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L’industrie, chouchou d’un « Etat partenaire »

Emmanuel Macron, le 15 juin ; Bruno Le Maire, le 2 octobre ; Edouard Philippe, aujourd’hui. L’industrie vit de beaux jours politiques en ces temps de reconquête industrielle et sociale. Devant le Conseil national de l’industrie ce matin chez Valeo, le Premier ministre présentait les objectifs de son gouvernement pour redorer le blason de l’industrie française dans le monde.

Edouard Philippe, L’industrie, chouchou d’un « Etat partenaire »

Edouard Philippe, Premier ministre © Gouvernement.fr

« On ne va pas lâcher notre industrie ! » Le ton est donné par le Premier ministre, Edouard Philippe, qui présentait ce matin la stratégie de reconquête industrielle d’un « Etat partenaire », en détaillant notamment le fonctionnement du futur fonds de 10 milliards d’euros, voulu et dévoilé par le président Emmanuel Macron pour l’industrie lors du salon Vivatech en juin dernier.

« On n’a pas fait collectivement assez pour l’industrie […] On a oublié, ou négligé, un des moteurs de l’économie », a reconnu le chef du gouvernement. Et de rappeler que l’industrie française est désormais au huitième rang mondial, derrière l’Italie… et qu’elle est surtout trois fois plus petite que l’industrie allemande. « Le manque de compétitivité de notre industrie à l’export pénalise et dégrade durablement nos comptes publics et handicape d’une certaine façon notre action», a-t-il ajouté.

Cette fois, concernant ce fonds de soutien, on en sait un peu plus. Le Premier ministre l’a détaillé lors d’un discours prononcé sur un site de production et centre de recherche de l’équipementier automobile Valeo à Bobigny, en Seine-Saint-Denis.

Ce fonds public, opérationnel au 1er janvier prochain, sera alimenté en cash par le produit des récentes cessions de participations dans l’énergéticien Engie et le constructeur Renault, d’un peu moins de 2 milliards d’euros. Le solde (environ 8 milliards d’euros) sera constitué de participations publiques n’ayant pas vocation à être cédées (La Poste, EdF, la SNCF, Thales…), mais versant des dividendes réguliers. « Le rendement annuel de ce fonds, qui sera de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros par an, sera sanctuarisé pour garantir notre effort annuel en matière d’innovation, en matière d’innovation de rupture et limiter toute tentation de rabot qui viendrait obérer nos capacités industrielles ». Une mission est en cours pour analyser le dispositif d’aides à l’innovation existant, en vue de son éventuelle refonte.

 

Edouard Philippe a défendu l’industrie comme un outil de reconquête économique, sans pour autant adhéré aux actions d’un précédent ministre du Redressement productif… Tout le monde se souvient encore de la couverture cocorico du Parisien Magazine avec Arnaud Montebourg à la Une vêtu d’une marinière ! « Par-delà les odes à l’industrie et les slogans du redressement productif, on a souvent privilégié la communication colbertiste aux actes d’un Etat partenaire », a-t-il dénoncé.

Un fonds de 10 milliards, des aides à l’innovation ciblées, un mouvement collectif… Pour enrayer la désindustrialisation, le gouvernement veut favoriser la montée en gamme des entreprises.

Aussi, face aux principaux représentants de l’industrie en France, Edouard Philippe n’a pas promis de nouveau pacte, ni de nouveau choc, mais des objectifs clairs. « Nous souhaitons que l’industrie se projette à l’international », a-t-il déclaré, d’où un renforcement du dispositif public d’accompagnement et de financement à l’export qui devrait être annoncé prochainement.

Tout en affirmant que la France doit « jouer le jeu de l’Europe » et tenir compte de la mondialisation, le chef du gouvernement a également voulu dévoiler un visage plus protecteur. « Nous ne sommes pas naïfs, nous n’hésiterons pas à monter au créneau en cas de menaces sur nos champions français, notamment en cas de menaces d’OPA », a-t-il souligné, rappelant que Matignon a chargé Frédéric Saint-Geours, ancien de PSA et vice-président du CNI, de formuler des « propositions ambitieuses » pour faire émerger des champions européens…

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé un nouvel audit d’ici à trois mois (on en aura des nouvelles le 26 février prochain) des 14 comités stratégiques de filière hérités du quinquennat de François Hollande. Il a également garanti le soutien de l’Etat dans les domaines de la voiture autonome et des batteries électriques. « La France doit être au rendez-vous de cette révolution de la mobilité », a-t-il insisté.

Le gouvernement doit d’ailleurs prochainement dévoiler sa stratégie en la matière. Fin octobre, il a dans ce but créé le poste de « haute représentante pour le développement  des véhicules autonomes », qu’il a confié à Anne-Marie Idrac (ex-secrétaire d’Etat aux Transports, présidente de la RATP, de la SNCF…) pour piloter cette stratégie.  D’où le fait d’insister sur cette nécessité de réorganiser les filières en écosystèmes désormais.

Si Edouard Philippe a fermé la porte à une nouvelle baisse des cotisations sociales tant que la situation des comptes publics ne serait pas rétablie, il a annoncé vouloir réfléchir avec les collectivités territoriales à une réforme de la fiscalité de production, qui « n’est pas incitative » économiquement. Confirmant les souhaits de son ministre Bruno Le Maire, il a déclaré que le gouvernement était « prêt à poursuivre » la baisse des « charges » sur les salariés au-delà de 2,5 Smic. « L’industrie donne une souveraineté et une autonomie stratégique à notre pays […] Une France sans usines n’est pas une option », a-t-il déclaré.

Jean-Pierre Floris, ancien patron de Verallia (ex-filiale de Saint-Gobain) devrait être prochainement nommé « délégué interministériel aux restructurations industrielles ». Sa mission de « veille active » sera de prévenir les situations d’urgence dans les entreprises en difficulté et de suivre les restructurations industrielles en cours (tel le cas récent d’Ascométal ?).  Ce « monsieur Industrie » de Bercy devrait prendre le relais de Bruno Le Maire et de Benjamin Griveaux sur ces sujets. Quant à la politique en matière de compétitivité et d’innovation, Philippe Varin, ancien patron de PSA et actuel président du conseil d’administration d’Areva, à la tête d’une nouvelle entité renforcée  France Industrie, devrait également jouer le rôle d’interlocuteur majeur entre les grands acteurs du secteur industriel et les pouvoirs publics. Toute une #AmbitionIndustrie que les réseaux sociaux ont largement relayée.

Près de 1 million d’emplois détruits depuis 1995

En 15 ans, la France est le pays qui subit la plus forte désindustrialisation en Europe.

(Part des emplois industriels en France : 20 % en 1990, contre 10 % en 2017 – source Insee)

Pour autant, l’industrie représente encore…

  • 80 % de l’investissement en R&D
  • 75 % des exportations
  • et la moitié de la productivité nationale

Retrouver le discours d’Edouard Philippe

Relire notre dossier « Industrie : en route vers le futur »

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