En octobre, l’énergéticien posait la première pierre de son futur centre de R&D à Saclay (Essonne). En parallèle, il inaugurait la plate-forme expérimentale des Renardières (Seine-et-Marne), unique en Europe, pour accompagner l’évolution des systèmes électriques vers les smart grids.
C’est un lotissement au sein duquel cinq petites maisons, dénuées de charme, ont pour elles une vue imprenable sur la forêt de Fontainebleau. Ce pourrait être un programme immobilier comme il en existe beaucoup, sinon que celui-ci se trouve à quelques mètres d’un poste à très haute tension et qu’aucun promoteur ne risquerait un sou dans l’opération. Ce petit ensemble, équipé de panneaux photovoltaïques, surplombé d’une éolienne et pourvu de bornes de recharge pour voitures électriques, est en fait une composante du centre de R&D EDF des Renardières, à Écuelles, en Seine-et-Marne. Inauguré au milieu des années 1960, il reste à ce jour l’un des plus importants centres de recherche au monde en son genre.
C’est donc sur ce site que l’opérateur historique a décidé de développer la plate-forme expérimentale Concept Grid dédiée aux futurs réseaux électriques intelligents, à travers l’étude de problématiques d’intégration. Par exemple, c’est ici qu’a été testé le compteur intelligent Linky qui équipera, d’ici à 2020, 34 millions de foyers français. Cet outil d’expérimentation, dont l’investissement s’élève à 20 millions d’euros sur cinq ans, est mitoyen d’autres unités de recherche, telles qu’Ecleer (European Centre and Laboratories for Energy Efficiency Research). Lancé mi-2007, ce centre est consacré à l’efficacité énergétique dans les secteurs du bâtiment et de l’industrie, à partir d’une électricité obtenue par des moyens de production émettant peu de CO2.
« Aux Renardières, les maîtres mots sont : complexité, sécurité et flexibilité, résume Jean-François Faugeras, directeur du développement du programme réseau. Les systèmes électriques intelligents sont une clé pour améliorer la performance des réseaux et les moderniser sans avoir à investir massivement dans de nouvelles infrastructures. » Alors qu’au niveau mondial, EDF estime que le marché annuel des smart grids (réseau de distribution d’électricité « intelligent ») s’élèvera à hauteur de « 20 à 30 milliards d’euros par an, dont environ 1 milliard en France », aux Renardières, les 1 600 ingénieurs présents sur place simulent, observent et analysent des pannes depuis le centre de commandes offrant une vue panoramique sur le faux lotissement.
Des tests grandeur nature
« C’est un réseau expérimental représentatif du réseau réel », assure le chef de projet Benoît Puluhen. Devant son écran, Xavier Charpentier, chargé du développement de la plate-forme Concept Grid, illustre, démonstrations dans les conditions du réel à l’appui : « Aujourd’hui, quand un câble est coupé, c’est toute la zone immédiatement en aval qui est privée d’électricité. Grâce au système intelligent, on isole en quelques minutes la partie malade et on effectue l’alimentation électrique par l’autre côté du réseau. » Simple comme bonjour présenté ainsi… Mais, impossible à réaliser sur le réseau actuel ! Xavier Charpentier explique : « Ce genre de solutions sera d’abord mis en place en milieu urbain où le réseau est plus dense. C’est en revanche plus compliqué en milieu isolé où les possibilités d’équilibrer les charges sont plus complexes à mettre en œuvre. » Réduite à l’échelle d’un lotissement, l’expérience permet toutefois d’effectuer des simulations comme si ce réseau de dix kilomètres (7 km de basse tension, alimenté par 3 km de réseau moyenne tension et deux postes de distribution) était douze fois plus long…
Aux Renardières, EDF travaille donc sur l’assurance de la livraison de l’électricité, mais également sur les interactions entre équipements ménagers et réseau électrique. Ouverts aux industriels, qui peuvent y tester en toute discrétion leurs matériels, les cinq petites maisons et le réseau de distribution complet (pour lequel un investissement de 10 millions d’euros a été consenti) permettent aux compteurs intelligents, appareils électroménagers, pompes à chaleur réversibles, micro-éoliennes, panneaux photovoltaïques, ou encore bornes de recharge de véhicules électriques… d’être testés dans les conditions du réel, alors qu’il fallait jusqu’ici effectuer ces « crash tests » en laboratoires.
Gérer les périodes de fortes demandes
Possibilité offerte par les smart grids : l’optimisation de la consommation. Avec sa solution dédiée dénommée Wiser, Schneider Electric, qui passe par les Renardières pour tester la quasi-totalité de ses appareils, entend se positionner sur le créneau de l’aide à l’économie d’énergie. « Wiser vise à apporter un confort supplémentaire au client, avance Florent Germain, responsable business développement des utilities de Schneider Electric. Les distributeurs proposeront prochainement des tarifs d’effacement. Il s’agit à la fois de proposer au client final une baisse de sa facture électrique et au distributeur d’acheter son énergie au meilleur prix en fonction de la demande. L’enjeu est de proposer à chacun la meilleure solution en fonction de ses besoins. »
Ainsi, explique-t-on chez EDF : « Couper le chauffage pendant 5 minutes n’a pas d’incidence sur le confort de l’habitat et permet une petite économie pour le consommateur. A l’échelle d’un quartier comptant plusieurs milliers d’habitants, la baisse de charge est en revanche conséquente. Elle permet de soulager le réseau. C’est capital en période de pointe. » Invisible pour le consommateur, l’enjeu pour l’opérateur électrique est précisément de gérer au mieux les périodes de demandes fortes en électricité avec, notamment, des systèmes de veille météorologique. La progression prévisible de production électrique issue des énergies renouvelables induisant également une part plus aléatoire dans la production – présence de nuages, absence de vent… –, l’intégration de smart grids permettra, espère-t-on, de mieux synchroniser production et consommation.
Cet article est extrait du n°6 d’Alliancy, le mag – Découvrir l’intégralité du magazine
Photo : Laurent Grandguillot – Illustration : EDF