Gilles Mezari (Syntec Numérique) : « Nous allons faire bouger l’écosystème avec le prochain Top 250 »

Depuis 2011, Syntec Numérique et EY organisent chaque année le « Panorama Top 250 des créateurs et éditeurs de logiciels en France ». En 2018, celui-ci se renouvelle pour mieux faire face aux enjeux d’un marché en pleine recomposition. Gilles Mezari, co-Président du collège des éditeurs de logiciels au sein du Syntec Numérique, revient sur la dynamique en cours et sur les défis que le syndicat professionnel souhaite encore relever.

Gilles Mezari, co-Président du collège des éditeurs de logiciels au sein du Syntec Numérique

Alliancy. Comment résumer les enjeux actuels des éditeurs de logiciels français ?

Gilles Mezari. Il existe une croissance enthousiasmante sur nos marchés, ce qui renforce la confiance de nos entreprises. Les éditeurs de logiciels français font cependant face à un double enjeu majeur. Le premier est de relever le défi des compétences. C’est le nerf de la guerre pour assurer l’innovation et la croissance des organisations. Et les éditeurs de logiciels, tout comme les autres acteurs du numérique, doivent parvenir à rendre plus attractif le métier notamment pour les jeunes femmes. Nous devons aussi mieux former et trouver les moyens de conserver nos talents, parfois débauchés par nos concurrents … ou par nos clients.

Le deuxième enjeu est celui de l’accès au marché. La majorité des éditeurs français sont des PME, leur pérennité viendra aussi d’un changement de relation avec les grands comptes et de la capacité de ceux-ci de faciliter la présence de leurs partenaires à l’international.

Le changement généralisé de business model lié à l’adoption du mode SaaS est-il déterminant sur ces sujets ?

Gilles Mezari. Il est certain que le Software as a Service a été un énorme moteur de croissance ces dernières années. Ce business model est le nouveau modèle de rentabilité qui permet l’innovation. Néanmoins, il amène des transformations qui ne sont pas sans conséquence : les grands comptes en profitent parfois pour choisir la voie de la facilité en jouant sur les exigences en termes de sécurité ou d’hébergement pour pousser le rapport de force… La voie vers la standardisation n’est pas toujours un long fleuve tranquille, avec des habitudes sur les demandes de développements spécifiques qui ont parfois la vie dure. Or, ces business models nécessitent des effets d’entrainement de la part des grands comptes sur leurs partenaires. Les éditeurs français sont pour la co-innovation, mais pour cela il faut que l’écosystème dans son ensemble soit plus investit, notamment au niveau des grands donneurs d’ordres. Parler de co-innovation, ce n’est pas nous tuer économiquement à coup de POC gratuits ! Les grands patrons s’emparent progressivement de l’innovation, mais au niveau opérationnel, au quotidien, les décalages dans les usages sont flagrants.

Pourtant, les pouvoirs publics tendent à dresser un portrait élogieux des capacités d’innovation françaises dans le numérique ?

Gilles Mezari. Oui, mais cela ne doit pas cacher de vraies problématiques : tout le monde veut que les acteurs français montrent leurs innovations au monde entier et toute l’étendue de leurs talents. Mais les banques ne prêtent pas facilement, les fonds d’investissement, même si les montants investis sont en augmentation, restent trop conservateurs et des structures comme Bpifrance pourraient faire encore plus… Il faut encore faire évoluer nos structures de financement pour faire éclore des champions français de l’innovation. Les seuls qui prennent véritablement des risques aujourd’hui, ce sont les entrepreneurs.

Quelle est la position de Syntec Numérique face à ces problématiques ?

Gilles Mezari. Nous souhaitons fédérer les liens entre les différents écosystèmes, comme celui des éditeurs de logiciels et celui des ESN. Ces dernières bénéficient souvent d’un bon accès aux marchés et apportent donc une partie des réponses quand elles s’impliquent sur des projets structurants de grands donneurs d’ordres. A condition que ceux-ci soient ouverts à l’idée de travailler avec des acteurs variés.

Par ailleurs, une démarche comme le Top 250, menée ces dernières années, vise à faire bouger l’écosystème en mettant en avant tout le vivier des éditeurs français. Nos pépites ne se limitent pas à Criteo ! Le rendez-vous Top 250 se veut aussi un facilitateur d’accès aux grands donneurs d’ordre et à leurs grandes thématiques de transformation, du digital workplace jusqu’au véhicule connecté, par exemple. En montrant l’empreinte économique de nos entreprises, nous voulons mieux toucher les décideurs politiques, notamment les députés qui montrent un intérêt grandissant pour la numérisation de la société. En 2018, nous modifions donc l’organisation du Top 250 pour refléter ces ambitions, et faciliter le networking entre prestataires, clients finaux et investisseurs, autour de quatre grandes thématiques : industrie du futur, ville et territoire, santé et financements.

Qu’en est-il du sujet des compétences ?

Gilles Mezari. La transformation numérique concerne tous les secteurs économiques et crée de nouveaux besoins en termes de recrutement et donc de compétences. Les entreprises doivent anticiper cette évolution de leur métier et faire évoluer les compétences de leurs collaborateurs. Créateur d’emploi pour la 7ème année consécutive, le secteur numérique doit également faire face aujourd’hui à des difficultés de recrutement limitant ses perspectives de croissance. L’accompagnement de la reconversion des individus vers les compétences numériques est un enjeu fort, qui vise à répondre aux besoins de recrutement dans notre secteur et en particulier chez les éditeurs de logiciels.

Nous encourageons donc à dépasser une vision historiquement tournée vers les profils classiques de « codeurs » pour innover dans le sourcing des candidats et diversifier les profils de nos collaborateurs. Godefroy de Bentzmann, le président de Syntec Numérique, va proposer la mise en place d’un programme qui a pour objet de faciliter les reconversions de professionnels exerçant dans différents secteurs d’activité et souhaitant intégrer un éditeur de logiciel ou une ESN. Avec la transformation numérique de notre économie et le dynamisme de notre secteur, il faut en effet favoriser les transitions professionnelles. Cela sera bénéfique également pour les éditeurs qui accèderont ainsi à des savoir-faire métier que l’on doit retrouver au cœur des solutions elles-mêmes !

Ces actions de Syntec Numérique en faveur d’une nouvelle donne pour les talents dans nos entreprises, accompagnent nos opérations tournées vers l’international. Après le succès de nos rencontres franco-allemandes et franco-polonaises, et celui de notre événement qui a rassemblé les composantes de la Team France Export (Business France, CCI, Bpifrance…), nous proposons désormais un webinar mensuel pour mieux faire connaître les dispositifs d’aide au développement international par grandes zones géographiques. Au final, on sait que les acteurs français sont reconnus pour leur technicité et leur sérieux ; ce dont ils manquent c’est d’une force de frappe commerciale et marketing. Nous souhaitons que l’écosystème puisse apporter plus facilement ces réponses grâce à notre travail d’animation.

agenda

Le Top 250 organisé par Syntec Numérique et EY aura lieu le 16 octobre 2018