IA générative : entre productivité et employabilité, les DRH confrontées à un choix 

L’IA générative gagne en importance dans toutes les sphères professionnelles. Pour Jérémy Lamri, les DRH sont déjà confrontées à un choix :  privilégier l’efficacité opérationnelle ou le développement humain. Où se situe désormais l’équilibre pour ne pas transformer les employés en « ouvriers de l’IA ». Pour le CEO de Tomorrow Theory : les directions des ressources humaines doivent s’emparer du sujet et prendre leurs responsabilités.

Jérémy Lamri, CEO de Tomorrow Theory

Jérémy Lamri, CEO de Tomorrow Theory

Alliancy. Jérémy, comment les DRH s’emparent-ils du sujet IA générative ?

Bien avant la vague GenAI, il y avait déjà deux types de DRH : les administratifs, versus les stratèges. Et cela change tout dans leur rapport à l’IA. Le premier, le DRH administratif, gère le risque social et une masse salariale. Il n’a guère le temps de s’intéresser à autre chose.

Le second, le stratège, réfléchit aux métiers de demain, à l’entreprise appprenante, au développement des compétences, dans une approche que l’on pourrait qualifier d’humaniste. Il travaille sur l’attractivité de l’entreprise et le long terme, il défend auprès du ComEx l’impératif d’investir ces territoires-là. Et ce n’est pas facile : il faut être convaincant alors qu’au bilan, on apparaît toujours comme un centre de coûts.

Sur le sujet de l’IA, c’est fondamental. Deux écoles se forment : productiviste d’un côté, réflexive de l’autre.

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J’imagine que cette distinction n’est pas binaire, les gentils contre les méchants ?

Non en effet, la réflexion productiviste est pertinente, mais elle n’est pas suffisante. Concrètement, les productivistes vont aborder l’IA générative par l’angle de la réduction de la masse salariale et l’augmentation de la productivité. C’est plutôt sain. Mais pas si on se limite à cela.

Un exemple : Je suis manager d’une équipe. Grâce à ChatGPT, je peux faire en 15 minutes ce que n’importe quel cadre junior fait en une semaine.

Pour autant, faut-il s’y engouffrer ? Car ce junior, qui ne passe pas une semaine à « galérer », ne va pas progresser. En regardant un tout petit peu plus loin, on voit donc qu’on ne forme plus de seniors. On casse la chaîne de compétences. Est-ce vraiment cela que l’on veut ?

Le DRH stratège va arbitrer pour un 50-50 : le manager apprend au junior à bien utiliser l’IA, pour finalement que le travail sorte en deux jours et que le junior prenne confiance en lui. Dans ces conditions, notre cadre débutant ne devient pas un « ouvrier de l’IA » : tel est bien le risque que nous courons.

Le succès passe donc également par les managers ?

Oui, le DRH stratège a compris que tous les managers doivent maîtriser le fonctionnement des IA génératives et servir de relais. Cela passe vraiment par les managers de proximité et middle-management, qui depuis 20 ans sont plutôt délaissés. Il est temps d’investir sur eux.

Je souhaite que les DRH s’emparent du sujet, et ne laissent pas les DSI le faire. Je n’ai rien contre les DSI ! Mais nous avons mené une enquête entre avril et juillet, où l’on a constaté que 100% des 40 entreprises interrogées utilisent l’IA générative, mais la plupart du temps sans régulation et parfois en rendant publiques des informations ultra confidentielles.

La sécurité des données liées à l’usage de GPT en entreprise est un sujet de sensibilisation des collaborateurs, comme pour la Cyber, bien avant d’être un sujet technique ! Or, parmi nos 40 entreprises, dans 100% des cas c’est l’IT qui a communiqué sur le sujet Gen AI. C’est l’IT qui a pris la parole et envoyé un email. Le DRH, comme souvent, semble être assis sur le siège passager de la transformation digitale.

Ce premier email sur le thème de la Privacy aurait dû émaner de la DRH. Il est temps de casser cette spirale. Face à l’IA générative, le DRH peut (et devrait, je le crois) proposer des plans de formation à l’esprit critique et à la maïeutique, car il va falloir coacher l’IA. Les entreprises qui adoptent cette posture seront, demain, les plus attractives.