L’idée que les algorithmes de nos systèmes juridiques prennent des décisions qui affectent directement nos vies semble tout droit sortir d’un film de science-fiction. Cependant, l’automatisation, au sens de l’utilisation de l’intelligence artificielle, n’est plus un rêve lointain, tant dans l’univers judiciaire que dans le contexte de la gouvernance d’entreprise, de la gestion des risques et de la conformité (GRC) : la LegalTech, ou technologie juridique, existe bel et bien et est notamment utilisée en France par les tribunaux, les juristes et les services juridiques internes. Peut-on alors imaginer qu’un avocat virtuel nous défendra demain au tribunal ? Ou qu’un robot sera utilisé pour traquer des criminels ? Géraldine Pelloux, Directrice régionale Sud Europe chez Exterro nous livre son analyse.
Les experts sont partagés sur la question. Le fait est que l’IA a ses points forts. Le cerveau humain est certes extrêmement doué pour reconnaître des modèles. Mais lorsque nous sommes confrontés à des quantités gigantesques de données, ce que l’on appelle le « big data », nous touchons alors à nos limites.
Un enquêteur humain serait contraint de passer au peigne fin d’innombrables sources de preuves potentielles pendant des jours, des semaines, voire des mois, et ce, sans garantie de découvrir des informations cruciales.
L’IA, en revanche, passe en revue des téraoctets, voire des pétaoctets d’informations et de données en quelques minutes seulement, élimine les faux positifs et fournit un aperçu presque parfait des tendances et des corrélations entre les ensembles de données. Parallèlement, par exemple dans le domaine de la criminalistique numérique, de nombreux processus comprennent les mêmes phases de traitement et de vérification des preuves, ce qui permet de les reproduire assez facilement. Dans la forme la plus simple de l’IA, les applications possibles sont la traduction de documents en langue étrangère en passant par la classification, la reconnaissance et l’organisation d’objets similaires.
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Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Les consommateurs, par exemple, peuvent utiliser des applications dites d’accès à la justice pour réclamer aux compagnies aériennes des frais retenus, sans contact direct avec un avocat, ou passer par des applications pour rédiger des courriers juridiques. Le logiciel d’apprentissage automatique sous-jacent compare les termes choisis par l’utilisateur pour les transcrire dans une formulation juridiquement correcte. L’actuel projet de recherche d’analyse légale de l’État de Bavière en Allemagne, quant à lui, concerne la possibilité de créer une base de données anonyme des décisions de justice.
Cette base pourrait permettre de réaliser des analyses pour appuyer les décisions dans des procès futurs. L’intelligence artificielle joue également un rôle important dans les poursuites pénales : l’IA passe au crible d’énormes quantités de données pour détecter les délits tels que la pornographie enfantine ou les crimes haineux sur Internet. Dans le domaine de la GRC juridique, par exemple, des workflows automatisés combinés à des solutions d’aide à la décision basées sur la robotique et l’IA sont très utiles pour la mise en conformité avec le RGPD, qu’il s’agisse de décider de la création d’un document, de déterminer une date d’échéance ou de clarifier l’existence d’une revendication.
Avant d’être lancée, toute procédure, quelle qu’elle soit, exige l’exécution de nombreuses tâches administratives et le traitement de grandes quantités de données. Ces opérations sont très chronophages et sont en partie responsables de l’engorgement des processus dans certains domaines. L’utilisation de l’IA allège considérablement la charge de travail des collaborateurs et conduit à une rationalisation des procédures. Toutefois, je me permets de douter que nous ayons un jour des enquêteurs virtuels ou même des juges robots. L’intelligence artificielle (du moins aujourd’hui) ne possède pas l’intelligence émotionnelle indispensable pour prendre les bonnes décisions. En particulier, les décisions juridiques se réfèrent toujours à un individu et à un cas bien particulier. L’IA n’est pas capable de juger des spécificités individuelles, d’interpréter des termes juridiques pas toujours précis ou de comprendre les émotions. La Legal Tech est toutefois une technologie utile possédant un bon potentiel d’évolution, capable d’accélérer les processus des systèmes juridiques et de faciliter le travail.