Enedis a signé en mai 2018 un partenariat avec l’école Polytechnique pour financer des bourses étudiantes sur la prochaine promotion de l’école, consacrée à l’intelligence artificielle. Un moyen pour anticiper la transformation de ses métiers.
Les prochaines applications de l’intelligence artificielle en milieu industriel ne seront rendue possibles qu’avec les « bons cerveaux » travaillant dans les groupes français. Le sujet est d’autant plus épineux que la pression sur les talents du numérique est forte, particulièrement sur les thématiques d’avenir comme l’IA, au sein desquelles de nombreuses disciplines coexistent. De quoi motiver la naissance de partenariats pour encourager et accompagner les vocations. Le dernier en date est à ce titre éclairant : Enedis et l’Ecole polytechnique ont signé fin mai 2018 un accord marquant « la volonté des deux partenaires de travailler de concert dans le domaine de l’intelligence artificielle ». L’X compte ainsi proposer un « vivier » de talents français sur des sujets aussi variés que le deep learning ou la réalité virtuelle.
Le rapprochement est logique du point de vue d’Enedis dont le métier se transforme en profondeur avec l’arrivée dans tous les foyers français de Linky, le compteur communicant, un projet industriel complexe. Celui-ci change notamment la place laissée à la donnée dans le modèle du distributeur. Le partenariat concerne plus spécifiquement le graduate degree « Artificial Intelligence and Visual computing » de l’X, Enedis se positionnant pour financer les bourses de trois étudiants de la première promotion. Ce diplôme, qui se veut « très sélectif », est de niveau Master 1 et 2. Il devrait accueillir 30 à 40 personnes et une quinzaine d’étudiants venant du cycle d’ingénieur de polytechnique sont déjà inscrit pour le M2. Les premiers diplômés ne sortiront qu’en 2020 et seront encouragés à poursuivre vers des doctorats, car l’X a bien conscience que les attentes du marché concernent des profils particulièrement pointus et experts.
Enedis au côté de Google
Enedis orientera les travaux menés en proposant des projets scientifiques pour les étudiants. A ce titre, « les projets pourront concerner tous les aspects du métier d’Enedis en tant que distributeur, pas seulement le projet Linky » souligne-t-on chez l’industriel. « Les sujets sur lesquels les étudiants vont travailler une demi-journée par semaine pendant 6 mois sont proposés par des entreprises sur la thématique de l’intelligence artificielle et/ou de l’informatique graphique. Nous identifions avec ces entreprises des sujets nécessitant des compétences techniques pointues et permettant aux étudiants de découvrir les problématiques de l’entreprise. Les bourses financées sont totalement indépendantes des sujets proposés » précise Erwan Scornet, Chercheur au Centre de Mathématiques appliquées de l’X et co-responsable du Graduate degree « Artificial Intelligence and Visual computing »
D’autres entreprises françaises doivent rejoindre durant l’été le « cercle d’industriels » qui a vocation à soutenir la formation. Mais Enedis n’est d’ores et déjà pas le seul acteur à s’être mobilisé : le second partenaire de l’Ecole Polytechnique n’est autre que… Google. « Le groupe vient recruter à la sortie des promotions, ce n’est pas nouveau. Ils envoient aussi de très bons intervenants échanger avec les étudiants. Depuis longtemps les GAFA drainent ces excellentes compétences ; la différence est qu’aujourd’hui tout le monde en cherche, dans tous les secteurs, y compris parmi les industriels » admet-on à Polytechnique.
Du smart grid au chatbot
Erwann Scornet détaille certains des projets sur lesquels les étudiants pourront travailler : « Enedis est très intéressé par des problèmes de maintenance prédictive, consistant à anticiper des pannes à venir sur le réseau électrique, et la création de chatbot conviviaux pour répondre aux demandes des utilisateurs. Ils ont également proposé de travailler sur la détection automatique du type de matériel en place pour l’aide à l’intervention lors des missions de maintenance du réseau ». Les discussions sont en cours pour préciser les projets liés à Google d’ici le début des enseignements, en octobre.
Pierre Mallet, directeur de la R&D et de l’innovation chez Enedis, est lui-même un ancien de Polytechnique (ainsi que de l’Ecole des Mines). En novembre 2017, il avait témoigné auprès de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) du fait que son programme visait autant à faciliter la transition énergétique qu’à optimiser la performance industrielle. Ce dernier objectif passant par deux axes notoirement « IA compatible » : développer l’intelligence des réseaux de distribution, et inventer le technicien 3.0. « L’IA va faciliter les échanges entre des strates de pilotages qui, aujourd’hui, communiquent mal. Elle transformera les smart grids en une boucle de corrélation bidirectionnelle, entre la production et la consommation » témoignait également en ce sens Raphaël Meyer, CEO de la start-up Lancey, interrogé dans le cadre du numéro spécial d’Alliancy consacré à Linky.