ChatGPT fait fantasmer, mais cette technologie est loin de correspondre aux usages réels au sein des entreprises. Le BCG estime que seuls 12% des grands groupes sont AI Driven. En France ? Ils souffrent d’un retard qu’il importe de combler.
Pour Marcus Goddard, VP Intelligence de Netexplo, cette médiatisation de l’IA confirme une nouvelle fois la primauté de cette thématique sur les autres tendances émergentes des dernières années (Web3, métaverse, …).
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IA, véritable “lame de fond” de la décennie
“La lame de fond la plus disruptive que nous observons depuis 10 ans, ce sont les avancées de l’intelligence artificielle, et surtout de l’IA générative”, juge-t-il. D’ailleurs, en 2021, Nextexplo primait une application basée sur GPT3, Dall-E.
L’épisode ChatGPT pourrait bien accentuer les attentes des métiers et décideurs à l’égard des départements Data & IA des entreprises. Ceux-ci ne délivrent pas des expériences comparables – notamment en raison du risque d’erreur inhérent à la technologie d’OpenAI.
La cause tient aussi à un manque de maturité des grandes organisations, traduit l’étude dévoilée par le Boston Consulting Group en avant-première. Le cabinet a interrogé 600 sociétés du Fortune 1000. La finalité : identifier les facteurs différenciants en termes de performance.
Et résultat : la maîtrise de l’intelligence artificielle constitue un facteur déterminant, le premier même. Néanmoins, seules 12% des plus grandes entreprises mondiales peuvent se revendiquer AI Driven, c’est-à-dire dotées de plusieurs IA à l’échelle permettant de générer de la valeur et de repenser les modes de travail.
“Les leaders creusent l’écart. Nous n’observons nullement de phénomène de nivellement ou de normalisation. Ceux qui investissent le plus et sont les plus avancés, accentuent leur avance”, commente Nicolas de Bellefonds, directeur associé senior et directeur monde de BCG X. AI.
Les entreprises ne sont pas à l’ère de ChatGPT
Le battage médiatique autour de ChatGPT et d’autres outils génératifs ne doit donc pas masquer la réalité des entreprises, insiste-t-il. “L’adoption de l’intelligence artificielle est encore limitée”.
De fait, 37% du panel demeurent au stade de la découverte et 35% de la construction. A ce niveau de maturité, elles ne peuvent prétendre aux bénéfices dégagés par les acteurs AI Driven : +50% de part de marché en 3 ans, +45% sur le NPS, une hausse de CA 2,6 fois supérieure…
Investir dans l’IA et atteindre le cap de l’industrialisation à l’échelle sont gages de ROI. Les premiers à en bénéficier sont les géants de la tech, signale le BCG, comme les digital natives. Certains acteurs traditionnels parviennent aussi à se positionner parmi cette sélection réduite.
Parmi ces “digital incumbents”, le cabinet cite par exemple H&M, BMW et John Deere, un constructeur d’engins agricoles. “Ces entreprises ont en commun d’avoir pris l’intelligence artificielle comme moteur de leur transformation et l’ont utilisé pour revoir plusieurs de leurs offres ou de leurs processus”, déclare Nicolas de Bellefonds.
Grâce aux capteurs dont sont équipés ses véhicules, John Deere commercialise des services basés sur les données auprès des agriculteurs, et notamment prédictifs : composition des engrais à utiliser, recommandation de la période d’ensemencement, etc.
La France mauvaise sur la stratégie et le change
La France accueille-t-elle aussi des pionniers de l’IA ? Pour le cadre du BCG, elle souffre surtout d’un retard. Pourtant, l’Hexagone disposerait “d’un écosystème exceptionnel, en particulier du point de vue des talents (…) sans l’utiliser à son plein potentiel.”
Pourquoi un retard ? “Ce n’est pas un problème de talents ou de technologies”, répond le dirigeant, même si nos entreprises peinent à attirer ces compétences rares. En matière de gouvernance et d’éthique, les tricolores se démarquent positivement.
La principale cause est d’ordre managérial, souligne l’étude. Les entreprises françaises peinent sur la stratégie et la conduite du changement :
“Aujourd’hui, dans beaucoup d’entreprises, on n’est pas sûr que l’IA soit un bon sujet ou alors de la direction à lui donner : sur quoi investir, quoi prioriser… que faire fondamentalement de l’intelligence artificielle.”
Sur un axe tout aussi “critique”, sinon plus, à savoir la conduite du changement, les grandes organisations françaises sont également en position de faiblesse. “De mon expérience, c’est le domaine pour lequel nous sommes les plus mauvais”, tance Nicolas de Bellefonds.
Et l’IA serait ainsi perçue comme un outil comparable à une nouvelle version d’un progiciel. “Mais ce n’est pas cela ! (…) L’IA, c’est la digitalisation du monde cognitif (…) Il n’y a donc pas d’intelligence artificielle sans changement radical des manières de fonctionner et de décider dans une entreprise.”
Les témoignages lors des Assises de la Data Transformation ont cependant permis d’illustrer que cette prise de conscience était une réalité parmi nos multinationales. C’est notamment le cas (même si la maturité doit progresser) au sein de Carrefour, Safran, Schneider Electric, EDF et Accor.