Futur du travail : l’IA au service de l’employabilité

Les robots IA sont-ils vraiment plus à même d’accompagner le développement de carrière que les humains ? La dernière étude AI@Work d’Oracle met en lumière les attentes des salariés… et les sujets clés pour les DRH.

Sylvain Letourmy, Directeur Stratégie Solutions RH d'Oracle France & Sud

Sylvain Letourmy, Directeur Stratégie Solutions RH d’Oracle France & Sud

La dernière étude AI@Work d’Oracle illustre les évolutions “post-covid” dans la perception des salariés et des DRH, qui interrogent le rôle de la technologie dans l’équation. Les robots IA sont-ils vraiment plus à même d’accompagner le développement de carrière que les humains ? Nous avons posé la question à Sylvain Letourmy, Directeur Stratégie Solutions RH d’Oracle France & Sud.

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Selon la dernière étude mondiale AI@Work d’Oracle*, 85% des employés se déclarent insatisfaits de l’accompagnement de carrière apporté par leur employeur

Ils sont pourtant désireux de progresser, à tel point que plus de la moitié d’entre eux seraient prêts à renoncer à des congés (52%) ou une prime (51%) en échange d’opportunités de développement de carrière plus nombreuses. 43 % se disent même prêts à renoncer à une partie de leur salaire

« Cela devrait être un signal d’alarme pour les entreprises, leur indiquant qu’elles ne soutiennent peut-être pas suffisamment leurs collaborateurs » , estiment les auteurs de l’étude.

[bctt tweet= »« Un collaborateur a du mal à comprendre pourquoi son employeur en sait moins sur lui que ce qu’il déclare publiquement sur les réseaux sociaux. » » username= »Alliancy_lemag »]

Autre chiffre intéressant, dans la même veine que les premiers : 82% des salariés pensent que les robots sont plus à même d’accompagner leur développement de carrière que les humains (73% pour les Français).

85% des répondants (77% pour les Français) souhaitent que la technologie les aide à façonner leur avenir :

– en identifiant les compétences qu’ils doivent développer (36%)

– en recommandant des moyens d’acquérir de nouvelles compétences (36%)

– en leur indiquant la marche à suivre pour progresser dans leurs objectifs de carrière (32%)

69% de Français se sentent dans une « impasse »

Parmi les autres chiffres de l’étude, on découvre que 91% des Français ont profité de l’année 2021 pour réfléchir à leur vie : 85% disent concevoir différemment la réussite depuis la pandémie. Désormais, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle (43%), la santé mentale (29%) et la flexibilité au travail (24%) représentent les priorités les plus citées.

69% des Français ont le sentiment de se trouver dans une impasse professionnelle à cause d’un manque de possibilités d’évolution de carrière (22%) mais aussi en raison d’une surcharge de travail qui les empêche d’envisager tout changement (16%).

79% des Français annonçaient, fin 2021, qu’ils voulaient changer de carrière au cours de l’année 2022, mais 76% indiquaient aussi faire face à des freins considérables. Les principaux obstacles étant un manque de confiance (20%), l’absence de possibilités d’évolution au sein de leur entreprise actuelle (20%), l’incapacité à déterminer quel changement de carrière était porteur de sens pour eux (17%) et des difficultés financières (11%).

Trois questions à Sylvain Letourmy, Directeur Stratégie Solutions RH d’Oracle France & Sud

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans cette nouvelle édition d’AI@Work ?

« Nous nous attendions à ce que les salariés nous confirment des difficultés professionnelles et personnelles liées à la pandémie. Ce qui nous a étonnés en revanche, c’est la rapidité avec laquelle ils reprennent les rênes, après une phase de sidération.

Ils expriment de fortes attentes pour faire bouger les choses et sont très demandeurs d’un accompagnement – qu’il regrettent d’ailleurs de ne pas trouver de la part de leur employeur. C’est donc assez naturellement qu’ils se tournent vers les nouvelles technologies.

Beaucoup de collaborateurs expriment leur inquiétude face au risque d’obsolescence de leurs compétences. A mon sens, il est important de basculer vers une entreprise « Employee-Centric » (et pas seulement Customer-Centric) : l’employabilité et le sens du travail ne sont plus la seule affaire du DRH, mais un sujet de ComEx.

Que vous demandent vos clients DRH, justement ? Sont-ils sensibles à cette évolution ?

Nous voyons remonter de plus en plus de demandes de sécurisation des données RH et de partage de ces données avec d’autres fonctions, financières notamment. Les DRH s’attachent bien plus qu’avant à la sécurisation d’une « donnée RH unique ». Je crois que cela exprime leur volonté de personnaliser l’expérience Employé : on sait bien qu’il n’y a pas de personnalisation possible sans données solides.

L’IA au service de l’employabilité, cela veut dire quoi concrètement ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Il y a d’abord les « fondamentaux » : j’ai vu ces derniers mois des DRH qui systématiquement décidaient d’ouvrir l’accès à leur SI à l’ensemble de leur population, y compris aux « cols bleus ». C’est important, car jusqu’à présent cette population n’était pas couverte. On se disait « Ils n’ont pas d’ordinateur » – et parfois ils n’avaient pas d’email d’entreprise, donc pas d’identité digitale.

J’ai vu des DRH qui ont su adresser ce sujet d’inclusion en fournissant un QR code sur un flyer, un mot de passe imprimé sur le bulletin de salaire en l’associant à l’adresse email personnelle, etc.

Les taux d’adoption grimpent à 75% dès le lancement de ce type de projets. Cela montre que le problème de maturité était bien côté SI, pas côté Employés.

Autre exemple, nous avons récemment lancé deux solutions « infusées à l’IA » : Oracle Journeys, qui propose au salarié un accompagnement personnalisé dans son entreprise et Oracle Dynamic Skills, qui identifie les compétences et besoins individuels des salariés, pour continuer à les former et à les faire grandir au sein de l’entreprise. Il existe de nombreuses données convertible en signaux faibles et en balises : la fréquence de consultation de la bourse des emplois par un salarié, le temps qu’il a passé à un même poste, le résumé de son dernier entretien avec son manager, les compétences personnelles qu’il a déclarées sur LinkedIn mais pas en interne… Un collaborateur a du mal à comprendre pourquoi son employeur en sait moins sur lui que ce qu’il déclare publiquement sur les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, il est important de pouvoir agréger tout cela, pour proposer au salarié, en « push », un parcours qui soit le plus près possible de son état d’esprit du moment.

L’IA peut résoudre en grande partie la problématique du DRH tant sur l’effort de mise à jour des compétences, que sur la confrontation des demandes d’évolution internes, avec les besoins à pourvoir de l’entreprise. La guerre des talents est telle qu’il est franchement pertinent d’aller chercher « chez soi » des ressources possibles et de les former, plutôt que d’aller recruter à l’extérieur.

Je rappelle que d’après l’OCDE, plus de 65% des collaborateurs déclarent qu’il est plus facile de trouver un job ailleurs qu’au sein de leur organisation actuelle… C’est un chiffre qu’il est temps de faire mentir !

(*) 4e édition d’AI@Work – étude Oracle / Workplace Intelligence, menée dans 13 pays auprès de plus de 14 600 salariés, managers, responsables RH et cadres dirigeants.