Acteur incontournable de la recherche sur internet avec 93 % de parts de marché en France en août 2014[1], Google voit ses services utilisés par de nombreux internautes en quête de contenus piratés, qu’il s’agisse de films ou de séries en téléchargement ou en streaming, de musique contrefaite, voire de logiciels dits « crackés ».
A l’évidence, indexer toute l’information sur internet suppose aussi le référencement de contenus illégaux. Ceci a valu à Google nombre de procès devant les juridictions françaises, avec quelques condamnations à la clef, notamment au titre du service « Google Suggest », par lequel le moteur propose des mots-clés de recherche aux internautes en fonction des requêtes les plus fréquentes.
A priori irresponsable au titre des contenus qu’elle référence sans intervention humaine, Google cherche pourtant à coopérer avec les ayants-droits dans la lutte contre le piratage d’œuvres protégées par des droits de propriété intellectuelle. Ainsi, le géant de Mountain View (Californie) répond aux notifications de contenus qui lui sont adressées en vertu de la loi fédérale américaine (DMCA) et a mis en place un formulaire de signalement dédié. En 2013, Google a reçu la bagatelle de 224 millions de demandes de suppression via ce formulaire, qui ont abouti à l’effacement de 222 millions de liens.
En outre, le 17 octobre dernier, Google a annoncé[2] qu’elle avait modifié ses algorithmes de recherche de manière à ce que les sites internet faisant l’objet de nombreux signalements au titre de contenus piratés soient renvoyés dans les profondeurs des résultats du moteur. Ceci signifie que les résultats de recherche tiennent désormais compte des signalements dont les sites ont pu faire l’objet de la part des titulaires de droits.
Evidemment, les ayants-droit peuvent se réjouir de la mise en place d’outils simples à utiliser et très efficaces, destinés à protéger leurs intérêts. Alors que Google annonce une suppression de 99% des liens signalés dans un délai de 6 heures, une procédure judiciaire nécessite, au mieux, plusieurs jours avant d’obtenir une décision, y compris dans le cadre d’un référé.
Lorsque l’on sait également qu’une procédure judiciaire suppose la preuve des droits dont on dispose et celle de l’existence des contenus illégaux, outre une démonstration juridique, la comparaison vire rapidement à l’avantage d’une solution privée. eBay avait d’ailleurs ouvert cette voie en mettant en place, il y a une dizaine d’années, son service de signalement d’annonces portant sur des objets contrefaits.
D’aucuns pourront objecter que la modification des algorithmes de Google, déjà empreints d’un certain mystère, porte atteinte au principe de neutralité du net, selon lequel les contenus diffusés sur les moteurs de recherche ne devraient pas être biaisés. La neutralité du moteur de recherche constituerait même le seul « enjeu véritable » pour l’Open Internet Project[3], une plate-forme initiée par des entrepreneurs numériques français et allemands. L’on peut craindre en effet une désinformation par la désindexation. En masquant certains résultats de son moteur, Google porterait atteinte à la liberté de communication.
La problématique n’est pas nouvelle. La lutte contre la contrefaçon a déjà été accusée de porter atteinte à la liberté du commerce, tandis que le droit de la presse permet d’aboutir à la suppression de contenus diffamatoires ou injurieux. La société doit concilier la défense d’intérêts divergents et la protection de la propriété intellectuelle doit primer sur la liberté d’expression de contrefacteurs, si tant est que les manipulations dont les résultats du moteur de recherche font l’objet sont réalisées de la manière la plus transparente possible.
[1] http://www.webrankinfo.com/dossiers/breves/parts-moteurs-europe-2014-08 [2] http://googlepublicpolicy.blogspot.fr/2014/10/continued-progress-on-fighting-piracy.html [3] http://www.openinternetproject.net/