Dans un entretien accordé à nos confrères du Figaro, le ministre ne cache pas l’importance de l’enjeu de l’IAG : « C’est une révolution anthropologique, et il est hors de question que la fonction publique la subisse. Considérer que ça n’existe pas, c’est se mettre la tête dans le sable et prendre le risque de se réveiller dans quelques années en réalisant qu’on a raté le train et que beaucoup d’entreprises privées auront pris une avance considérable. »
On peut saluer cette prise en main directe par les autorités publiques d’un sujet complexe. La création récente par la Première ministre Elisabeth Borne d’un comité dédié à l’intelligence artificielle générative, dirigé par Anne Bouverot, présidente du conseil d’administration de l’École normale supérieure (et ancienne dirigeante de Morpho) et le professeur au Collège de France, Philippe Aghion, va dans le même sens. La fonction publique est confrontée à beaucoup des problématiques détectées de leur côté par les entreprises. En particulier, l’opposition entre une vision court-termiste (voire simpliste) centrée sur la productivité, et celle plus durable des enjeux de compétences, d’évolution de l’emploi, et d’un futur souhaitable pour notre marché du travail et notre environnement social. Mais pour affirmer cette stratégie plus globale, sommes-nous capables de rester maîtres d’un environnement technologique qui évolue à toute vitesse ?
Pour démarrer rapidement son expérimentation, Stanislas Guerini assume le fait de s’être appuyé sur un modèle de Large Language Model disponible sur le marché, celui de la société américaine Anthropic. Même si le modèle a ensuite été « spécialisé » avec l’aide d’une entreprise française, cette nécessité de prendre le raccourci américain pour suivre le rythme ne manquera pas d’interroger.
Heureusement, l’alternative pour les services publics est déjà prévue. Dans la continuité des annonces du ministre, la Direction interministérielle du numérique (Dinum) a dévoilé que son tout nouveau pôle Datalab, dirigé par Ulrich Tan, travaille déjà depuis juin dernier sur un modèle open-source et souverain. Un moyen de spécialiser plus facilement l’IAG face aux besoins des administrations et, surtout, d’imaginer des usages qui pourront manipuler des données personnelles ou confidentielles. Dès le début de l’année 2024, ce travail de fond technologique devrait donc s’incarner dans des services très concrets pour les agents. La Dinum a raison d’estimer qu’elle est dans le bon timing, alors que de nombreuses autres organisations en sont encore au stade où elles s’interrogent sur la réalité ou non de cette vague. Mais le travail ne fait que commencer : en plus des enjeux d’acculturation et d’acceptation sociale, le besoin d’infrastructures puissantes pour faire tourner les modèles d’IAG va forcément structurer le marché et la nature des solutions à disposition. Encore une fois, il faut se poser la question : qu’est-ce que le numérique juste, frugal, et capable d’allier innovation et responsabilité, que nous désirons ?
Cet édito est issu de notre newsletter de la semaine du 2 au 6 octobre 2023, à découvrir dès maintenant : https://alliancy.fr/newsletter/06-10-23
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