8 mars 2022. En cette journée internationale des droits des femmes, un petit coup d’oeil dans le rétroviseur… et un zoom sur les progrès d’un secteur qui reste très genré : la tech.
Mais restons positifs : si l’on dispose de ce chiffre, c’est grâce à une autre loi, celle de 1983. La loi Yvette Roudy institue l’obligation pour les entreprises de produire un rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes dans leur propre organisation. Ce rapport de situation comparée (RSC) nous permet aujourd’hui de disposer de chiffres précis à l’échelle du pays. La loi Roudy a également introduit la discrimination positive.(1)
Bien d’autres textes ont suivi, avec de nouvelles exigences en matière de transparence, comme la loi de 2018 qui impose aux entreprises de plus de 50 salariés de calculer et publier leur “index d’égalité femmes-hommes” (lire plus bas).
Il n’en reste pas moins que l’héritage est lourd et qu’il faut souvent plusieurs générations avant constater de vrais progrès. Certains secteurs d’activité restent nettement genrés. C’est le cas du nôtre – le digital, avec aujourd’hui seulement 23% de femmes (source : Fondation Femmes Numériques, « Quelle place pour les femmes dans le numérique en 2020 ? », décembre 2020).
Rappelons que les femmes représentent environ 48% de la population active française.
Mais ce n’est pas forcément les employeurs qu’il faut blâmer. En termes d’orientation professionnelle, les lycéennes se détournent très tôt des filières du numérique. En 2019-2020, on comptait 56% de femmes en première générale et seulement 2,9% en spécialité Numérique et Sciences Informatiques. (2)
On trouve des chiffres aussi bas lorsqu’il s’agit de créer une start-up : sur l’ensemble des start-up fondées depuis 2008 en France, 85% sont fondées par une équipe exclusivement masculine et 10% par une équipe mixte. Soit seulement 5% de fondatrices de start-up… (3)/p>
A noter, une loi de décembre 2021 indique que la banque publique Bpifrance devra respecter des objectifs de mixité dans le soutien aux entreprises et un seuil de 30% de femmes d’ici un an dans les comités de sélection des projets. Un seuil de 40% a été ajouté par les sénateurs à partir de 2027. Dans les deux ans, la banque publique devra conditionner l’octroi de financements en prêt ou en fonds propres à la publication par les entreprises de l’index de l’égalité professionnelle. Enfin, tous les ans, Bpifrance devra publier des données genrées en matière d’aides et d’accès aux prêts. (1)
En ce mois de mars 2022, Ippon Technologies met en valeur ses collaboratrices. Parmi lesquelles Julie Petit, Scrum Master et chef de projet, Anne Jacquet, consultant Fullstack, Noémi Bourgeois, UX Researcher, Aurélie Potier, ingénieur de développement… Ou encore Julie Quagliozzi, diplômée de l’école d’ingénieur informatique Enseirb-Matmeca et du Cnam en 2012. Entrée chez Ippon il y a 15 ans, elle a commencé par être développeur web/Java pendant 6 ans avant de prendre de la hauteur sur la technique et de devenir chef de projet. Elle est désormais Product Owner pour Chanel depuis presque 4 ans. « Durant ces années, elle est devenue maman et a passé des certifications et formations », souligne le cabinet de conseil.
Autre initiative, celle de Dell Technologies, qui poursuit depuis 2010 le programme « Progress made Real ». « Aujourd’hui, Dell Technologies affiche un taux de féminisation supérieur à la moyenne du secteur, avec 31 % de collaboratrices au niveau global en 2020 », déclare Muriel Avinens, General Manager Medium Business France et directrice du site de Montpellier, où se trouve le siège social français et où sont centralisées les activités de support technique et de vente de l’Europe du Sud. Objectif : atteindre la parité homme-femme d’ici 2030, « avec 50% de collaboratrices à l’échelle mondiale et 40% de femmes managers. »
« Nos efforts s’orientent également vers l’ensemble de notre écosystème, notamment grâce au réseau DWEN : Dell Women’s Entrepreneur Netwok, pour encourager et faciliter l’entrepreneuriat au féminin. Cette plateforme permet aux entrepreneuses françaises de partager leur expérience et s’entraider pour surmonter les obstacles, comme ceux liés à l’accès aux financements », poursuit Muriel Avinens, qui a également lancé avec Dell le projet « Wi-Filles », dont l’objectif est d’attirer davantage de candidates vers les métiers du numérique.
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(1)https://www.vie-publique.fr/eclairage/19602-droits-des-femmes-ou-en-est-legalite-professionnelle
(2) https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2021/12/Chiffres-cles-Egalite-femmes-hommes-2021.pdf
(3) Source : Direction générale des entreprises – Direction générale de la cohésion sociale, « Femmes et entrepreneuriat », Rapport du Gouvernement sur la situation des entrepreneures, décembre 2019. Chiffres CrunchBase, SISTA/Boston Consulting Group (BCG).
Eric Varache est le DRH de Meritis, société de conseil spécialisée dans la transformation numérique. Fondée il y a 15 ans, l’entreprise compte aujourd’hui 800 collaborateurs ; elle a réussi à augmenter de 31 % l’année dernière ses recrutements de femmes, portant à 34 % la part féminine de ses effectifs.
Alliancy. Dans quelle mesure êtes-vous touchés par la pénurie de talents dans la Tech ?
Eric Varache. La pénurie est importante – et comme chez nos confrères elle constitue l’un de nos principaux défis. Meritis affiche 20 % de croissance chaque année. Pour tenir ce rythme, il nous faut recruter et fidéliser nos équipes.
Les RH sont un levier essentiel en ESN : toute notre activité est directement fondée sur les expertises de nos collaborateurs. Nous nous démarquons en proposant à nos collaborateurs de construire une vraie carrière de consultant chez nous : avec un suivi régulier et un maillage relationnel quand bien même nous les voyons peu – puisque par définition, ils sont chez le client. Chaque consultant dispose d’un référent Mission, d’un référent Carrière et d’un référent RH.
Vous avez de bons chiffres en matière de recrutement féminin : pouvez-vous nous partager quelques conseils pratiques pour expliquer ce succès ?
Il n’y a pas de « miracle ». Recruter des femmes (comme recruter tout court) se construit dans la durée. Nous travaillons depuis longtemps sur la marque employeur. Nous sommes attentifs à ces signaux importants que constituent les avis Glassdoor ou le classement Great Place to Work. Et nous intervenons beaucoup dans les écoles d’ingénieurs : il s’agit de toucher les jeunes diplômés le plus tôt possible – et notamment les femmes, encore sous-représentées dans ces formations Cela demande du temps et de la régularité, mais nos efforts sont payants. Notre index d’égalité est monté cette année à 99 (lire l’encadré ci-dessous)
Quels sont les freins les plus difficiles à supprimer ?
Eric Varache. Sans aucun doute, le manque de candidates en amont. C’est pour cela que nous investissons les écoles et que nous essayons de susciter des vocations, avec des campagnes telles que « Women In Tech », lancée l’année dernière. Elle met en valeur certaines de nos collaboratrices. Les portraits sont affichés sur notre site Internet.
Nous misons également beaucoup sur la cooptation et encourageons nos collaborateurs à être vraiment inclusifs. La cooptation représente aujourd’hui 30 % de nos recrutements. Nous avons doublé et parfois triplé les primes de cooptation en fin d’année dernière, sur certains profils. Et nous versons en plus de cette prime 300 euros par trimestre durant toute la durée de vie du contrat de la personne cooptée. C’est un système gagnant pour tout le monde.
L’index d’égalité femmes-hommes instauré en 2018 est une note sur 100, intégrant :
- la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, par catégorie de postes équivalents et par tranche d’âge (40 points) ;
- la même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes (20 points) ;
- la même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes (15 points) ;
- l’augmentation de salaire garantie au retour de congé maternité (15 points) ;
- la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations (10 points).
Les entreprises devaient atteindre a minima la note de 75 sur 100 en l’espace de trois ans. Si leur score est inférieur à 75, elles doivent mettre en place des mesures correctives sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 1% du chiffre d’affaires.
Le 1er mars dernier, elles ont dû rendre publics leurs résultats pour 2021.
=> Seules 56% des entreprises ont obtenu une note supérieure à 75 en 2021
2% ont un score de 100%.
A venir : « La Tech pour toutes » par l’Ecole 42 revient du 11 au 13 mars prochains.