Réunis à la Maison de la Recherche à l’occasion d’un grand dîner-débat Alliancy organisé en partenariat avec l’éditeur spécialiste des applications RH et finance, Workday, les représentants des directions du numérique ont évoqué leurs stratégies pour attirer et fidéliser face à la “guerre des talents IT”. Entre sincère bienveillance managériale, projets technologiques ambitieux et détection de meilleurs potentiels internes à faire grandir, ils veulent agir sur tous les fronts.
“On a la chance d’être attirant. Quand les personnes connaissent notre marque, l’image est positive”, témoigne Véronique Sinclair, VP global digital et technologie de Sodexo Live ! en ouverture du dîner-débat Alliancy organisé sur le thème de l’attractivité des directions des systèmes d’information. La branche événementielle de la multinationale tricolore Sodexo bénéficie en effet d’une bonne image liée à des hauts lieux de la restauration et à sa participation à des événements mondiaux, comme les Jeux Olympiques.
Mais au-delà des effets de marque, les entreprises françaises ont bien conscience qu’elles ont été mises en concurrence au niveau international sur de nombreux profils IT, avec des sociétés technologiques de premier plan. “On n’envoie pas tous des fusées sur la lune. Certains font des métiers qui font moins rêver. Il faut donc d’autres arguments pour attirer”, constate Jean Degage, directeur des systèmes d’information, back-office de remboursement, prévoyance et international au sein de la MGEN. C’est également le point de vue d’Herbert Nyembo, responsable des SI décisionnel et Big Data à l’Urssaf : “Le domaine public n’est pas toujours très sexy aux yeux du grand public. L’Urssaf souffre aussi de son image liée au recouvrement”.
Proposer un challenge
Pourtant, derrière les idées préconçues, le bouillonnement que connaissent certaines directions des systèmes d’information n’a parfois rien à envier aux grands de la Tech internationale. “Il y a une difficulté à expliquer rapidement tout ce que nous faisons, mais quand nous y parvenons, les candidats sont attirés par les projets que nous menons. Il ne s’agit pas seulement de promettre l’usage de nouvelles technologies comme l’IA : beaucoup viennent chercher une forme de challenge de transformation qui les stimulera au quotidien”, explique Herbert Nyembo, qui compte également sur l’attrait des « valeurs » de son entreprise, à travers sa mission de service public, pour mobiliser des candidats au-delà de la question du niveau de salaire.
Malgré tout, certains fondamentaux sont indispensables pour attirer et fidéliser les collaborateurs spécialisés dans l’IT. Au-delà d’une mission et d’une vision claire de la transformation proposée aux candidats, les trois managers s’accordent sur l’importance d’un climat de bienveillance et de confiance. “Personne ne veut venir travailler dans un panier de crabes”, reconnaît Véronique Sinclair, tandis que Jean Degage évoque un enjeu de « bienveillance sincère » : “Ce n’est pas en mettant des baby-foot qu’on fait venir les talents. Il faut que les portes de nos bureaux soient toujours ouvertes pour nos collaborateurs et donner des preuves de notre écoute”.
Herbert Nyembo met aussi en garde sur la tentation que peuvent avoir des entreprises de vouloir garder à tout prix un talent. Il insiste avant tout sur la nécessité de créer le contexte le plus favorable pour aider les collaborateurs à résister aux appels d’air extérieurs, tout en évitant de faire naître des « divas ». Le responsable des SI décisionnel et Big Data à l’Urssaf considère qu’il est nécessaire d’anticiper la question du plafond que peuvent atteindre des salariés dans l’organigramme, et l’investissement qui va alors être nécessaire pour leur offrir des perspectives cohérentes.
Aller chercher les pépites en interne
En effet, recruter de nouveaux talents est souvent la priorité des DSI. Mais les échanges lors de ce dîner-débat Alliancy ont également permis de mettre en avant la nécessité de regarder attentivement le vivier déjà disponible dans chaque organisation. “Il faut que les entreprises soient formatrices pour ne pas ignorer les pépites qui sont déjà chez elles”, assure Herbert Nyembo, “les talents d’aujourd’hui ont tous été des « potentiels » que quelqu’un a su faire éclore”.
Une chance de progression qui a été donnée à Jean Degage lui-même. Le DSI a gravi les échelons au sein de son entreprise après avoir commencé en tant qu’agent d’accueil. Il croit donc fortement aux bienfaits de la mobilité interne, de la formation et du partage. “On veut que ce soient les talents d’aujourd’hui qui nous aident à créer ceux de demain” résume-t-il. D’où l’intérêt de structurer au plus vite, pour les organisations qui n’en sont pas encore dotées, des écoles et des parcours de formations internes, mais également d’encourager l’ouverture à d’autres métiers. Laisser sa chance aux personnes qui ne viennent pas du sérail de l’informatique est aussi un moyen de créer de l’engagement et de la fidélité pour l’entreprise.
Difficile relation IT-RH
Pour parvenir à mettre en musique de tels programmes d’évolutions en interne, les entreprises ont toutefois besoin de bien connaître les compétences de leurs collaborateurs et les aspirations de ceux-ci. Un objectif qui se heurte souvent à la difficulté d’obtenir une cartographie des compétences précise, notamment quand le nombre de collaborateurs devient important. Véronique Sinclair ne se rappelle ainsi pas avoir déjà pu profiter d’un tel outil de façon utile dans ses diverses expériences professionnelles. Jean Degage a quant à lui mis en place un système basé sur l’auto-évaluation de ses collaborateurs. “Cela prend beaucoup de temps, mais c’est important pour vraiment savoir comment mieux les accompagner”, indique-t-il.
En réaction aux prises de parole d’ouverture de ce dîner-débat Alliancy, Vincent Lauriat, directeur général de Veolia Water Information System, a tenu à livrer son propre témoignage. Il reconnaît que de nombreux DSI ne savent pas toujours vers qui se tourner pour avoir des informations sur un collaborateur. Cependant, il estime qu’il existe bel et bien “des outils de cartographie qui fonctionnent”. Et le dirigeant souligne que ces solutions doivent entrer en synergie avec une évolution de la coopération avec la direction des ressources humaines : “Des RH qui maîtrisent les problématiques IT sont des accélérateurs incroyables”, met-il en perspective. Un argument qui souligne en creux les difficultés qu’ont aujourd’hui de nombreux DSI dans les échanges avec leurs homologues aux ressources humaines. La pression maintenue par la guerre des talents IT sera-t-elle suffisante pour les réconcilier et créer de nouvelles synergies ?