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[Tribune] Google, les éditeurs et les droits voisins : fin de la partie ?

En France, premier Etat Membre à avoir transposé la Directive européenne instaurant un nouveau droit voisin au bénéficie des éditeurs et agences de presse, les plateformes sont tenues de négocier avec ces derniers pour la réutilisation de leurs contenus de presse en ligne dès octobre 2019. Me Perrine Pelletier, qui a accompagné l’Alliance de la Presse d’Information Générale dans ses négociations sur les droits voisins avec Google et Facebook, nous livre son analyse.

Perrine Pelletier - Avocat au Barreau de Paris

Me Pelletier a accompagné l’Alliance de la Presse d’Information Générale dans ses négociations sur les droits voisins avec Google et Facebook

L’objectif : redéfinir le partage de valeurs entre les acteurs et protéger les investissements des éditeurs, alors que les plateformes ne contribuent pas à la production d’informations mais reçoivent 75% des dépenses publicitaires en ligne en France et 90% de la croissance du secteur.

Fort de sa position, Google « a proposé » aux éditeurs de maintenir l’indexation de leurs contenus protégés sur le moteur de recherche sous réserve d’une rémunération nulle. Las, les éditeurs ont saisi l’Autorité de la concurrence.

En cohérence avec sa vision de l’économie numérique (notamment en matière de publicité programmatique), l’Autorité a rendu une série de décisions d’injonctions et de sanctions à l’encontre de Google en particulier pour son manque de bonne foi dans les négociations.

La procédure au fond s’est clôturée ce 21 juin par l’acceptation des engagements de Google qui visent à rétablir un « cadre de négociation et de partage des informations nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération des droits voisins directs et indirects » selon M. Coeuré, Président de l’Autorité. Une issue certainement plus utile au marché qu’une sanction.

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Si les principaux éditeurs et agences de presse ont dorénavant trouvé un accord avec Google, c’est sous l’impulsion essentielle de l’Autorité. Pour l’avenir, ce sera sous l’égide du Mandataire prévu par cette procédure d’engagements, lequel aura la charge de superviser le processus de négociation, en particulier le partage sincère des informations économiques relatives aux recettes d’exploitation.

La communication de ces informations constitue sans aucun doute le nerf de la guerre. Ne serait-ce que parce que seule Google dispose des données indispensables à la valorisation du contenu protégé. Et parce que la définition même de ces données pose question, y compris dans la dernière version des engagements.

Le partage équitable de la valeur est un sujet complexe qui fait l’objet d’un débat réglementaire et concurrentiel dans de nombreux autres pays (Australie, Royaume-Uni, Canada, Etats-Unis). Le fait que des autorités de concurrence interviennent dans ce contexte démontre qu’il ne s’agit pas d’imposer une sorte de taxe pour subventionner la presse, mais bien de rétablir une forme d’équilibre de marché.

Pour autant, ni les autorités de concurrence ni même le droit voisin ne peuvent résoudre la situation. Un risque de désintermédiation perdure.

Le droit voisin est une ressource supplémentaire pour les éditeurs mais n’endigue pas le rôle accru des plateformes dans la distribution de l’information, y compris via leurs services dédiés (tels que Showcase et Facebook News), en prise directe avec les internautes. Ainsi, les plateformes, plutôt que les éditeurs, peuvent continuer à améliorer leurs services et les monétiser par la publicité en ligne.

L’enjeu des éditeurs n’est pas seulement monétaire et de court terme, il concerne aussi la viabilité du modèle économique de la presse au long court, garantissant l’accès, non biaisé par des algorithmes, à du contenu de qualité, à un prix abordable, au plus grand nombre.

L’enjeu plus largement est aussi de redonner aux plateformes un cadre dont elles s’étaient émancipées en tant que géant d’internet, ces « gatekeepers », et ainsi libérer le marché de leurs goulots d’étranglement. Tel est l’objectif du nouvel arsenal réglementaire élaboré par l’UE (“Digital Service Act”, “Digital Market Act”, “Data Act”, “Data Governance Act”, “Artificial Intelligence Act”, “Platform to business Regulation” etc.) qu’il conviendra, aussi, de mettre en œuvre.

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