Les controverses et les crispations autour de la 5G auraient-elles pu ne pas exister ou être moins intenses ? C’est en questionnant la possibilité du choix entre l’incertitude et la certitude que la question peut être posée et les issues renouvelées. A partir de la 5G, cette première chronique s’attache à l’enjeu de l’acceptabilité. La notion de risque y est centrale.
L’incertitude organise les débats selon cette binarité.
Quoiqu’on en dise, les regards convergent dans cette même direction, que les accents soient mis sur les apports de la 5G ou l’attente de nouvelles données. L’attention se porte tout simplement sur un même point quand bien même les apparences indiquent le contraire. Les doutes, l’incertitude sont le pot de miel.
Denis Thuriot, Maire de la ville de Nevers et Président de l’Agglomération, publiait le 12 janvier 2021 une tribune sur la 5G pour la Mission pour l’Economie Numérique, la Conduite et l’Organisation des Territoires (ECOTER), et qu’il accompagnait de ce propos très intéressant sur le réseau Linkedin :
« Il est nécessaire de créer les conditions de l’acceptabilité de la 5G tant à l’égard des élus que de la population ».
Il importe peu que Nevers soit un territoire médian et que le Maire-Président aborde la question de la 5G sous l’angle des apports, autrement dit, ici, du progrès via le prisme d’une idée du développement territorial et de son accélération.
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En l’espèce, il est énoncé deux choses. La première est que la nécessité de créer les conditions de l’acceptabilité est le résultat d’un travail fécond des conditions de l’inacceptabilité. La seconde est que ni la peur et son corollaire attentiste, ni la promotion du progrès ne protègent de cet enjeu dans la mesure où l’incertitude sur laquelle s’appuie la vision d’un certain progrès est égale à celle à partir de laquelle la peur est distillée. L’incertitude valide autant l’action que l’inaction, l’impulsion que le frein.
L’incertitude, qui est à la base du principe de précaution, structure et organise.
Le principe de précaution désarme toutes les parties
Entre deux élus par exemple, le principe de précaution désarme pour un temps court une partie au profit de l’autre. Mais dans une approche multipartite et multi-acteurs, et que l’on propose plus systémique, il désarme durablement toutes les parties.
En 2019, Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur-Directeur général de BNP Paribas, introduisait une publication relative à la santé environnementale réalisée par l’association « Entreprises pour l’Environnement » (EpE) dont il est président :
« Malgré les actions menées par les entreprises, les controverses se multiplient sur les effets d’un produit ou d’une activité sur la santé ou l’environnement (…). Dans certains cas, ces effets sont indéniables. (…). Dans d’autres en revanche, il y a une incertitude sur les effets négatifs (…). Dans un contexte d’innovation et de progrès scientifiques rapides, la gestion de ces situations par les entreprises se complexifie, même encadrée par des réglementations croissantes. Résultat d’un dialogue avec les parties prenantes de plus en plus régulier et exigeant, les membres d’EpE prennent toujours plus d’initiatives dans le sens d’une plus grande transparence sur les raisons de leurs décisions et d’une plus grande précaution (…). (L’)ambition est d’alimenter la réflexion commune, de rétablir et objectiver un débat plus confiant et mieux instruit pour répondre aux attentes collectives de la société, elles-mêmes mouvantes et parfois contradictoires. La poursuite de notre développement passe par une meilleur gestion de ces incertitudes ».
D’où vient l’incertitude ?
Agir dans l’incertitude nécessite donc de l’incertitude. La gestion ou encore le fait d’insister sur l’incertitude comme dans le cadre d’un martèlement de cette dimension : « le monde est incertain », « le monde se remplit d’incertitudes », « le monde est de plus en plus incertain », « le monde est VUCA (volatility, uncertainty, complexity and ambiguity), en sont des effets. Quid de la cause ?
Que nous soyons confrontés à des incertitudes, c’est un fait, elles font partie de la vie. Prétendre le contraire serait donc absurde et malhonnête. Le monde en est-il pour autant incertain, de plus en plus incertain, illisible ?
L’incertitude est à rattacher aux agents et non à l’environnement qui ne la connait pas.
Un choix existe entre l’incertitude et la certitude, entre le risque certain et incertain, entre le risque dont on connait l’aléa et les probabilités d’occurrence et celui dont on méconnait les deux. Un choix qui s’effectue moins chez l’individu qu’entre les individus.
Des controverses, des obstacles, des freins pourraient tout simplement ne pas exister ou être moins intenses. Toutefois nous observons que la facilitation peut se révéler être de la complexification et l’agilité de l’agitation. Ainsi en est-il du communicant qui, tout en s’offusquant d’une communication autour du coronavirus créant de la tension et de l’incertitude, voit dans la liberté accordée à des populations de choisir son principe de précaution une solution d’apaisement et d’amélioration ; ou de l’urbaniste pour qui l’incertitude est devenu la norme ; ou encore d’un autre communicant qui promeut le bon message – celui qui engage, qui transforme – et dont l’incertitude en est une assise large. Nous pourrions également évoquer cet avocat qui rappelle la distinction entre précaution et prévention à l’aune d’un objet pour lequel aucun des deux principes n’est applicable ; ou encore un cabinet de conseil.
Concernant la 5G, et pour tant d’autres, la cristallisation des débats et des situations provient d’un triptyque dont le défaut d’analyse et d’expertise en est une composante.
Plusieurs facteurs jouent un rôle déterminant quant à la qualification d’un risque et son acceptabilité. Des approches fragilisent, d’autres sécurisent.
En fin de compte, l’action consistant à faire rayonner l’incertitude et les certitudes tronquées – expression d’une grille de lecture – étend le champ d’application du principe de précaution. N’alimente-t-elle pas l’inertie, l’agitation, la binarité, la dé-démocratisation…?