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IA générative : votre management des données et des processus est-il à la hauteur ?

Chronique JF David management des données et des processus

Notre chroniqueur invité Jean-François David, de l’association France Processus, livre son analyse des fondamentaux qui permettront une utilisation productive de l’IA générative dans les organisations. Il s’inquiète aussi que pour ces dernières, trop souvent, le management des données ne soit aujourd’hui pas au niveau.

C’est sans doute une banalité de dire que l’intelligence artificielle (IA) générative prendra une place de plus en plus prépondérante dans nos vies. Il est également devenu commun de dire que l’IA générative peut présenter de nombreux risques tels que des hallucinations et la propagation de fausses informations (fakes). Et il apparait clairement que cette problématique demeurera très difficile à traiter au niveau sociétal, dans le cadre de l’utilisation de tels outils par tous, étant donné que les espaces de données dans lesquels puisent statistiquement ces IA contiennent par nature énormément de « vérités » approximatives. Autrement dit, sans un contrôle adéquat, elles génèreront des contenus trompeurs, inappropriés, voire dangereux.

Mais qu’en est-il des entreprises et administrations ? L’utilisation de façon productive de ces IA génératives à l’intérieur des organisations, pour faciliter et transformer le travail du personnel, implique que la fiabilité des données internes de production, de marketing, financières…devienne une priorité absolue. La crédibilité de ce qui sera prescrit, l’acceptation par les acteurs des informations fournies dépend totalement de la valeur des données de base dont s’alimenteront les IA génératives internes.

La problématique des données, de leurs sélection, définition, nomination, relationnel, ontologies est vieille comme l’informatique. Rappelons-nous pour mémoire les différences sémantiques, souvent oubliées, entre une donnée (brute), une information (qui implique une intention, un but), un savoir… Le vieil adage « garbage in, garbage out » reste par ailleurs totalement valable. De plus, le fait que les possibilités technologiques permettant de prendre en compte, non seulement les données structurées, mais également non structurées, images, vidéos, évènements, ne font qu’amplifier une problématique déjà bien connue.

Retour sur les fondamentaux

Le management des données, qu’elles soient structurées ou non structurées, jouera ainsi un rôle crucial dans la fiabilisation de l’IA générative. Historiquement, la nomination d’un Chief Data Officer était censée avoir cet objectif. Mais la photographie actuelle des situations des entreprises, montre que nous sommes encore extrêmement loin du but.

De plus, si on revient aux fondamentaux, aux « vieilles » méthodes comme Merise par exemple, il n’y a pas neutralité des données : celles-ci devraient toujours être l’expression de la stratégie.
Prenons un exemple qui parlera à tous : Qu’est-ce en réalité qu’un client ? 
La définition qui en est faite est-elle vraiment la même, par un financier, un chercheur, un marketeur, un logisticien… ?
Le codage des données reflète-t-il vraiment les stratégies des organisations ? Et quand la stratégie évolue, change-t-on les données, leurs relations, leurs ontologies ?

Aujourd’hui, l’hétérogénéité des systèmes informatiques complexifie totalement le sujet.
Les données structurées par les ERP ne sont en général pas cohérentes avec les données des diverses applications historiques, toutes les passerelles issues du SOA, des diverses API créent souvent de l’incohérence, les logiciels marché importent des « philosophies » chaque fois différentes dans la définition des données. 
 
Dans ce contexte, des pratiques de gouvernance des données rigoureuses sont clé pour garantir que les données utilisées par les algorithmes d’IA sont précises, complètes et actualisées.
Cela renforce la nécessité de mise en place de politiques de gestion des données, de processus de validation et de vérification, ainsi que de mécanismes de contrôle qualité.

Le management des données doit ici intervenir en amont, en veillant à ce que les données utilisées pour entraîner les modèles d’IA générative soient de haute qualité et représentatives de la réalité dynamique. De plus il faudra monitorer en continu les résultats produits, pour permettre de détecter rapidement les anomalies et les biais, corriger les erreurs et améliorer la fiabilité des résultats.

Données, management des processus et systèmes BPMS

Le Management des Processus (BPM), on le sait,  vise à identifier, concevoir, mettre en œuvre, documenter, mesurer, gérer, contrôler, améliorer, changer les processus (partiellement automatisés ou non) dans les organisations, pour obtenir des contributions significatives aux objectifs de performance de l’organisation.

Les données sont évidemment au centre de cette discipline, chacun des acteurs et des logiciels de l’entreprise est en interaction permanente avec les données des systèmes d’information.
Toute cartographie du « as is » et toute modélisation du « to be », décrivent les interactions des activités avec les flux de données, les évènements, les règles de l’entreprise…

La gestion des processus implique la modélisation, l’analyse et l’optimisation des flux de travail, mais aussi la mise en œuvre de mesures de contrôle pour garantir la qualité des processus. Les données jouent un rôle crucial dans ce management, car elles alimentent les analyses et les améliorations continues des processus métier.

Les techniques modernes de « process mining » extraient les données du réel, des systèmes d’information pour les confronter positivement avec les données modélisées dans les processus. Cela est sans doute la seule façon de permettre de façon novatrice le contrôle et l’innovation.
Dans ce domaine de la « process intelligence », l’IA générative présente des avancées significatives.

Synergie entre IA générative et Management des processus

L’ère de l’intelligence artificielle générative va ainsi révolutionner les opérations des entreprises en augmentant l’efficacité des processus et en accélérant certaines automatisations.
Il est donc fondamental de repenser la gestion des processus métier (BPM), en liant le comportement des processus et de leurs services et celui des systèmes d’information.
Il y a prolifération d’outils d’analyse de l’exécution des processus, des interactions et des dépendances des systèmes qui témoigne de cette priorité.

Par exemple, en approche BPM, l’IA générative peut simuler automatiquement des milliers de chemins de processus en quelques secondes pour déterminer les itinéraires les plus efficaces et efficients alors qu’en Lean ou Six Sigma, cela peut prendre des semaines ou des mois pour produire des résultats d’optimisation.

Avec l’avènement de l’IA générative, les entreprises peuvent utiliser l’IA pour améliorer leurs processus d’une manière inimaginable auparavant. Par ailleurs, l’IA générative peut modifier de nombreux processus, service client, conception graphique, communication… ainsi que la plupart des projets impliquant du développement logiciel par ses possibilités de génération de code.

Au lieu d’utiliser un data scientist formulant manuellement des hypothèses et des modèles à analyser, l’IA générative peut produire automatiquement ces modèles sur la base des données existantes. Des rapports indiquent que ces techniques pourraient identifier les goulots d’étranglement des processus 50 % plus rapidement que les méthodes traditionnelles.

Données et IA générative, applications multiples

Dressons une petite liste : on pourra appliquer les IA Générative pour :
– Organiser mieux les « data lakes »
– Mieux sélecter dans ces données, par techniques de curation, les informations et les savoirs
– Analyser automatiquement les informations provenant de diverses sources, d’enrichir sa compréhension et d’améliorer sa capacité à soutenir des flux de travail complexes.
– Bénéficier de capacités de compréhension du langage naturel, permettant d’interpréter plus précisément des instructions, des requêtes et des contextes complexes.
– Intégrer mieux des connaissances et une expertise spécifique à un domaine, ce qui rend plus efficace pour soutenir des flux de travail spécialisés.
– Fournir des conseils sur mesure et une automatisation dans divers secteurs.
– Optimiser la relation, dans les systèmes BPMS entre les descriptions de processus, les moteurs de règles, les moteurs d’évènements
– Aider à la décision avancée dans les processus en intégrant le raisonnement probabiliste, l’analyse des risques et la modélisation prédictive.

A l’inverse les approches de Management par les Processus permettront de repérer les zones de l’entreprise où l’IA Générative peut apporter le meilleur ratio stratégique/économique/risques.
– Les processus prioritaires seront ainsi privilégiés
– Il y a de nombreux cas ou les manœuvres RPA (Robotic Process Automation) impliqueront de l’IA générative
– Les stratégies processus permettront d’éclairer ce qu’il est indispensable dans ces mécanismes de rigidifier et ce qui est nécessaire de garder en liberté adaptative…

Un renouveau du management des données ?

Il y a, on le voit, de vraies synergies dans les deux sens entre le BPM et l’IA générative. Mais au centre, un management performant des données est crucial, à l’intersection entre le bon usage des nouveautés technologiques de type IA générative et l’efficacité des déploiements organisationnels de type approche processus.  Autant cet enjeu est sans doute impossible à régler pour l’utilisation grand public de l’IA, autant c’est la condition clé de réussite des implémentations internes dans les entreprises.
 
Malheureusement, le constat actuel dans la plupart des organisations sur la fiabilisation des données et leur management est assez négatif. Alors espérons que ce domaine pourra redevenir, enfin, une vraie priorité des organisations.

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