L’appel d’offres à l’initiative de la Société du Grand Paris (SGP), concernant la modélisation 3D des infrastructures du Grand Paris Express, a été remporté par un consortium de trois sociétés en 2015. Trois ans après, Alliancy fait le point sur ce projet d’une ampleur inégalée avec Gilles Guyard, directeur général de Vectuel pour la partie 3D.
Alliancy. Un mot sur Vectuel pour démarrer ?
Gilles Guyard. Vectuel est une société parisienne, créée en 2004. Basée dans le quartier de la Bastille, elle compte 35 collaborateurs et a réalisé un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros l’an dernier. Notre métier vise à visualiser et valoriser les territoires et leurs projets. L’intérêt est de favoriser la communication entre la chaîne de tous les acteurs de la ville, que sont les collectivités, les aménageurs et les citoyens.
C’est ce que l’on appelle aujourd’hui le « jumeau numérique territorial ». Mais, si nous avons beaucoup travaillé avec les acteurs publics, nous le faisons désormais de plus en plus également avec les acteurs privés. Aujourd’hui, pour produire cette maquette 3D, nous modélisons donc les villes à partir d’un vol aérien en avion, et on en restitue un double digital dans le but de communiquer, mais également de pouvoir piloter la ville en tant qu’outil d’aide à la décision en termes d’énergies par exemple, comme le solaire…
Que faites-vous pour la Société du Grand Paris ?
Gilles Guyard. Pour la Société du Grand Paris, avec nos cotraitants que sont Systra (BIM) et Magellium (SI), nous avons remporté le plus grand marché de maquette 3D en France [lire encadré]. Nous diffusons ce jumeau numérique de tout le Grand Paris dans un moteur de jeu vidéo, dans lequel nous intégrons tous les grands projets d’aménagement en cours ou à venir. Tous les porteurs de projets privés peuvent également venir abonder leurs données dans cet outil commun. Toutefois, c’est encore nous qui administrons cette maquette unique pour obtenir une vraie cohérence technique et graphique, et ce grâce au BIM.
Qui sont les grands acteurs dont vous parlez qui abondent cette maquette ?
Gilles Guyard. C’est d’abord la Métropole du Grand Paris, avec les projets d’Inventons la métropole, qui est le plus grand appel à projets d’architecture et d’urbanisme d’Europe. Sur la version 1 du concours, nous avons intégré tous les lauréats de la cinquantaine de sites concernés. Sur la version 2, dont les gagnants seront connus le 19 juin prochain, nous ferons de même. Au final, ce seront entre 70 et 75 projets représentés dans cette maquette. Les 57 gares y sont donc représentées, mais également tous les projets urbains connexes prévus à leurs abords.
Par ailleurs, Paris 2024 fournit les éléments pour représenter la version « JO en matière d’aménagement », comme le site d’équitation de Versailles, la piscine olympique près du Stade de France ou le centre de Kayak et la base nautique de Vaires-sur-Marne… Ensuite, à plus petite échelle, on trouve tous les porteurs de projets que sont Paris-La Défense, de nombreux autres établissements publics d’aménagement, mais aussi, la RATP, la SNCF, Bouygues Construction, Icade, Vinci, Eiffage… Tout ceci nous permet d’obtenir une représentation unique, sans équivalent aujourd’hui, en termes de la Métropole du Grand Paris dans le futur. A ma connaissance, il n’y a pas de projet de ce type aussi important dans le monde… La difficulté étant de faire collaborer l’ensemble de ces acteurs sur un seul outil.
Ce projet vous a-t-il ouvert des portes au-delà ?
Gilles Guyard. Déjà, tous les acteurs publics et privés que j’ai cités et qui veulent utiliser cette maquette sont des portes qui s’ouvrent pour nous ! Nous savons diffuser nos données dans cet outil de jeu vidéo « smart gaming », mais nous offrons d’autres solutions pour ces acteurs comme des représentations qualitatives sous forme de films d’animation 3D ou d’expériences de réalité virtuelle avec Le Pod notamment. Cet outil, que nous avons mis au point, permet de se téléporter dans des lieux sans y être physiquement présent. On peut ainsi visiter tous ces projets non plus sur un ordinateur dans un jeu vidéo, mais à l’échelle 1 grâce à des lunettes connectées qui permettent de se promener dans le lieu de son choix.
Travaillez-vous à des échelles plus petites sur d’autres villes ?
Gilles Guyard. Nous avons modélisé dans cette même idée à peu près toutes les métropoles françaises comme Nice, Toulon, Marseille… et l’on travaille aujourd’hui sur Nantes (lire encadré) ou Toulouse. La grande différence aujourd’hui est que l’on ne modélise plus pour de la communication, au sens politique, dans le but de se projeter dans le futur, mais pour du pilotage opérationnel de la ville. Nous faisons des simulations intelligentes (flux de circulation autour d’un projet par exemple) à partir de cette maquette, qui devient un véritable outil de travail. Par exemple, à Saint-Denis, nous produisons une maquette autour du Village Olympique pour le représenter dans son environnement et simuler, par exemple, l’énergie solaire ou encore l’aéraulique dans un quartier… On peut ainsi placer des équipements techniques aux bons endroits.
En plus de disposer d’une visualisation 3D de son territoire, l’Ile-de-France propose également une plateforme d’open data et de données privées (plus de 700 jeux de données dans 18 domaines), pour permettre à terme à toutes les villes de la région capitale de multiplier les services.
Qui sont vos interlocuteurs dans les villes sur ces sujets ?
Gilles Guyard. Cela évolue… Historiquement, c’étaient d’abord les élus, les services de communication de la ville (l’outil servait surtout à cela), de l’urbanisme (on se projette dans la ville de demain), le service SIG (car on crée la carte), mais depuis peu, deux profils viennent s’y ajouter : les « BIM Managers » des grandes villes et le « Data Manager », ou le « responsable SmartCity » selon les cas… Ces profils « d’ingénieurs BTP » n’existaient pas il y a deux ou trois ans dans les villes.
Comment voyez-vous l’évolution de votre entreprise à court terme ?
Gilles Guyard. Le jumeau numérique territorial que je viens de vous décrire se faisait jusqu’à présent « hors ligne », il n’était pas consultable sur internet de par le « poids » informatique des données qu’il impose ; en tout cas, pas pour le grand public. Aujourd’hui, nous mettons toutes nos ressources de R&D sur une plateforme appelée Mappr, une solution qui permettra de diffuser l’ensemble de ces données graphiques sur le web et de venir y connecter facilement l’ensemble des flux disponibles en open data.
On va pouvoir ainsi obtenir la représentation de la ville de demain, connectée à toutes les données disponibles sur internet. C’est déjà le cas en partie… Par exemple, Puteaux dispose aujourd’hui d’une carte interactive avec tous ses projets du futur, à laquelle ont été « pluggé » divers équipements de la ville comme les places de parking pour personnes à mobilité réduite, les bornes de rechargement de véhicules électriques, les crèches, les écoles… Des données que l’on peut trouver en open data et que l’on met désormais en accès facilité pour le grand public sur internet. Ce qui est important de comprendre c’est que notre métier s’arrête à rendre visible cette information. Nous ne créons pas ces données, mais les intégrons dans l’outil socle. Un autre exemple avec Bouygues Construction : nous affichons sur une seule carte l’ensemble de leurs projets en cours dans la région capitale. Via cette carte, ils ont même la possibilité de se connecter en ligne, par webcam, sur le chantier de leur choix.
Doit-on uniquement passer par vos services pour intégrer une quelconque base de données dans cette maquette 3D ?
Gilles Guyard. Il y a deux modèles à ce sujet. Nous commercialisons Mappr sous forme de plateforme SaaS (en ligne), mais aussi une brique Mappr qui permet à un autre développeur de produire le même type de résultat. Cette dernière « brique » est actuellement en cours de bêta test chez cinq de nos partenaires pour une commercialisation sous forme d’abonnement prévue en fin d’année. A ce sujet d’ailleurs, nous recrutons et avons actuellement quatre postes de développeurs web ouverts. Un profil difficile à trouver…
Nantes Métropole et Gare du Nord disposent aussi de leur double numérique
Le 9 juillet 2018, SNCF Mobilités a engagé une négociation exclusive avec un groupement d’entreprises conduit par Ceetrus (Immochan) afin d’accompagner SNCF Gares & Connexions dans le projet de transformation de la Gare du Nord à Paris, et dont Valode & Pistre en est l’architecte.
Nantes Métropole et Gare du Nord, à Paris, disposent de leurs jumeaux numériques (ou maquettes 3D). Objectifs pour l’agglomération de l’ouest de la France : présenter la ville aux potentiels investisseurs, porteurs de projets intéressés par le foncier, et aux citoyens souhaitant se projeter dans leur « ville de demain », car cet avatar sera bientôt doté d’outils immersifs et participatifs.
Gare du Nord, de son côté, utilise son double numérique comme outil de concertation et de communication auprès des usagers et riverains, destinataires du projet. De grands travaux de transformation (600 millions d’euros de budget) sont en effet prévus dans la gare et le quartier dès 2020 (photo). Deux exemples qui montrent comment rendre la ville plus transparente et abordable ; et surtout qui permet de faciliter les échanges et interactions entre les différentes parties prenantes.
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