A quoi ressemblera l’ingénieur(e) du futur « digitalement intelligent » ?

Comment les compétences des ingénieurs, professionnels polyvalents par excellence, doivent-elles évoluer face à la « permacrise » et aux accélérations technologiques ? Notre chroniqueur invité Imed Boughzala partage son analyse.

Dans un monde en transition(s) : sociale, numérique, économique, managériale, écologique et énergétique, productive, géopolitique… la configuration des métiers va changer. Beaucoup vont apparaitre tandis que d’autres devront évoluer afin de s’adapter aux nouvelles réalités du contexte socio-économique au risque sinon, de disparaître. L’augmentation par les technologies émergentes (en référence à « l’intelligence augmentée ») fera disparaître certaines compétences intrinsèques à certains métiers tandis que d’autres auront tendance à se renforcer ou à se développer. Le métier de l’ingénieur(e), vieux de plus de 200 ans en France à l’image des écoles d’ingénieurs créées au 18ème siècle, n’échappe pas à cette réalité.

Beaucoup de ses compétences deviennent moins essentielles comme celles liées au développement informatique. Celles liées à la conception et l’optimisation de la performance des systèmes deviennent plus importantes au regard des enjeux liés à la réindustrialisation (Industrie du futur responsable), la décarbonation, la consommation énergétique, l’éthique des données, la durabilité/robustesse et la responsabilité dans l’innovation, etc. Dans cette chronique, je souhaite mettre en avant les compétences de l’ingénieur(e) du futur qui lui permettront de s’adapter à la réalité des besoins des organisations et de la société et à bien mener les transitions.

En effet, l’ingénieur du futur évolue dans un environnement en constante mutation (permacrise), façonné par des avancées technologiques rapides et des défis sociétaux complexes. Pour relever ces défis, l’ingénieur(e) du futur doit posséder un ensemble de caractéristiques clés qui vont au-delà des compétences techniques traditionnelles. Elle/il se doit d’être visionnaire dans sa compréhension de l’environnement qui l’entoure, leader du progrès pour être acteur du changement et non un suiveur ou un juste intégrateur de technologies. Il doit être doté d’une combinaison subtile de compétences techniques pointues (Hard Skills) et relationnelles (Soft Skills) comme celle liées aux intelligences émotionnelle, sociale et culturelle. En somme, elle/il se veut un(e) « penseur agile », technologiquement compétent(e) – digitalement intelligent(e), ouvert(e) sur le monde extérieur et orienté(e) vers des solutions durables à la hauteur des enjeux sociétaux pour un impact positif sur la société en général (à la recherche de la robustesse au-delà de la performance).

Voici quelques-unes des caractéristiques essentielles de l’ingénieur(e) du futur :

  1. Polyvalence et interdisciplinarité : L’ingénieur(e) du futur doit être capable de comprendre et de travailler dans des domaines interdisciplinaires. La résolution des problèmes (complexes) contemporains exige souvent une approche globale, intégrant des compétences provenant de différentes disciplines. Elle/il doit être capable de faire face à la diversité et mettre du lien entre les disciplines, les profils humains (générations, formations, métiers…), les concepts, les modèles, les méthodes, les théories, les machines, les (bonnes) pratiques, etc.
  2. Anticipation, adaptabilité et résilience : Dans un monde en constante évolution et incertain, l’ingénieur(e) du futur doit être capable de s’adapter rapidement aux transformations technologiques (Digital literacy – capacité d’acculturation rapide dans le cadre de l’intelligence digitale), aux méthodes de travail innovantes (travail à distance, en mode projet, en matriciel…) et aux exigences du marché (créativité, agilité…). L’apprentissage continu et la flexibilité sont pour elle/lui des atouts essentiels. Elle/il doit être capable d’« improviser » des solutions ingénieuses (pas forcément les plus complexes) dans des conditions parfois adverses. Elle/il doit faire plus avec moins de ressources (sobriété numérique oblige) mais avec davantage de liberté pour exprimer pleinement sa créativité.
  3. Pensée critique et créativité : Face à des défis complexes, l’ingénieur(e) du futur doit être capable de penser de manière critique et créative. La capacité à remettre en question le statu quo et à proposer des solutions novatrices est cruciale pour l’innovation et la croissance. Elle/il doit capable d’intégrer le facteur temps dans la coordination collective, le stress, le droit à l’erreur, l’échec…
  4. Compétences en intelligence artificielle et automatisation : Avec l’avènement de l’intelligence artificielle et de l’automatisation, l’ingénieur(e) du futur doit maîtriser ces technologies émergentes (digitales et post-digitales) et comprendre comment les intégrer efficacement dans ses projets/innovations en prenant en compte les aspects cyber sécurité et cyber sûreté. Ici son intelligence digitale prend tout son sens.
  5. Éthique et responsabilité sociale : L’ingénieur(e) de demain doit être conscient de l’impact de ses actions sur la société et l’environnement. L’intégrité éthique, la responsabilité sociale et la durabilité doivent guider ses décisions tout au long du processus de conception et de mise en œuvre (numérique responsable et sobriété numérique).
  6. Compétences en communication et leadership : La capacité à communiquer efficacement avec des équipes multidisciplinaires, des parties prenantes et le grand public est devenue cruciale. L’ingénieur(e) doit être capable d’expliquer des concepts complexes de manière claire et accessible.
  7. Travail d’équipe et collaboration : La résolution de problèmes d’ampleur mondiale nécessite souvent la collaboration entre des équipes diverses et multicultures (en présentiel et en distanciel). L’ingénieur(e) du futur doit exceller dans le travail d’équipe, être capable de diriger et de contribuer de manière significative et agile à des projets collectifs.
  8. Esprit entrepreneurial : L’ingénieur(e) ne se contente plus de travailler au sein d’entreprises établies. L’esprit entrepreneurial, la capacité à identifier des opportunités (même dans l’adversité et ou l’incertitude) et à prendre des initiatives sont des compétences de plus en plus importantes.

En résumé, l’ingénieur(e) du futur est un professionnel polyvalent, concepteur-créatif, empathique, éthique et capable de s’adapter à un monde en perpétuelle évolution. Ces caractéristiques, combinées à des compétences techniques solides, sont essentielles pour relever les défis complexes du 21e siècle.

Au regard des besoins grandissants de la France en ingénieurs (environ cinquante mille ingénieurs par an), les écoles d’ingénieurs de l’Institut Mines-Télécom comme Télécom SudParis et ses écoles associées comme l’ENSIIE, s’activent afin de répondre à ces besoins en mettant à jour leur programmes d’enseignement. Elles adoptent une approche par compétences et en intégrant les meilleures innovations pédagogiques afin de garder cette avance dans la formation des ingénieurs du futur, un secteur de plus en plus concurrentiel.