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Innovation responsable : l’European Innovation Council met 1,6 milliard d’euros au service des valeurs européennes

Comment financer l’innovation de manière responsable ? Marie-Elisabeth Rusling, ambassadrice de l’European Innovation Council, présente l’approche de ce fonds européen ambitieux. Elle revient aussi sur les évolutions récentes qu’elle a notées chez les porteurs de projets innovants et les institutions qui les accompagnent.

Alliancy. Qu’apporte de différent l’European Innovation Council sur la scène internationale du financement de l’innovation ?

EIC Marie-Elisabeth Rusling

Marie-Elisabeth Rusling, ambassadrice de l’European Innovation Council

Marie-Elisabeth Rusling. L’EIC a un parti pris, bien compris et bien mis en musique : l’Europe peut apporter beaucoup au monde de l’innovation, à partir des valeurs européennes, comme la responsabilité, la diversité ou la durabilité… La question que pose l’EIC est justement celle-ci : comment peut-on accélérer l’innovation différemment en tant qu’Européens ?

Il y a sept ans, le Commissaire européen à l’innovation d’alors avait remarqué qu’il existait des projets de recherche fantastiques en Europe, mais que nous les transformions assez mal. Il y avait beaucoup de déperdition chez les innovateurs, qui devaient notamment aller voir de l’autre côté de l’Atlantique pour se financer. En créant cette initiative, l’idée était donc d’être proactif pour pallier l’absence de scale-up européennes.

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Nous avons dès lors affutés plusieurs instruments et des programmes thématiques dédiés. Mais c’est d’abord un mix de subventions et d’investissements qui permet de servir l’excellence européenne, tout horizon confondu. Nous avons une approche très ouverte : les candidats peuvent se positionner sur toutes sortes d’idées, à condition de pouvoir démontrer un impact, à la fois économique et en accord avec les valeurs européennes. Ces dernières sont d’ailleurs pleinement intégrées dans les critères d’évaluation et doivent faire l’objet d’une démonstration tout au long du processus de sélection.

Un autre différentiateur est que l’EIC ne s’intéresse pas qu’aux start-up qui veulent vite devenir globales. Nous consacrons beaucoup d’attention à d’autres parties de nos écosystèmes européens d’innovation qui sont très fragmentés : le passage à l’entreprenariat de nos chercheurs par exemple.

En 2023, l’EIC est doté d’1,6 milliard d’euros pour accompagner des initiatives innovantes, pour un total de 10,1 milliards d’euros sur la période budgétaire 2021-2027 de l’UE. Le rythme d’investissement est donc très soutenu.

A quel point est-il facile de bénéficier du soutien de l’EIC ?

M.E-R. Il y a une forte sélectivité, face à une très grande demande. Les candidats le disent tous : c’est un très bon exercice pour penser différemment sa croissance, ses accès aux marchés, aux partenariats, aux investisseurs. Cela vient aussi du fait que dès le départ, nous n’avons pas seulement travaillé sur des subventions : l’idée était au contraire de faire sortir les bénéficiaires d’une forme de « culture de la subvention », en changeant les attendus des candidats, en leur permettant d’aller parler aux investisseurs, etc.

Il faut aussi prendre en compte que l’EIC n’est pas actif de manière uniforme sur toute l’Europe. En France, il y a par exemple déjà beaucoup d’instruments avec lesquels il est facile d’avoir des synergies. Nous visons un effet levier d’un ratio de 2,6 pour un investissement EIC. Or, pour arriver à ce niveau-là, il faut une puissance de feu internationale cohérente. Certains écosystèmes comme la biotech y arrivent plus facilement, avec des syndications entre investisseurs très présents dans certains pays, mais c’est très loin d’être l’habitude partout en Europe.

Comment vous assurez-vous de la responsabilité et de l’éthique de vos stratégies d’investissement ?

M.E-R. Nos critères ESG sont évidemment très présents. Mais au-delà de cela, il existe aussi un cadre d’indicateurs de performances qui oblige l’EIC a rendre compte de nos objectifs par rapport aux ensembles d’indicateurs internationaux de référence, comme ceux de l’ONU. Nous cherchons aussi une cohérence globale entre ce qui se passe au board de l’EIC et les initiatives que nous soutenons. Nous voulons être exemplaire, pas seulement dans l’injonction. Tous nos jurys sont ainsi complètement mixtes depuis notre création. Nous recherchons l’unanimité, mais toujours à travers une variété d’expériences et d’expertises. Et dans les éléments d’évaluation de la qualité d’un projet, la diversité de l’équipe initiale qui porte une initiative, a toujours été très importante. De même, nous attendons que les porteurs de projets aient la capacité de faire démonstration de leur conscience de tels sujets et de l’importance que cela prendra pour leur entreprise par la suite.

Est-ce que vous avez constaté des changements chez les porteurs de projets en ce sens ?

M.E-R. Il y a quelques années, nous rencontrions beaucoup des équipes totalement masculines qui étaient surprises par ces questions. On a vu des porteurs de projets écarquiller les yeux en ne comprenant pas pourquoi on abordait cela ! Mais aujourd’hui, il n’y a plus ce genre de réactions. Il y a eu une prise de conscience de cette importance de la diversité notamment, avec des études et mesures documentées sur le sujet.

Avec du recul, on peut se dire que dans les critères ESG, c’était le E de l’environnement qui est ressorti le plus pendant longtemps, au détriment par exemple des questions de diversité de genre. Or, l’EIC a toujours demandé une vision globale, par nature plus exigeante. Ces questions s’imbriquent mieux aujourd’hui et sont également mieux intégrées dans les plans des dirigeants de start-up qui visent l’hyper-croissance.

Reste malheureusement qu’il n’y a encore que 1 ou 2% des investissements des fonds mondiaux qui vont vers des entreprises dirigées par des femmes, ou même co-dirigées. Cela vient aussi du fait que seuls 10% du top management des fonds est féminin, et peut être 20% sur l’ensemble de leurs collaborateurs. Il y a donc un effort majeur de transformation à mener pour ces acteurs, afin qu’à leur tour ils investissent sur des entreprises plus diverses. Du côté des banques, le problème est aussi assez visible en Europe, alors que justement les financements passent beaucoup par l’emprunt et que statistiquement les femmes remboursent mieux ! Les business angels, eux, investissent en moyenne plus sur les femmes, mais les tickets concernés sont beaucoup moins importants. Heureusement, les grands partenaires d’investissements internationaux donnent de plus en plus d’indications à leurs relais nationaux pour prendre en compte la diversité du genre et les lignes bougent.

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