Alors que l’année 2022 a été l’année de tous les records sur le plan climatique, de nombreuses initiatives visent à exploiter les apports de l’intelligence artificielle pour mieux prévoir et gérer les événements extrêmes.
L’été 2022 a été le deuxième été le plus chaud jamais observé en France, avec une température moyenne de 22,7 °C sur le trimestre juin/août, soit une anomalie de +2,3 °C par rapport à la normale, selon Météo France. Il se positionne juste derrière celui de 2003 (+2,7 °C par rapport à la normale). Quant à la période allant de janvier à septembre 2022, il s’agit de la plus chaude enregistrée depuis 1947 en France.
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Plus globalement, le dérèglement climatique s’intensifie à travers le monde, augmentant la fréquence de phénomènes météorologiques extrêmes qui perturbent des régions entières, coûtant aux gouvernements et aux économies des centaines de milliards de dollars chaque année. Selon le réassureur allemand Munich Re, les catastrophes naturelles ont causé 280 milliards de dollars de dégâts en 2021, contre 210 milliards en 2020 et 166 milliards en 2019.
Dans ce contexte, nombre d’entreprises, d’États et d’institutions se tournent vers les technologies, et plus particulièrement vers l’intelligence artificielle, pour tenter de modéliser et donc de prévoir les évolutions climatiques et leurs conséquences sur les activités humaines. Selon une étude du BCG publiée en septembre 2022, 87 % des décideurs estiment que l’IA est essentielle dans la lutte contre le changement climatique.
Un jumeau numérique de la Terre au niveau européen
C’est le cas notamment de la Commission européenne qui a lancé en mars dernier l’initiative « Destination Terre ». Ce jumeau numérique de la Terre a pour mission d’aider à lutter contre le changement climatique et à protéger la nature. L’initiative bénéficie d’une aide initiale de 150 millions d’euros au titre du programme pour une Europe numérique jusqu’à la mi-2024. Selon la vice-présidente exécutive Margrethe Vestager, « Destination Terre » améliorera la compréhension du changement climatique et permettra de trouver des solutions au niveau mondial, régional et local.
Dans le cadre de cette initiative, deux jumeaux numériques seront conçus par le CEPMMT (Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme). Le premier sera consacré aux risques induits par les conditions météorologiques et les risques géophysiques. Il sera axé sur les inondations, les sécheresses, les vagues de chaleur et les phénomènes géophysiques tels que les tremblements de terre, les éruptions volcaniques et les tsunamis. En cas d’inondations, par exemple, il aidera les collectivités locales et régionales à tester des actions contribuant à sauver des vies et à réduire les dommages matériels.
Le deuxième jumeau numérique sera dédié à l’adaptation au changement climatique. Il fournira des capacités d’observation et de simulation à l’appui d’activités et de scénarios d’atténuation du changement climatique. Pour aider à atteindre la neutralité carbone, des informations provenant de différents domaines, tels que l’agriculture durable, la sécurité énergétique et la protection de la biodiversité, seront mises à disposition.
Nations Unies : mieux gérer les inondations, feux de forêt et autres catastrophes liées au climat
Autre initiative, cette fois-ci à l’échelle mondiale : celle des Nations Unies et de leur Centre Satellitaire (UNOSAT) qui fait partie de l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche. En partenariat avec Nvidia, l’Unosat poursuit dans un premier temps l’objectif d’améliorer la gestion des catastrophes liées au climat en utilisant l’IA pour l’observation de la Terre.
Pour accélérer la recherche et le développement de ses efforts en matière d’utilisation de l’IA pour aider à surveiller et à évaluer les changements de la planète, l’Unosat va intégrer son infrastructure technologique d’imagerie satellitaire à la plateforme de calcul de Nvidia. Le système d’imagerie satellitaire alimenté par l’IA collectera et analysera les informations géospatiales pour fournir des informations presque en temps réel sur les inondations, les feux de forêt et autres catastrophes liées au climat.
De plus, l’Unosat a lancé un module éducatif qui s’appuie sur un cours du Nvidia Deep Learning Institute (DLI) sur l’application des méthodes d’apprentissage profond (deep learning) pour générer des modèles précis de détection des inondations.
Le Machine Learning permet de revisiter les outils prédictifs actuels
Mais l’intelligence artificielle et le Machine Learning, peuvent-elles réellement aider l’humanité à faire face à l’un de ses plus grands défis, le dérèglement climatique ? Une étude intitulée Tackling Climate Change with Machine Learning publiée en 2019, rappelle que, depuis la première prédiction liée au réchauffement climatique, faite en 1896 par le chimiste suédois Svante August Arrhenius (il avait alors estimé que les combustibles fossiles pourraient libérer suffisamment de CO2 pour réchauffer la Terre de 5◦C), les estimations sont devenues beaucoup plus précises.
Il faut dire que les outils prédictifs prédominants sont les modèles climatiques, appelés modèles de circulation générale (MCG) ou modèles du système terrestre (MST). Les opportunités pour que le Machine Learning fasse progresser l’état de l’art de la prévision climatique sont nombreuses.
« Premièrement, des satellites nouveaux et moins chers créent des pétaoctets de données d’observation du climat. Deuxièmement, des projets massifs de modélisation du climat génèrent des pétaoctets de données climatiques simulées. Troisièmement, les prévisions climatiques sont coûteuses en calcul, alors que les méthodes de ML deviennent de plus en plus rapides à former et à exécuter, en particulier sur le matériel informatique de nouvelle génération. Par conséquent, les climatologues ont récemment commencé à explorer les techniques de ML et à faire équipe avec des informaticiens pour créer de nouvelles applications intéressantes », avancent les auteurs de l’étude.
Si les modèles climatiques ne peuvent pas prédire les dates spécifiques des événements climatiques futurs, ils peuvent prévoir les changements à long terme. C’est notamment vrai pour la fréquence des sécheresses et l’intensité des tempêtes. Les informations sur ces tendances aident les particuliers, les entreprises et les municipalités à prendre des décisions éclairées concernant les infrastructures, l’évaluation des actifs et les plans d’intervention en cas de catastrophe.
Et quand les prévisions sont très spécifiques et locales, elles sont davantage exploitables. Le ML est ainsi largement utilisé pour faire des prévisions locales à partir de prévisions de modèles climatiques ou météorologiques à 10-100 km. Plusieurs groupes de chercheurs travaillent ainsi actuellement à traduire les prévisions climatiques à haute résolution en scénarios de risque. Par exemple, le ML peut prédire des modèles d’inondation localisés à partir de données antérieures, ce qui pourrait informer les personnes qui achètent une assurance ou un bien immobilier.
Un certain nombre de start-ups se sont d’ailleurs lancées dans ce domaine, comme Dynamhex, risQ, foldAI, Tomorrow ou Blue Sky Analytics. Elles s’efforcent de rendre les prévisions climatiques plus exploitables en les traduisant en scores de risque pour différentes activités humaines (transports, production énergétique, BTP, agroalimentaire, etc.).