La réduction drastique des crédits alloués à l’inclusion numérique dans le projet de loi de finances 2025 inquiète les territoires et les professionnels du secteur. Réunis aux Assises de la cohésion numérique et territoriale 2024, ils dénoncent une rupture brutale avec la feuille de route nationale et appellent à des mesures urgentes pour garantir l’accès aux droits numériques.
Diminuer de 56% l’enveloppe allouée à l’inclusion numérique était l’une des mesures du projet de loi de finance du gouvernement Barnier. Les territoires ne disposeraient ainsi que de 27 millions d’euros pour diffuser le dispositif national pour l’inclusion numérique, contre 62 millions en 2024. De fait, les collectivités locales récupèreraient toute la charge financière. Face à cette coupe drastique, les acteurs de l’inclusion s’indignent à la sixième édition des Assises de la cohésion numérique et territoriale. “La décision va à l’encontre de la feuille de route Numérique Ensemble, établie en 2023” conteste Christian Redon-Sarrazy, sénateur de la Haute-Vienne et membre de la CSNP (Commission nationale du numérique et des postes). Elle réunissait quatre objectifs à atteindre d’ici 2027, à savoir l’accompagnement de huit millions de personnes, la création de 25 000 lieux d’inclusion numérique et de 20 000 aidants ou encore la distribution d’appareils de seconde main. Aujourd’hui, seulement 2,2 millions de personnes bénéficient d’un accompagnement et les conseillers numériques sont dorénavant en danger. Ces derniers, payés et agréés par l’état, représentent 98% des accompagnants, un rôle primordial dans l’acculturation des usagers. L’annonce du projet de loi de finance 2025 a déjà engendré le non-renouvellement d’une partie des contrats en cours. Aux Assises, les intervenants misent sur un dernier espoir : le renversement de Michel Barnier pour un gouvernement sensible à l’inclusion numérique. Offrant un délai supplémentaire pour rappeler l’importance du programme, convaincre le futur gouvernement et conserver ses crédits.
Un besoin d’articulation des politiques et de clarification des statuts
Dès le 28 novembre, la CNSP (la Commission Nationale du Numérique et des Postes) contre-attaque avec l’état des lieux du dispositif national pour l’inclusion numérique et ses vingt-deux recommandations. La commission sollicite notamment un budget stable et sur du long terme. “Il faut une nouvelle feuille de route qui flèche clairement les moyens sur des objectifs prioritaires. Les politiques d’aides aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées… Dans toutes, une partie est destinée à l’inclusion numérique, mais le budget est morcelé”, constate Céline Colluci, déléguée générale du réseau des territoires innovants – les interconnectés. Pour pallier ce morcellement, Dorie Bruyas, présidente de la Mednum (la coopérative nationale des acteurs de la médiation numérique), réclame une articulation des politiques et une clarification de leur statut. “On ne sait même pas qui a la charge de l’inclusion numérique au gouvernement”, déplore-t-elle. D’après la CNSP une taxe “numériseur-payeur” permettrait déjà d’attribuer des revenus fixes destinés à l’inclusion numérique. La taxe ciblerait les marchands proposant des services dématérialisés. Ainsi, les gains de production seraient réaffectés à l’inclusivité des sites, notamment pour les personnes en situation de handicap ou avec des troubles cognitifs.
Les DSI doivent mener le combat de l’accessibilité
Aux assises de la cohésion numérique et territoriale, l’inclusion est une affaire de pouvoir publique. Il en va de la responsabilité du gouvernement. “La moitié des Français n’ont pas les compétences numériques fondamentales et 31% d’entre eux, en situation précaire, se disent délaissés par les pouvoirs publics. L’IA, c’est aussi une question de justice sociale”, explique Jeanne Bretecher, membre de la CSNP et dirigeante de Génération 2. La numérisation, vue comme un outil d’émancipation pour les territoires, se révèle à l’origine d’exclusion et de non-accès aux droits sociaux. D’après la CSNP, un tiers des foyers éligibles au RSA ne le demande pas, découragés par la complexité des démarches ou par manque de connaissance. Ces lacunes administratives peuvent devenir une opportunité pour les entreprises. Pour Yannick Puget, directeur des opérations et de l’expérience client de iMSA, les entreprises ont leur rôle à jouer et les DSI doivent mener le combat de l’accessibilité avec des informaticiens dédiés. Martin Lauquin, membre fondateur de l’Institut Onepoint, rejoint Yannick Puget, en encourageant les sociétés à co-investir dans l’inclusion numérique. “Onepoint a collaboré avec l’hôpital Saint-Joseph et permet la traduction automatisée pendant les consultations”, explique l’expert en innovation.