
Or, son rendement pour les finances publiques (et donc, le financement des services publics) est important puisqu’il s’agit de l’impôt qui rapporte le plus de recettes fiscales.
Par ailleurs, les délais de paiement pèsent lourdement sur l’activité. Ce fléau touche principalement les petites et moyennes entreprises alors même qu’elles forment l’essentiel du tissu économique. Selon le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement (2021), une entreprise se fait payer avec 12,5 jours de retard en moyenne sur les délais réglementaires (30 ou 60 jours). Les conséquences peuvent aller du simple écart de trésorerie à la faillite en bonne et due forme.
Autre facteur aggravant : les moyens de paiement lents. Le virement traditionnel représente la quasi-totalité des paiements en B2B et ce, malgré un délai d’exécution compris entre deux et trois
jours. Or, la Commission européenne estime à 200 milliards d’euros par jour le montant des sommes bloquées durant ce « délai de flottement ».
Une opportunité pour les logiciels et les PDP
La facture électronique va corriger ces dysfonctionnements en accélérant l’adoption des technologies les plus innovantes et en tirant partie des infrastructures de paiement disponibles. Elle s’inscrit dans le prolongement des mesures européennes et nationales en faveur de la digitalisation des entreprises, notamment la deuxième Directive sur les services de paiement (DSP2).
Depuis 2018, la DSP2 permet à des acteurs tiers (développeurs, fintechs, logiciels…) d’accéder aux données clients des banques et d’offrir des services d’initiation de paiement. C’est le principe de l’Open Banking. Concrètement, les logiciels de gestion d’entreprise (ERP), de comptabilité ainsi que les PDP peuvent dès à présent enrichir leur offre de facturation électronique en y intégrant des briques applicatives innovantes propulsées par l’Open Banking. Par exemple : la collecte automatique des données de TVA, ou encore, l’initiation de paiement des factures par virement immédiat ou instantané.
Le virement instantané en voie de généralisation
Fluide, simple et sécurisé, le paiement par virement Open banking résout les lenteurs et problèmes associés au virement bancaire traditionnel. Intégré à la facture électronique, il soutient la productivité et la compétitivité des entreprises, en particulier les TPE et PME qui voient l’amélioration de leurs flux de trésorerie grâce à un encaissement plus rapide et un rapprochement bancaire automatisé. Quelques secondes suffisent pour transférer les sommes, y compris de montant élevé.
On comprend dès lors que la Commission européenne, dans le cadre de son ambition en faveur d’un moyen de paiement souverain à l’échelle de l’Union, veuille généraliser le paiement instantané. Elle a récemment adopté une proposition législative visant à accélérer l’adoption de ce moyen de paiement. La troisième Directive européenne sur les services de paiement (DSP3), en cours de réflexion, œuvre également en ce sens.
Facture électronique : le cycle vertueux du paiement Open Banking
Quoi qu’il en soit, les entreprises peuvent dès à présent payer et se faire payer par virement instantané ou immédiat grâce à l’Open Banking. Charge aux logiciels et PDP de pousser ce mode de paiement dans leur offre de facturation électronique. Comment ? Par l’intégration du paiement par lien ou QR code transmis en même temps que les factures.
L’entreprise cliente recevrait alors une facture fournisseur via la plateforme de dématérialisation, ainsi qu’un lien ou un QR code de paiement relatif à cette facture par email, en même temps. Il lui suffirait ensuite de sélectionner sa banque, de s’authentifier et donner un ordre de paiement immédiat, sans avoir à communiquer ses données bancaires.
Étendu à toutes les transactions en France, ce circuit de paiements accélérés contribuera à la résilience et à la compétitivité de notre économie, en permettant aux entreprises de garder le contrôle sur leurs flux de trésorerie et de réduire leurs coûts de fonctionnement.
Loin de constituer une contrainte, la facture électronique offre aux entreprises l’occasion d’exploiter une infrastructure technologique sécurisée à leur disposition pour rendre les paiements rapides, agiles et irrévocables. Qui dit non ?
Devenir plus compétitif commence aujourd’hui
De facto, les logiciels et PDP jouent un rôle clé dans la transition de l’économie vers la facturation électronique. En ce sens, ils gagneraient à en faire un levier de différenciation et cela passe, entre autres, par le paiement.
Il semble en effet tout naturel que les entreprises puissent transmettre leurs factures accompagnées d’une solution qui facilite le paiement pour les clients. D’autant plus que la facture électronique se double d’une obligation déclarative concernant les statuts de paiement : une exigence que simplifie la traçabilité native des paiements instantanés.
En intégrant à leur offre le paiement bancaire par virement instantané ou immédiat, les logiciels favorisent le succès de cette transition tout en permettant à la facture électronique de tenir l’une de ses promesses : renforcer la compétitivité des entreprises. Ces dernières peuvent d’ores et déjà optimiser leurs efforts d’adaptation au chantier mature de la facturation électronique (elles y sont obligatoirement poussées), en y greffant des solutions qui consolident leur résilience financière.
Quant aux logiciels, ils se dotent d’un atout concurrentiel majeur, car si l’ensemble des acteurs se conforment à la facture électronique, tous ne proposent pas (encore) des fonctionnalités Open Banking à forte valeur ajoutée comme le virement instantané.
Alors que se profile la DSP3, qui promet d’accélérer encore davantage la digitalisation des services financiers, les logiciels ont tout intérêt à saisir l’opportunité de la facture électronique pour innover et, eux aussi, devenir plus compétitifs. Elle implique la mise à jour des systèmes informatiques et offre, à cette occasion, la possibilité de proposer aux clients un service de facturation électronique à la fois conforme et hautement performant.