Auditionnés par la Commission des Affaires Sociales du Sénat, plusieurs dirigeants de Doctolib ont évoqué les différentes problématiques de l’entreprise. Notamment l’utilisation de l’IA durant les consultations médicales, la protection des données de santé et la création de logiciels médicaux.
Les médecins généralistes sont-ils prêts à voir arriver l’IA en tant qu’assistante ? « La médecine de ville doit être au cœur de la révolution de l’IA dans la santé », estime Jean-Urbain Hubau, Directeur Général de Doctolib. Devant la Commission des Affaires Sociales du Sénat, mercredi 20 mars, ce dernier a ouvert la voie à l’utilisation de l’IA pendant les rendez-vous médicaux : « Nous sommes en train de développer un assistant auprès des médecins généralistes », qui consultent plus d’un million de patients quotidiennement en France. Pour transformer l‘IA en assistante, Doctolib a utilisé près de 200 heures de consultation afin d’entraîner un algorithme qui permettrait d’enregistrer, graver et résumer les rendez-vous chez le médecin généraliste.
« L’IA pourra synthétiser les symptômes, les diagnostics ainsi que les ordonnances », précise le DG de Doctolib. Il estime que cette technologie apportera un gain de temps administratif avec un enregistrement et une structuration de trois fois plus de données. « Ça humanise la consultation », assure Jean-Urbain Hubau, appuyé par Jonathan Favre, médecin généraliste et membre du Comité Médical de Doctolib : « Je n’ai jamais autant regardé mon patient dans les yeux qu’avec cette technologie ». Avec pour objectif de diminuer le temps administratif, l’entreprise affirme que le médecin serait ainsi capable de gagner cinq des 17 minutes de rendez-vous, afin d’expliquer le diagnostic et le traitement. L’aide de l’IA pour définir ce diagnostic n’est pas encore à l’étude, confie Jean-Urbain Hubau, qui assure se concentrer sur son utilisation pour des gains de temps et d’efficacité.
Les données chez AWS, pour le moment
La protection des données de santé est l’un des sujets clef de l’entreprise, alors que près de 15 millions de rendez-vous médicaux passent par la plateforme chaque mois. Interrogés à de nombreuses reprises par les sénateurs de la Commission des Affaires Sociales, les représentants de Doctolib ont assuré être extrêmement précautionneux sur ce sujet. « En tant que tiers de confiance, nous ne pouvons pas avoir de doutes sur la confidentialité des données », promet le Directeur Général. L’entreprise a ainsi fait le choix de stocker ses données chez l’Américain AWS, certifié HSD (Hébergeur de données de santé), sur des serveurs basés à Paris et Francfort (Allemagne). La touche française réside dans la possession de la clef du chiffrement à Atos. « En raison de nos différentes certifications, nous testons notre sécurité face aux tests de pénétration en missionnant des hackers éthiques », indique Jean-Urbain Hubau.
Le choix d’Amazon a questionné certains sénateurs. Pourquoi ne pas avoir choisi d’acteurs français ou européens ? Selon Doctolib, la qualité du service ne suivrait pas. « Ce n’est pas un choix d’être allé vers AWS. C’est le seul hébergeur à pouvoir nous assurer ce niveau de service », assure-t-il, en raison de la quantité de données passant par la plateforme. « Nous sommes Français. Nous n’avons aucun problème à travailler avec des acteurs français, mais seulement si l’un d’entre-deux avait une capacité d’hébergement suffisante. Le jour où il y en aura un, nous serons ravis de migrer chez eux », assure Jean-Urbain Hubau. « La qualité de service prime, car l’accès à la santé est essentiel ».
Doctolib à l’attaque des éditeurs de logiciels
Durant son intervention devant la Commission des affaires sociales, mercredi 20 mars, Jean-Urbain Hubau a évoqué la nouvelle stratégie de l’entreprise vers la création de logiciels. Avec cet objectif d’augmenter l’efficacité des médecins et leur temps disponible, l’entreprise a créé un outil collaboratif entre les différents professionnels de santé. « On veut que la collaboration soit plus généralisée au sein des cabinets, entre les cabinets, dans les hôpitaux ou bien entre les professionnels de santé et les hôpitaux », indique le DG. « Cela permet d’optimiser ‘l’adressage’ du patient auprès des bons professionnels de santé, de partager les cas patients, ainsi que de favoriser la télé-expertise ».
Mais la scale-up ne souhaite pas s’arrêter à cet outil, déployé à partir du mois de mai prochain dans toute la France. « On prépare d’autres outils permettant une certaine continuité du soin. Nous souhaitons mettre le patient et le médecin au cœur de la médecine de demain », lance Jean-Urbain Hubau. Ainsi Doctolib souhaite que les professionnels de santé puissent suivre leurs patients en dehors des consultations, tout en étant capable de préparer le rendez-vous et simplifier les actes administratifs. « Ces outils permettront au patient de donner des informations sur ses symptômes, mais également concernant ses documents administratifs, pour se focaliser uniquement sur le diagnostic et le traitement durant la consultation », précise le Directeur général de Doctolib.
« On est un nouvel entrant dans le secteur du logiciel médical avec un réel enjeu que constitue la portabilité des données », indique Camille Veziaga, Directrice des Affaires Publiques de l’entreprise. Selon elle, près de 80% des médecins redoutent ce changement d’outil par peur de perdre des données et par ricochet, de la qualité de soin. Face aux grandes entreprises internationales spécialisées dans l’édition de logiciel médicaux, Doctolib veut s’appuyer sur son implantation dans l’Hexagone. « Nous sommes intégrés à l’écosystème français. Lorsque nous travaillons sur ces sujets, nous sommes en lien avec les autorités et notamment la CNAM (Caisse Nationale de l’Assurance Maladie), afin d’intégrer et préserver le parcours de soin ». Mais pour la scale-up tricolore, le chemin est long pour se faire de la place dans l’édition de logiciels médicaux, puisqu’elle pèse, sur cet axe, moins de 1% du CA des acteurs américains.