La maîtrise des données est un art difficile. Les Etats-Unis nous en apportent de nouveau l’exemple. Dans les prochains jours devrait être connu le sort du général David Petraeus – figure emblématique de l’armée américaine aujourd’hui partie faire carrière dans le secteur privé – accusé de divulgation de documents classifiés alors qu’il était à la tête de la CIA.
L’information qui retient notre attention a été rendue publique dans l’article publié le 2 janvier 2015 par le New York Times. Hillary Clinton, durant son mandat à la tête du Département d’Etat (de 2009 à 2013), aurait utilisé son adresse e-mail personnelle (ou même plusieurs adresses) pour ses correspondances professionnelles (comprenant donc des échanges avec les membres du Département, les corps diplomatiques, des gouvernements étrangers, des industriels, etc.) Pas moins de 55000 pages de courriers électroniques seraient concernées.
Cette affaire soulève plusieurs problématiques et les griefs sont nombreux, à l’encontre d’Hillary Clinton mais pas seulement :
- La fonction exercée impose confidentialité, secret et sécurisation des échanges. L’usage de mails personnels fait peu de cas de ces contraintes.
- La cybersécurité est la priorité numéro un du gouvernement Obama, une véritable obsession cyber-sécuritaire pourrait-on dire. Hillary Clinton s’est d’ailleurs elle-même faite porte-parole sur la scène internationale de ces discours à la fois alarmistes et de nécessaire défense des intérêts de la société américaine face aux risques cyber. Ses actes ne sont donc pas en phase avec ses pratiques.
- Il est essentiellement reproché à Hillary Clinton, pour l’heure, d’avoir par cette pratique contourné la loi fédérale sur l’archivage des données, qui contraint les membres du gouvernement à reverser la totalité de leurs mails dans un but de transparence.
- L’usage d’adresses e-mail personnelles n’est semble-t-il pas un cas isolé au sein de l’administration américaine. Le secrétaire d’Etat Colin L. Powell (2001-2005) en aurait fait de même. Mais cet usage serait généralement occasionnel. L’article du New York Times assure que la pratique serait acceptée, dans des cas exceptionnels (pannes des systèmes gouvernementaux par exemple). Ce qui choque dans le cas Clinton, c’est l’usage exclusif du mail personnel.
- Jamais un compte officiel du gouvernement ne lui aurait été attribué. Il est probable que dans cette affaire des responsabilités devront être recherchées, au-delà d’H. Clinton. Personne, aucun responsable, n’aura été alerté par la situation ?
- Les courriers électroniques de la Secrétaire d’Etat ont-ils été interceptés, piratés ? Par qui ? En 2013 des contenus de mails ont circulé sur le net, piratés par un hacker nommé Guccifer, se rapportant à des échanges entre un conseiller d’Hillary Clinton et cette dernière.
- Le comité de la Chambre des Représentants qui mène une enquête sur l’attaque du consulat américain à Benghazi, a récemment obtenu copie de plusieurs centaines de mails d’Hillary Clinton. Mais très probablement beaucoup de pièces manquent encore au dossier. Le comité est déterminé à faire pression pour que l’ex-secrétaire d’Etat fournisse la totalité de ses e-mails. La question est : comment l’y contraindre ?
Le respect des règles applicables à la gestion du secret, de la transparence et de la sécurité de l’information, des données, des communications, n’est généralement pas sans poser de problèmes. Mais dans ce cas précis il sera difficile à Hillary Clinton de plaider l’ignorance des normes ou la négligence. Un problème en cachant souvent bien d’autres, il serait étonnant que d’autres cas similaires ne soient révélés très prochainement. «Nous avons de nombreux outils que nous n’utilisons pas aussi bien que nous le devrions », déclarait Hillary Clinton en 2013, en référence aux médias mis au service de la cyber-diplomatie américaine.