Health Data Hub : l’occasion manquée d’une initiative exemplaire

 

Les données de santé ont toujours eu l’effet particulier : provoquer des sursauts de souveraineté numérique, même quand le concept était moins à la mode. Depuis sa création, la Plateforme de Données de Santé de la France en a fait les frais. La publication récente de son bilan 2024 et de sa feuille de route 2025 a réouvert la plaie.

 

Cette semaine, le député vendéen Philippe Latombe a épinglé la lenteur avec laquelle le Health Data Hub pourrait quitter Microsoft pour une solution souveraine, ont révélé nos confrères de l’Informé. L’élu Modem réagissait à la présentation le 12 mars dernier d’un rapport détaillant les contours et les implications d’une telle migration.  Dans son bilan 2024, le groupement d’intérêt public qui gère la plateforme des données de santé française, revient en effet sur les démarches mises en œuvre l’an passé pour se projeter sur un nouvel hébergement souverain. Lancement d’appel d’offres dans le cadre du plan France 2030, actualisation de l’homologation de la plateforme technologique face au nouveau référentiel de sécurité, guide pour les acteurs du secteur… Le HDH veut montrer patte blanche mais on peut comprendre la frustration du député.

 

Sept ans déjà

 

Le sujet est un vieux serpent de mer. Et la plupart des observateurs ne peuvent que se dire qu’il est grand temps que la donne change… Souvenez-vous : c’est en 2018 qu’est officiellement lancé le Health Data Hub, pensé comme une plateforme unique, sécurisée, ayant l’objectif de permettre le partage des données de santé dans le respect du droit des patients et en assurant la transparence avec la société civile. Une mission de préfiguration avait réuni une centaine d’idées pour mettre le patrimoine national de données de santé au service de la recherche, des professionnels de santé, des citoyens, des start-up, de la puissance publique… Bref, un bel idéal avec la volonté d’avoir une approche positive et inspirante pour que le numérique amène une valeur incontestable et responsable sur un secteur clé.   

Las ! Rapidement, cet élan positif va souffrir d’un couac majeur : le choix de Microsoft pour l’hébergement ne fait pas l’unanimité et la polémique va poursuivre le projet. Il devient rapidement impossible de parler du Health Data Hub et de ses objectifs, sans devoir aborder cet éléphant dans la pièce. Pourtant, à l’époque, le discours sur la souveraineté numérique n’était pas aussi audible qu’aujourd’hui ; la priorité était donnée à l’innovation et à la transformation rapide, avec l’expertise des leaders américains comme horizon. Il est d’ailleurs symbolique que l’appellation Health Data Hub ait prévalu sur le nom officiel en français de Plateforme de Données de Santé (PDS). Or, le sujet des données de santé ne peut pas laisser indifférent les français, même ceux très éloignés des sujets numériques… et c’est donc surtout le sentiment d’avoir « laissé » des données hautement intimes aux américains qui résonne.

 

Des alternatives « à moyen terme »

 

 
Fin 2023, Hela Ghariani, la déléguée ministérielle au numérique en santé, reconnaissait auprès d’Alliancy les tensions qui existent entre enjeux de confiance et valorisation des données de santé. « Dans la société française, la préoccupation est vive et légitime sur cette question. Tout comme la Sécurité Sociale, nos données de santé sont un trésor national ! Il est donc nécessaire d’apporter des garanties. En la matière, les deux sujets « cybersécurité » et « souveraineté technologique » convergent, mais ne sont pas tout à fait identiques. C’est ce qui a provoqué au départ des doutes et des confusions. », insistait-elle alors. Autrement dit, une entreprise américaine était vue comme légitime pour assurer la sécurité de ces données, malgré la pression politique et symbolique. La déléguée ministérielle travaillait alors avec le Health Data Hub pour « trouver des alternatives » et prendre en compte ces préoccupations. Quand ? « A moyen terme ».  

Début 2024, la CNIL autorisait d’ailleurs pour trois ans l’hébergement des données de santé par Microsoft, faute selon elle du manque d’alternatives européennes compétentes. Un choix vu par beaucoup comme une contradiction avec la volonté croissante de souveraineté numérique et des recommandations européennes de plus en plus strictes. « Le message que cela envoie, c’est que l’on accepte de passer par de l’extraterritorial », commentait d’ailleurs un DSI de premier plan de la sphère sociale, en référence aux risques d’ingérences venant d’outre-Atlantique. Finalement, un an plus tard, la ligne d’arrivée souveraine semble toujours loin d’être en vue, malgré le contexte géopolitique.

 

Le goût amer du temps perdu

 

C’est d’autant plus dommage que cette problématique d’hébergement détourne fortement l’attention des ambitions du Health Data Hub. Le rapport 2024 et la feuille de route de la plateforme en laissent entrevoir plusieurs, avec un important focus sur l’intelligence artificielle : détection automatique d’infections pour mieux prévenir et lutter contre celles-ci et contre l’antibio-résistance ; analyse de traitement pour mieux évaluer les impacts ; identification automatique de biomarqueurs tumoraux dans les comptes rendus des patients pour accélérer la recherche en oncologie… Le numérique a tellement à apporter à notre santé ! De quoi laisser le goût amer d’une vraie perte de temps et d’une occasion manquée il y a 7 ans, afin qu’une telle initiative génère une confiance exemplaire chez les Français dans leur avenir numérique.