Traiter les données issues de la chaîne de production comme un capital à faire fructifier n’est pas une idée radicalement nouvelle. De manière plus ou moins systématique, de nombreux industriels « écoutent » déjà leurs machines pour prévenir les pannes et adapter leurs plans de charge, de maintenance et d’investissement. Une triple actualité devrait accélérer la généralisation de cette pratique. Xavier Daubignard, directeur général chez SPIE ICS, nous livre son analyse.
La première est la prise de conscience, avec la crise sanitaire, de la nécessité de relocaliser des pans entiers de notre industrie. Leur départ s’étant effectué sous la pression des coûts, leur retour ne peut s’envisager sans augmentation de la productivité. D’évidence, une partie de celle-ci est à chercher dans l’optimisation du pilotage de la production.
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La deuxième est la très forte attente sociétale d’engagement environnemental, à laquelle peu d’entreprises peuvent espérer échapper, sous peine de perdre talents et clients. Là-encore, que l’on parle de maîtrise des émissions de gaz à effets de serre, de sobriété énergétique ou de réduction des déchets, l’optimisation des process a son rôle à jouer. C’est d’ailleurs l’un des points de convergence les plus porteurs entre économie et écologie.
Le troisième, enfin, est la multiplication des cyberattaques. On le sait, les pirates de tous bords ont mis à profit la généralisation du télétravail et la multiplication des accès distants pour forcer les systèmes d’information des entreprises. On sait moins que l’industrie leur a payé un lourd tribut, concentrant en 2020 15 % de leurs attaques. La paralysie d’une chaîne de production pouvant coûter autrement plus cher que la désorganisation d’un service administratif, il y a fort à parier que leur intérêt pour elle ne faiblira pas. C’est pourquoi une intervention d’envergure sur le système de management des données industrielles doit toujours comprendre un audit sécurité approfondi, idéalement réalisé par des hackers spécialisés dans les logiciels métiers. Une nouvelle fois, il y a là convergences d’enjeux dont il faut savoir jouer.
De fait, l’intégration des technologies de l’information et de l’exploitation, « IT » et « OT », est en marche et si débat il y a encore, c’est sur la méthode. Il est facile, aujourd’hui d’accumuler une masse considérable de données dans le cloud. Il est bien plus difficile d’en tirer de la valeur dans des délais compatibles avec les exigences du Process. Je suis du côté des tenants de la sobriété efficace. Aujourd’hui, le edge computing nous permet de traiter avec rapidité les données process en proximité pour ne transmettre au système d’information global qu’un nombre nécessaire et suffisant d’informations pertinentes, ce qui facilite leur exploitation. Les ingénieurs le savent : un petit nombre d’indicateurs suffit pour prédire la plupart des dysfonctionnements, même dans un système complexe.
C’est dans cet esprit que nous avons travaillé avec un industriel dans le domaine de l’énergie qui souhaitait augmenter la disponibilité de son réseau de gaz en prédisant les défauts de dépressurisation de puissants compresseurs. Les pannes génératrices d’importantes indisponibilités, autrefois qualifiées d’aléatoires, ont désormais laissé place à des arrêts de maintenance programmés : la surveillance de 15 indicateurs sur les 140 disponibles, permet une prédiction de défaut avec une anticipation de 12 heures avec une précision de 3 heures. L’intervention de maintenance préalable à la dépressurisation limite les impacts sur la production et apporte de la valeur aux opérationnels.
Développer une approche pragmatique qui allie le résultat économique à la préoccupation environnementale est un des axes de la stratégie numérique responsable dans laquelle SPIE ICS est engagée.