Gaia-X, après les premiers pas, il faut passer à la vitesse supérieure

Produire des spécifications à Bruxelles, l’association Gaia-X y excelle depuis sa création. Maintenant, l’étape suivante est de rentrer dans une phase plus opérationnelle afin d’aider les entreprises à s’en saisir. L’ambition ultime ? Faire de l’économie de la donnée une filière robuste et organisée. C’est ce second chapitre qui s’ouvre pour le hub France de Gaia-X sous l’égide de l’Institut Mines-Télécom (IMT).

Lancée en juin 2020, l’association internationale Gaia-X fête ses 4 ans. Dotée de statuts belges, la structure est basée à Bruxelles. Elle est dotée d’un conseil d’administration réservé aux institutions type Nordic Institute for Interoperability Solutions, Fraunhofer Gesellschaft, Digital Europe et sociétés aux sièges basés en Europe comme Orange, EDF, Eviden, OVHcloud, Proximus… Chez Gaia-X, un peu plus de 330 membres sont répartis dans une vingtaine de hubs nationaux dans plusieurs Etats membres de l’UE (France, Allemagne, Espagne, Italie, etc.) mais aussi aux Etats-Unis, au Japon et en Corée. « Le rôle fondamental de Gaia-X est de travailler sur des documents de spécifications techniques (architecture de systèmes d’informations, règles et labels) qui contribuent à définir un environnement de confiance permettant de mieux répondre aux besoins des espaces de données ainsi que de développer l’économie de la donnée au niveau national et européen », indiquent dans un bel unisson Anne-Sophie Taillandier, coordinatrice du hub France de Gaia au sein de l’Institut Mines-Télécom (IMT) et Marine de Sury, directrice de mission et coordinatrice du hub France de Gaia-X au sein du Cigref. Bercy et le secrétariat d’Etat chargé du numérique ont missionné l’IMT pour assurer la direction du hub France, mais le pilotage se fait en partenariat avec le Cigref, le précédent chef d’orchestre.

Passer d’un « think tank » à un « do tank »

« C’est le Cigref qui a sollicité le ministère de l’économie et des finances pour que le flambeau soit passé à l’IMT compte tenu de l’évolution des espaces de données et de la nécessité d’entrer dans une phase plus opérationnelle. Outre le fait qu’il y avait un besoin d’expertises techniques accru, les statuts du Cigref ne lui permettaient pas de recevoir des fonds et il y a aussi des besoins financiers à couvrir eu égard à cette nouvelle étape », affirme même Marine de Sury. L’IMT a en effet l’avantage de disposer de TeraLab, plateforme d’intelligence artificielle et de big data, dirigée par Anne-Sophie Taillandier. Celle-ci rend à César ce qui est à César. « Le Cigref a réalisé un important travail de mobilisation amont des acteurs de la filière lors du lancement de Gaia-X, reconnaît-elle. Mais avec le développement des spécifications techniques et des premières mises en œuvre de labels aux multiples critères notamment, les entreprises ont eu des questions concrètes qui nécessitait l’intervention d’un acteur comme l’IMT qui fait partie des membres fondateurs de l’association. »

Lever des verrous  technologiques ou scientifiques

La 6e session plénière du hub France qui a lieu le 8 mars à Bercy a permis d’en apprendre un peu plus sur la feuille de route à déployer qui combine l’aide financière en amont fournie par Bpifrance via l’appel à projets « Espaces de données » et le Data Space Lab, projet porté par l’Institut Mines-Télécom et soutenu par France 2030 pour un montant de 3,4 M€. Le but ? Sélectionner les dossiers à fort impact pour la structuration des filières industrielles françaises. Dans le précédent appel à projets lancé par la banque publique, il fallait avoir une entité juridique déjà constituée avant de pouvoir obtenir les subventions. « Quand il s’agit de gouvernance d’un espace de données, c’est un sujet très sensible de déterminer qui est l’opérateur et un peu compliqué pour les utilisateurs qui sont dans cet espace de données », relève Anne-Sophie Taillandier. Le nouvel appel flèche mieux les choses, quitte à avoir des TRL moins élevés. « Pour reprendre l’exemple cité, le livrable sera la structure juridique elle-même avec ce nouvel appel à projets. », complète-t-elle.

Parmi les projets d’espaces de données sur orbite avant cette nouvelle phase, on peut citer Eona-X, qui regroupe des acteurs de la mobilité et du tourisme (Air France/KLM Group, Groupe ADP, Aéroport Marseille Provence, SNCF, Apidae Tourisme, Renault Group, Inria, Amadeus) dans la perspective notamment des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Sans compter d’autres initiatives comme AgDataHub (plateforme d’intermédiation de données dédiée au secteur agricole et agroalimentaire), Prometheus-X (données d’éducation et de compétences en Europe) et Omega-X (espace de données sur l’énergie).

Amorcer le flux des projets pour le Space Data Lab

Côté IMT, les premiers pilotes commencent à arriver mais les efforts d’évangélisation doivent continuer car les cas d’usages sur le partage de données sont  nombreux, de la santé à l’énergie en passant par les médias (partage de données sur le fact checking pour optimiser le temps de vérification). « Un atelier technique, monté avec le Cigref, aura ainsi lieu en septembre et des modules simples ciblent déjà les dirigeants d’entreprises, les utilisateurs de données et les fournisseurs », précise Anne-Sophie Taillandier. Le prochain sommet de Gaia-X aura lieu du 14 au 15 novembre à Helsinki en Finlande. L’occasion de promouvoir plus largement le Space Data Lab et « de voir avec les autres hubs nationaux comment se connecter à ce type d’outils au niveau européen », dit la directrice de TeraLab.

Martine Gouriet, directrice des usages numériques chez EDF

Quel apport concret de Gaia-X ? L’exemple de l’énergéticien EDF

Martine Gouriet est directrice des usages numériques chez EDF. Elle est également membre du conseil d’administration de Gaia-X.

Qu’attendiez-vous de GaiaX à sa mise en place ? 

Gaia-X est une association qui s’est lancée en 2020 avec 22 membres fondateurs. L’idée de départ était de soutenir les échanges de données souverains et européens basés sur la confiance avec notamment le développement de la technologie cloud. Nos attentes étaient de plusieurs ordres : 

  • Etablir un dialogue tant avec les grands fournisseurs de service qu’avec nos pairs utilisateurs de données au niveau européen afin de construire des standards de l’industrie sur les données gérées par ces acteurs ;
  • Etablir les critères permettant de caractériser au niveau européen des cloud de confiance ;
  •  Construire des projets européens d’échanges de données ou « dataspaces », sécurisés et décentralisés, dans le domaine de l’énergie. 

Ces attentes ont-elles été satisfaites ? 

Quatre ans après, je considère que les objectifs sont largement atteints. L’association s’est rapidement développée et elle compte maintenant plus de 330 membres venant de tous horizons – grands groupes, PME, associations, instituts de recherche. Elle compte maintenant des membres de plus de 20 pays de l’Union européenne, des Etats-Unis et du Japon.  

Elle a développé ses quasi standards et notamment les règles définissant la conformité avec 3 niveaux de labels. Le premier niveau permet de définir des règles en termes de cybersécurité, données personnelles, portabilité. Le second niveau impose une option que les données soient stockées en Europe. Le troisième niveau s’applique pour un niveau plus élevé en termes de cybersécurité, un stockage des données en Europe et des opérateurs de cloud Européens.  

De grands projets européens d’échanges de données dans des domaines très variés se sont créés s’appuyant sur les standards Gaia-X :  mobilité, logistique, transport, automobile, médias, etc. EDF est partie prenante de plusieurs gros projets européens qui s’appuient sur ces standards Gaia-X (Oméga X, data cellar, Enershare) et travaille activement sur de nouveaux projets.  Tous ces développements devraient contribuer à favoriser l’émergence d’un ou plusieurs acteurs européens dans le domaine du cloud de confiance. 

Qu’apportez-vous vous-même en tant que grand groupe français aux réflexions menées et actions concrètes lancées par cette structure ?  

EDF apporte ses compétences dans 2 domaines prioritaires. Le groupe « labels », que j’ai piloté pendant deux ans, définit les critères qui vont permettre de caractériser les cloud de confiance et leurs différents niveaux. Je me suis largement inspirée des travaux menés par le Cigref pour les élargir au niveau européen.

Ainsi dans Gaia-X, il y a un niveau de labellisation dit niveau 3 avec des critères de souveraineté s’apparentant aux critères les plus élevés de Secnumcloud, label de certification français en matière de cybersécurité et de souveraineté, avec des opérateurs de cloud qui doivent être européens. Cette règle permet de garantir que les données ne sont pas soumises aux lois extraterritoriales et de choisir un niveau élevé de confiance pour héberger les données les plus sensibles. Nous avons trouvé un consensus sur ce sujet au niveau de l’association Gaia-X.  Ces critères ont été votés alors que les discussions se poursuivent entre les Etats membres et la Commission européenne sur ce même sujet pour l’EUCS, projet européen de certification des fournisseurs de cloud.

Enfin, dans le domaine de l’énergie, nos équipes participent activement aux projets autour d’espaces de données dans le domaine de l’énergie avec des cas d’usage qui contribuent directement à la transition énergétique au niveau européen :  développement des énergies renouvelables, développement du véhicule électrique, flexibilités, etc.

Quels sont les grands chantiers / grandes réflexions de Gaia-X que vous considérez comme prioritaires à l’avenir ? 

Il est extrêmement important que tous les projets passent de la phase de conception à la phase de réalisation opérationnelle.  Les labels sont définis avec leurs 3 niveaux et il faut maintenant qu’ils soient mis en œuvre de façon opérationnelle. Le label de niveau 3 sera particulièrement scruté puisqu’il s’agira du premier label souverain en Europe. Par ailleurs, Gaia-X doit aussi être un des lieux force de proposition pour les standards de l’Intelligence artificielle (1) en Europe. Enfin l’élargissement à d’autres continents que l’Europe est sur la table, ce qui engendrera des niveaux de labels différents du niveau 3.  

  • Gaia-X a publié une note « Valeurs de Gaia-X dans le développement de l’économie européenne utilisant des solutions d’IA générative » à l’occasion de Vivatech. Elle est consultable ICI.