François Denis est Senior Cloud Advisor chez Cloudreach, un intégrateur 100% cloud natif qui accompagne depuis plus de dix ans la transformation numérique des entreprises dans le cloud public. En tant qu’observateur privilégié du marché français, il met en garde contre la tentation de brûler les étapes pour les projets d’adoption cloud des organisations, alors que la clé de la transformation est stratégique et organisationnelle.
Alliancy. Les entreprises vont-elles aujourd’hui dans le cloud de la même façon que lorsqu’elles découvraient le sujet, il y a une dizaine d’années ?
François Denis : La maturité des entreprises n’est évidemment plus du tout la même. Aujourd’hui, les concepts du cloud sont connus en entreprise, tout du moins en surface. Des équipes dirigeantes aux équipes opérationnelles, les avis sont aussi nombreux qu’il y a d’interlocuteurs. Et cela peut poser problème : on en vient parfois à se concentrer sur la technologie plutôt que sur la stratégie de transformation de l’entreprise.
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Les sujets de migration peuvent être mis en avant – comme nous l’avons vu chez plusieurs clients – alors qu’il s’agit en réalité d’une des dernières étapes lors de l’adoption du cloud public. En outre, les phases d’expérimentations techniques, bien que nécessaires à l’appréhension des technologies, ne doivent pas être les seuls moteurs de l’adoption du cloud. Il est dur d’envisager aujourd’hui de dire : « J’y vais seul, le reste suivra après la technologie… ».
Ce sont encore des propos que vous entendez ?
F. D. : Il m’arrive bien sûr parfois d’entendre des choses surprenantes, mais la majorité s’explique… soit par le contexte, soit par une appréhension, ou encore si le « curseur de l’ambition » est mal positionné. On peut penser que la maturité des entreprises sur le sujet de la transformation numérique devrait faciliter la compréhension du cloud : ce n’est pas une énième itération de leur IT, ni un énième datacenter, mais un changement global de leur façon de produire de la valeur. Quand on entend aujourd’hui que le cloud est réduit à un support d’infrastructure, on peut imaginer que les conditions de succès ne sont pas forcément réunies pour un projet.
Cette vision, qui consiste encore à voir le cloud comme un sujet technologique, n’est pas anodine, car c’est ce point de départ problématique qui fera qu’au terme du projet, les remises en causes liées au business, à l’organisation ou au modèle financier seront complètement subies par l’entreprise. Alors qu’au contraire, la transformation cloud nécessite d’être proactif sur toutes ces questions dès le départ. La vision technologique au démarrage n’est pas intrinsèquement mauvaise, mais elle doit être accompagnée des changements business, organisationnels et financiers pour réaliser la promesse du cloud. Dans le cas contraire, comme nous l’avons observé chez certains clients, les projets d’adoptions sont, au mieux, confinés au titre d’expérimentation, au pire, source d’impact négatif sur l’entreprise.
Pourquoi la situation est-elle si différente, par rapport aux succès qu’on a pu voir dans le passé ?
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Dans ce contexte, quelle doit être la priorité pour les DSI ?
F. D. : Avant même de se concentrer sur les compétences techniques, c’est la stratégie et l’organisation qui doivent être traitées en priorité. Il faut définir les objectifs de l’entreprise : bénéficier de la souplesse du cloud pour réduire son time to market ou aller chercher un avantage technique concurrentiel par exemple. Cette vision doit non seulement être clairement définie par tous les dirigeants, mais aussi être largement communiquée en interne. Il faut qu’elle soit comprise, car c’est bien l’organisation qui pourra être revue pour être « scalable » dans le cadre d’un déploiement cloud à grande échelle. C’est dans ce cadre également que l’entreprise va définir ses nouveaux métiers du cloud et les plans de formation associés. On voit bien avec tous ces points d’attention que le sujet du cloud n’est plus du tout celui d’un DSI qui mène son projet tout seul de son côté. C’est au contraire un projet d’entreprise qui nécessite un véritable accompagnement global.
Quelle est aujourd’hui l’erreur la plus courante et la plus facilement rectifiable que vous voyez dans les organisations ?
F. D. : Je dirais le fait de séparer le niveau stratégique et le niveau tactique de la transformation cloud. Il arrive souvent chez nos clients de voir s’installer un fossé entre le business et la technique. Or, si le cloud est un sujet business et humain avant tout, il est crucial d’associer les décideurs dès les premiers ateliers afin de lier cette vision à celle plus technique. C’est l’implication de ces deux acteurs qui définit l’étoile polaire à suivre. En effet, c’est le rôle du DSI de créer le lien entre sa vision et l’exécution. Ce n’est pas pour rien que l’on insiste sur l’importance d’un accompagnement global permettant une acculturation au cloud : il faut prévoir les liens qui permettent de parler à tout le monde, de faire comprendre la philosophie du cloud et de prendre le pouls très régulier des équipes techniques.
En la matière, il faut donc être prêt à s’appuyer sur tous les supports possibles pour communiquer et créer une boucle continue de feedbacks : journées de formation globales, webinaires mais aussi articles de blogs ou newsletters. Au sein d’une DSI les niveaux d’information sur le cloud sont extrêmement variés et cela doit être pris en compte… En effet, il existe plusieurs manières de cartographier l’adoption du cloud, d’en montrer les étapes et la progression… et donc de s’assurer, de ce fait, que le lien entre stratégie et tactique ne se rompt pas au fil des mois.