Le Sommet parisien pour l’action sur l’IA s’est conclu avec la signature par 60 États de la déclaration pour une intelligence artificielle “ouverte”, “inclusive” et “éthique”. Des conditions jugées essentielles pour maintenir la “confiance” sans laquelle cette technologie ne pourrait se développer dans le monde, d’après Emmanuel Macron.
La séance est levée, le Sommet est terminé. Le président Emmanuel Macron a achevé l’évènement parisien pour l’action sur l’IA avec une allocution sur la confiance nécessaire à la propagation de l’usage de la technologie dans le monde entier. L’adoption universelle de l’IA pourrait faire augmenter les échanges commerciaux de 14 points de pourcentage dans les pays développés, en développement et émergents, d’après l’Organisation mondiale du commerce. Au contraire, un usage asymétrique augmenterait les inégalités. C’est justement ce qu’Emmanuel Macron souhaite éviter, avec l’adoption d’une déclaration pour une IA “ouverte”, “inclusive” et “éthique”.
Des rivalités géopolitiques
Au total 60 pays ont accepté d’intégrer le “cadre de confiance” exception faite des États-Unis et du Royaume-Uni qui ont refusé de signer le texte, pourtant non engageant. Pour les signataires, l’enjeu est d’éviter une « concentration du marché » et de rendre la technologie accessible à tous. Un argumentaire qui n’a pas convaincu Londres, qui préfère privilégier “l’intérêt national”. Le discours du vice-président américain J.D Vance porte, sans surprise, l’accent “America First” : « les États-Unis sont les leaders dans l’IA et notre administration entend qu’ils le restent ». À ce discours s’ajoutent des propos critiquant la réglementation “excessive” européenne ou encore les nations s’associant avec un “maître autoritaire”, pour ne pas nommer la Chine. L’UE, de son côté, a défendu son avancée dans la compétition mondiale autour de cette technologie. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a déclaré : « Trop souvent, j’entends dire que l’Europe est en retard dans la course, tandis que les États-Unis et la Chine ont déjà pris de l’avance. Je ne suis pas d’accord. Car la course à l’IA est loin d’être terminée. »
Des partenariats en masse
Si l’évènement a été le théâtre d’un véritable déluge d’annonces d’investissements, c’est l’Union européenne qui a affiché le montant le plus élevé avec 200 milliards provenant de ce que la présidente de la Commission européenne présente comme le “plus grand partenariat public-privé dans le monde pour le développement d’une IA fiable.” Concrètement, aux 50 milliards fournis par l’Union européenne s’ajoutent 150 milliards de grands groupes ayant formé l’alliance “EU AI Champions Initiative”. Le groupement de 60 entreprises a pour but de rentrer en discussion autour d’un “cadre règlementaire simplifié”. Une volonté partagée par le président français qui évoque vouloir suivre une troisième voie : « Pour sortir du dilemme risque-opportunité, pour éviter de tout de suite aller vers la régulation qui s’impose et qui pourrait bloquer l’innovation.” L’Hexagone souhaite émerger en tant qu’acteur mondial face aux États-Unis et à la Chine, fort de sa start-up Mistral AI qui a multiplié les partenariats lors du sommet. La France a annoncé un investissement, via des fonds canadiens et émiratis, de 109 milliards d’euros dans les années à venir pour développer l’IA et des data centers. Un nombre choisi pour concurrencer les 500 milliards investis dans le projet Stargate de Donald Trump. 5 fois moins que le montant américain pour 5 fois moins d’habitants.
Une nécessaire égalité…
Pour le président Macron, l’avancement de la France dans la course à l’IA tient donc à deux choses : le “multilatéralisme” et la “confiance”. Cette première condition permet une utilisation de l’IA sans ”aucune vassalisation”, au contraire “un accès juste et ouvert, “pas de division entre le Sud et le Nord”et “l’égal accès de tous les continents”. C’est pourquoi le prochain sommet se tiendra en Inde. Le Premier ministre indien Narendra Modi espère que cette édition permettra de “mieux inclure le Sud, ses priorités et ses besoins”. Sur un même territoire aussi, l’accessibilité reste un défi. Les habitants des milieux ruraux et urbains doivent pouvoir utiliser de la même manière l’IA. La fracture numérique entre les générations doit également être comblée. Un “observatoire social” devrait être créé pour surveiller ces critères ainsi que les effets de la technologie sur l’emploi.
… et confiance
Le deuxième critère de confiance est essentiel : “Si nous cassons cette confiance, l’intelligence artificielle divisera le monde”, anticipe Emmanuel Macron. Il a donc détaillé l’ensemble des actions à poursuivre pour la maintenir : “investir dans les talents, Sur ce dernier point, la France aurait, selon lui, un avantage considérable : son énergie décarbonée soutenable grâce à sa maîtrise du nucléaire. Mais, avant tout, il faut privilégier “des données de qualité”, “des modèles entraînés sur des sources ouvertes”, “la transparence des algorithmes” mais aussi “le respect de la vie privée”, une capacité à “discerner les deepfakes” ainsi que de “se défendre contre les cyberattaques” martèle le président.
Des initiatives pour une IA éthique
Des mesures visant donc à protéger l’intérêt général, tout comme le partenariat “Current AI” créé lors de l’évènement parisien. 9 pays ainsi que des associations et des entreprises se sont jointes pour financer la création de bases de données privées et publiques et des outils en open-source pour une IA plus transparente et sécurisée. Alors que 400 millions d’euros ont déjà été promis, les acteurs, dont la France et Google, espèrent atteindre 2,5 milliards dans les 5 années à venir. D’autres initiatives sont nées au cours du Sommet comme la création d’un observatoire de l’impact énergétique de l’IA, sous la gouverne de l’Agence internationale de l’énergie ou encore une coalition internationale “pour protéger le développement des enfants à l’ère de l’IA”, rejointe par OpenAI et Google.