Après la remise du rapport du mathématicien et député La République en marche Cédric Villani, le Président Emmanuel Macron prononcera demain un discours au Collège de France pour dévoiler la stratégie de la France en matière d’intelligence artificielle. Un objectif que bien d’autres pays ciblent également…
Montréal, Londres et bientôt Paris ? On ne compte plus les villes qui se battent aujourd’hui pour décrocher la « palme » de l’intelligence artificielle… Les investissements annoncés par les Gafa dans ces différents pays, comme par les gouvernements en place, sont devenus récurrents.
La semaine dernière par exemple, le gouvernement, en la personne de Florence Parly, ministre des Armées, annonçait la création d’une « Agence de l’innovation » au sein de son ministère, dont l’une des priorités sera de se doter de compétences dans le domaine de l’intelligence artificielle. Cette agence sera dotée « d’un budget qui va représenter 100 millions d’euros par an si l’on agrège l’ensemble des moyens », a ajouté la ministre.
Demain, ce sera au tour du Président Emmanuel Macron au Collège de France d’annoncer un plan plus large pour faire de la France un champion dans ce domaine. Ce « Sommet de l’intelligence artificielle » accueillera notamment la ministre allemande de la Recherche Anja Karliczek, et le commissaire européen à l’Innovation et aux Sciences Carlos Moedas. « La France a les capacités pour jouer dans la cour des grands » aux côtés des Etats-Unis et de la Chine, de loin les principaux acteurs de l’intelligence artificielle, a affirmé l’Elysée. Partant du constat que l’Hexagone « n’a pas l’écosystème qui permette l’émergence de géants du numérique », le gouvernement veut agir à tous les niveaux : la formation, la recherche, le financement des investissements, le cadre réglementaire…
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Déjà, François Hollande avait initié le sujet en menant début 2017 (un peu tard dans son mandat) une première initiative en ce sens. Le rapport « France IA » était sorti à l’époque, avec pour enjeu de « faire de la France un producteur incontournable qui contribuera à dessiner le futur visage de l’IA, c’est-à-dire celui du monde à venir ». Son but avait toutefois été de faire un premier point « global » sur les forces en présence en France sur le sujet.
En IA, la France compte cibler quatre secteurs en priorité : la santé, les transports, la défense et l’environnement.
Nous voilà aujourd’hui un an et un gouvernement plus tard, avec, dans les deux situations, Cédric Villani, en garant d’une certaine continuité de cette stratégie. Le célèbre et infatigable mathématicien est, en effet, le rédacteur du « nouveau » rapport sur l’intelligence artificielle qui doit être rendu public ce mercredi soir. Pour l’occasion, le chef de l’Etat accueillera 15 sommités mondiales du secteur, dont le Français Yann LeCun (Facebook), la Japonaise Noriko Araï, qui a conçu un robot capable de réussir un examen d’entrée à l’université, l’Israélien Ran Balicer (Clait Research Institute) ou, encore, le Britannique Demis Hassabis (fondateur de DeepMind, société rachetée par Google en 2014)…
Interrogé ce mercredi matin sur France Inter, le député LREM s’exprimait à ce sujet, annonçant l’arrivée de nouvelles implantations de laboratoires dédiés à l’IA sur notre territoire. Pas plus tard qu’il y a quelques semaines déjà, lors du sommet « Choose France », Sundar Pichai, le PDG de Google, avait dévoilé l’ouverture d’un centre de recherche sur l’intelligence artificielle en Ile-de-France, qui travaillera, en partenariat avec la communauté scientifique française, sur des sujets tels que la santé, les sciences, l’art ou encore l’environnement. De quoi réjouir chercheurs et universitaires français (CNRS, Inria, ENS…), plus que reconnus à l’échelle mondiale dans le domaine de la recherche fondamentale… Selon le rapport France AI, la France compte en effet 250 équipes spécialisées dans la recherche fondamentale en intelligence artificielle (soit 5 300 chercheurs au total).
Pour continuer sur les « Gafa », on peut citer bien entendu l’autre géant, Facebook, qui a quant à lui décidé d’investir 10 millions d’euros supplémentaires en France dans l’une de ses quatre entités Fair pilotées par le Français Yann LeCun, son centre de recherche dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le site parisien accueillera, à l’horizon 2022, 60 chercheurs et ingénieurs et 40 doctorants et va notamment permettre de financer dix serveurs mis à disposition d’organismes de recherche et de start-up.
Par ailleurs, on peut rappeler les annonces récentes de Fujitsu (50 millions d’euros investis) et, pourquoi pas de Samsung, sachant que demain, Emmanuel Macron recevra Young Sohn, le président du géant sud-coréen…
Toutes ces « grosses annonces en termes d’implantations » doivent « nous réjouir, estimait ce matin Cédric Villani, car cela « veut dire de nouveaux investissements et la preuve que, par certains côtés, on est tout à fait dans la course ». Pour autant, a-t-il déploré, « Il y a un différentiel entre la capacité – excellente ! – de la recherche en France sur l’intelligence artificielle et son déploiement économique »…
Le député précise d’ailleurs que, dans son rapport, se trouve un large volet « sur l’amélioration des conditions de travail des cerveaux français au sein de nos laboratoires ». Des conditions de travail qui ne concernent pas seulement la rémunération, mais surtout les lourdeurs administratives qui entravent la bonne exécution des programmes de recherche. D’une manière générale, le député Cédric Villani révèle que ce rapport a « identifié quatre secteurs économiques prioritaires » dans lesquels il recommande « que l’action de la France se fasse », à savoir « santé, transports, défense, environnement ».
.@VillaniCedric : « Nous avons identifié quatre secteurs prioritaires en matière d’intelligence artificielle, la santé, le transport, la défense et l’environnement » #le79inter pic.twitter.com/L3PmGS4l20
— France Inter (@franceinter) 28 mars 2018
Entre performance et humanité
Emmanuel Macron devrait pour cela annoncer un engagement financier « à la hauteur des enjeux ». D’ailleurs, des milliards d’euros pourraient être dégagés par des privatisations, avait récemment indiqué Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie. L’objectif n’est pas « de construire contre les Gafa, mais avec eux, en les attirant en France », a également précisé l’Elysée.
« Nous allons expliquer comment la France sera leader sur le sujet, et comment elle le fera de façon responsable sur les questions éthiques », a précisé de son côté, mardi matin, le secrétaire d’Etat chargé du numérique Mounir Mahjoubi sur CNews. Car il est clair que les enjeux de l’IA ne sont pas seulement économiques, mais bien politiques et sociaux. Des rapports sur la disparition de milliers d’emplois ne cessent de paraître et d’inquiéter… sans que personne ne soit réellement encore en capacité d’anticiper sur ce qui se passera.