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Indépendance technologique, proximité métier… La gouvernance numérique de la SNCF face à ses défis 

Grand Entretien_Frédéric Novello DSI adjoint de la SNCF

La DSI Groupe de la SNCF pilote et donne les grandes directions numériques pour six entités métiers de l’entreprise ferroviaire. Frédéric Novello, DSI adjoint du groupe, nous parle de cette nouvelle gouvernance avec laquelle l’entreprise vise une plus grande indépendance vis-à-vis des géants de la Tech, dans un contexte de nouveautés et pressions incessantes sur le marché.

Cet entretien est issu de notre série d’interviews « What’s next, CIO ? » qui revient tout au long de l’année sur les priorités et visions d’avenir des CIO stratèges

Quels sont les différents enjeux de la SNCF pour 2024, en parallèle des Jeux Olympiques de Paris ?  

Nous jouons un rôle essentiel pour le succès des Jeux Olympiques de Paris 2024. Dans ce contexte, la résilience est une priorité, en particulier sur le plan de la cybersécurité. En parallèle, nous avons des enjeux technologiques et de gouvernance assez forts. Nous sommes en pleine mutation vers une organisation de groupe, dans laquelle une holding doit chapeauter six grands métiers que sont le réseau, les gares, le rail voyageurs, le fret ferroviaire, le transport public (Keolis) et la logistique (Geodis) et devons ainsi transformer notre organisation autour de la gouvernance numérique pour qu’elle soit encore plus au service des métiers.  

Qu’implique ce chantier sur la gouvernance ?  

Nous devons adapter notre mode de gouvernance en favorisant une approche plus flexible tout en renforçant notre contrôle. Cela nécessite une prise de responsabilité des différentes entités en matière de numérique sans oublier d’assurer la cohésion grâce à l’intéropérabilité. C’est le rôle de notre direction numérique groupe composée d’une soixantaine de collaborateurs, qui assure la gouvernance et supervise une activité de services partagés contractualisés avec l’ensemble des filiales du groupe. L’objectif est de mutualiser les ressources, les infrastructures et les outils. Mais les services partagés ne doivent pas bloquer l’autonomie des différentes entités qui restent responsable du management de leurs données, de leur cybersécurité ou encore leur urbanisme.  

Par quels moyens la direction groupe pilote-t-elle le numérique ?  

Nous portons la gouvernance générale avec différents KPI dont, par exemple, le taux d’internalisation. L’outsourcing est moins à la mode qu’il ne l’a été. Aujourd’hui, avec les méthodes agiles, nous internalisons de plus en plus les missions, tout en conservant de la sous-traitance si nécessaire. Nous animons par ailleurs des programmes transverses comme le Cloud ou l’Open Source. Je trouve intéressant de citer ces deux programmes ensemble car cela illustre un dilemme avec lequel nous devons vivre : d’un côté la migration vers le cloud nous fait prendre conscience, si on l’avait oublié, que la technologie évolue plus vite que nous et plus vite que les compétences internes, et que nous devons accepter une certaine dépendance de nos fournisseurs. De l’autre côté avec l’open source, on cherche au contraire l’indépendance vis-à-vis d’acteurs technologiques majeurs. On a une tension entre la dépendance et l’indépendance.   

Comment pensez-vous que va évoluer cet équilibre dépendance-indépendance dans les années à venir ?  

Je n’ai pas la réponse. C’est un sujet d’analyse permanent chez nous et notamment dans le contexte de montée en puissance des technologies d’intelligence artificielle (IA) générative. A court terme, il est compliqué de se passer de l’expertise des géants de l’IA américains. Nous espérons qu’une offre concurrente européenne parviendra à se développer. Nous avons des raisons de l’espérer mais quoi qu’il en soit, notre souhait est de chercher à réduire notre dépendance vis-à-vis des opérateurs en nous appropriant les modèles et en pratiquant le multi-sourcing.  

Par quels moyens menez-vous des études sur ces différents sujets ?  

Concernant l’open source, nous sommes dans l’étude par l’expérimentation en lançant des initiatives à travers des partenariats notamment. Nous avons créé le TOSIT (The Open Source I Trust) avec d’autres grandes entreprises françaises, un club autour de l’open source, mais également la fondation Open Rail, en lien avec des sociétés européennes du ferroviaire. Sur l’IA générative, c’est en interne que nous expérimentons, au niveau du groupe avec différents niveau de testing et de recherche. 

Comment voyez-vous évoluer les missions de ceux et celles qui pilotent le numérique ? 

L’évolution majeure est au sein des DSI métiers, dans les sociétés du groupe, dont la Direction Numérique assure l’animation générale. Le rôle du DSI (Directeur des Systèmes d’Information) est passé d’un rôle de producteur à un rôle de partenaire métier. Le drame du DSI est qu’il n’est pas toujours compris par les métiers. Mais ce dont l’entreprise a besoin c’est d’un partenariat fort entre ces deux rôles là où aujourd’hui la séparation est réelle. C’est un équilibre à trouver dans le schéma d’expertise. Cela implique que la DSI ne détient plus le monopole dans la fabrication du SI et que les métiers dans leur émancipation, prennent conscience de la nécessité du savoir-faire des DSI pour maintenir une efficacité opérationnelle. 

 Une autre évolution, liée à la première, concerne les architectures et l’urbanisme : nous allons vers un SI modulaire qui permet de manœuvrer le SI et de garantir la résilience. On dessine des grappes applicatives qui permettent d’allier autonomie, agilité et cybersécurité.  

Que va-t-il advenir du DSI dans l’entreprise ?  

La même question a déjà été posée à l’époque de l’émergence du Chief Digital Officer, dont on a pu craindre qu’il prenne le pas sur le DSI. On pouvait pourtant déjà prévoir que ce dernier allait avoir une existence éphémère. Il a été un coup de boost pour amener le SI vers le digital, et maintenant les deux fonctions sont le plus souvent fusionnées. Aujourd’hui, je ne vois pas de raison de remettre en cause le rôle du DSI. Le numérique sera de plus en plus présent dans les entreprises. Tous les collaborateurs et collaboratrices auront une composante numérique. Le rôle du DSI sera de s’assurer de cette réalité en apportant un facteur pédagogique très important, et de la connaissance pour l’ensemble des collaborateurs du groupe. C’est de l’inclusivité numérique. Nous connaissons ce mouvement avec l’IA générative. Cette technologie existait déjà, la nouveauté réside dans l’accessibilité. Le grand public, donc nos collaborateurs et collaboratrices, a plus que jamais pu toucher du doigt ce que pouvait apporter le numérique. L’avenir du DSI, c’est ce rôle d’animateur d’une fonction pervasive. Il n’a plus l’exclusivité de la production numérique mais doit en rester le chef d’orchestre.  

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