Présente lors de l’inauguration de l’usine Symbiose de Lacroix Electronics, Frédérique Le Grevès, présidente du Comité stratégique de filière, et également PDG de STMicroelectronics France et Vice-présidente exécutive du groupe, chargée des affaires publiques en Europe et en France, revient pour Alliancy sur les enjeux de la filière.
Alliancy. Près des trois-quarts des composants électroniques sont aujourd’hui produits en Asie. Avec seulement 8 % de la production mondiale, quels sont les enjeux majeurs pour l’Europe ?
Frédérique Le Grevès. On peut citer la difficulté des approvisionnements, les tensions géopolitiques ou encore les fortes dépendances en matières premières qui sont vraiment venus bouleverser les interactions entre l’amont et l’aval de la filière et complexifier la supply chain.
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Pour autant, s’il y a bien sûr ces challenges, il y a aussi beaucoup d’opportunités. En 2030, le volume du marché mondial des semi-conducteurs représentera 1 000 milliards de dollars, soit un doublement par rapport à 2021. Le défi est donc de taille : il faut continuer à développer des capacités de production comme ici à Symbiose ou à Crolles pour STMicroelectronics avec Global Foundries, investir dans l’innovation et la recherche ; et soutenir la formation pour maintenir l’excellence et le rayonnement de nos industries.
Qu’en est-il de la crise énergétique ?
Frédérique Le Grevès. Notre filière est évidemment touchée par cette crise. Nous travaillons à la demande du gouvernement, à des plans de sobriété afin de réduire de manière optimale nos consommations d’énergies. Les coûts supplémentaires engendrés sont problématiques pour toute la filière et il est primordial que les unités de production soient reconnues comme stratégiques afin de ne pas subir de coupures d’électricité. Arrêter une salle blanche peut engendrer de grosses difficultés sur des semaines pour la faire redémarrer…
Mais il est important de rappeler également que nous faisons partie de la solution sur la sobriété énergétique ! Grâce à nos puces fabriquées en France, nous pouvons permettre à tous les objets du quotidien d’être moins énergivores. D’où l’importance d’être soutenus par les pouvoirs publics afin d’augmenter nos capacités de production pour servir au mieux les clients comme ici chez Lacroix.
Y a-t-il un consensus à ce sujet au niveau européen ?
Frédérique Le Grevès. Déjà, il y a un consensus au niveau mondial ! Si on veut en Europe et en France, continuer à être compétitifs, on a besoin de ce soutien. Que ce soit aux Etats-Unis, en Chine ou en Corée du Sud, tous les gouvernements soutiennent les industriels. TSMC a tout de même réussi à se faire subventionner à 100 % une usine au Japon, entre les aides publiques et celles de ses clients.
La guerre des talents dans votre secteur est un vrai problème. Vous avez parlé de 18 000 postes à pourvoir dans la filière en France. Rien que chez STMicroelectronics, 1 000 recrutements sont en cours… Comment agir ?
Frédérique Le Grevès. C’est en effet un vrai problème ! Beaucoup d’industries se battent désormais pour recruter les mêmes talents. Et comme le rappelle régulièrement Nicolas Dufourcq de BpiFrance, beaucoup d’ingénieurs préfèrent les sociétés de conseil à l’industrie… Toute cette image de nos entreprises doit être revisitée pour attirer des jeunes gens et notamment des femmes. Il faut que l’on arrive à redonner envie aux jeunes de refaire des formations d’ingénierie et quand ils le font, de les amener sur nos métiers. C’est un enjeu crucial sur lequel nous travaillons.
La filière électronique française représente un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros en 2021, 80 000 emplois directs (18 000 emplois sont à pourvoir !), 170 000 emplois indirects et 8 000 chercheurs publics.
Peut-on dire que les crises sanitaire et géopolitique récentes ont servi (ou servent encore) le renouveau de la filière ?
Frédérique Le Grevès. Je parlerai plutôt d’opportunités. La crise énergétique actuelle est délicate, mais elle nous permet de nous re-challenger, d’aller plus loin et d’être encore plus efficaces. Certes, les nuages s’amoncellent, mais c’est plus facile à vivre quand on est une entreprise solide. Il faut donc préparer l’avenir en termes de technologies et de maîtrise des coûts… Ce sera difficile pour certains, mais, pour l’instant, nous n’avons pas d’alerte catastrophique dans notre secteur, mais nous regardons de près la situation de tous nos membres pour leur apporter des solutions. Notre rôle est notamment de les informer sur toutes les aides disponibles si elles peuvent en bénéficier.