Pour se réinventer, Intermarché, l’enseigne des « producteurs et commerçants » lance une stratégie offensive de croissance, basée sur l’extension de son parc de magasins, le « phygital » et le renforcement de son attractivité.
Chez Intermarché, pour aider les Français à manger un peu mieux tous les jours, on a trouvé la solution : leur proposer une large gamme de produits frais et la plus équilibrée possible et cela, au plus près de leur domicile. Un défi à la fois simple et complexe pour une enseigne qui intègre 1 836 « Intermarché », 1 194 drives, un site de vente en ligne et une nouvelle marketplace non alimentaire… sans oublier ses 62 unités de production d’Agromousquetaires (6e groupe agroalimentaire français) et une logistique interne. « En 2020, nous voulons atteindre 16 % de part de marché, dont 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires généré par le digital [407 millions aujourd’hui, Ndlr]. Nous souhaitons devenir le leader en France en marques propres.
Cette croissance,nous ne la trouverons qu’en transformant notre modèle. Intermarché doit se réinventer ! », reconnaît d’entrée Thierry Cotillard, son président, un ingénieur agronome de 43 ans exploitant deux magasins dans les Hauts-de-Seine. Depuis la création de l’enseigne en 1969 par Jean- Pierre Le Roch, la situation en matière d’alimentation a bien changé. Aujourd’hui, un Français sur trois serait prêt à consommer moins, mais mieux, quitte à y mettre le prix ! Une qualité directement liée aux attentes sur le made in France.
Une enseigne du Groupement des Mousquetaires
- Chiffre d’affaires 2016 : 22,046 milliards d’euros (hors carburant) en France (+ 1,3 %).
- 31 % des ventes issues des marques propres (6 600 références).
- 146 000 collaborateurs (dont 11 000 à la production chez Agromousquetaires).
- 1 836 magasins (dont 1 361 Supers).
- 1 194 drives (1er parc alimentaire).
- 62 usines (Capitaine Cook, Filet bleu, SVA Jean Rozé, Monique Ranou…).
Dans le même temps, la révolution numérique et servicielle a tout chamboulé. Le chiffre d’affaires de l’e-commerce a été multiplié par huit en dix ans ; les achats sur mobile ont doublé en 2016 et les consommateurs tendent à privilégier le service au produit lui-même.
Singularité et désirabilité
« Il faut faire en sorte que les courses ne soient plus une corvée, mais un plaisir », insiste le jeune patron. C’est pourquoi Intermarché compte, plus que jamais, renforcer ses fondements de « producteurs et commerçants ». Et son outil industriel, qui pouvait passer pour une contrainte face à la concurrence il y a quelques années, est désormais l’élément différenciateur sur lequel Intermarché compte s’appuyer pour gagner en agilité, singularité et désirabilité.
Outre l’objectif d’augmenter d’ici à 2020 son réseau commercial de 300 000 mètres carrés (il est de 3,5 millions aujourd’hui), c’est aussi la transformation numérique de l’enseigne qui est en route. « Le phygital signifie pour nous d’accroître le trafic dans nos points de vente en continuant à développer le drive [passer de 1 200 à 1 400 entités, Ndlr], mais également d’élargir notre clientèle, en s’attaquant au non alimentaire. » Tout d’abord, d’ici à début 2018, le site internet sera entièrement refondu en interne, avec l’aide de Digitas LBI France, pour offrir une « expérience shopper beaucoup plus agréable ». Parmi les autres innovations attendues, des drives casiers positionnés dans de grandes entreprises (chez Orange récemment) ou dans des zones de grande affluence (gares, hôpitaux…). Une centaine de ces consignes réfrigérées alimentaires devraient se déployer cette année sur tout le territoire.
De la data à toutes les sauces
Marc Boulangé, le directeur du digital chez Intermarché (60 personnes dans son équipe, entre 10 et 15 recrutements prévus cette année), travaille en lien permanent avec tout l’écosystème numérique interne au Groupement des Mousquetaires. Notamment le DevLabs, dirigé par Hassen Kefi, un chercheur passé par Inria. Cette nouvelle entité, créée, il y a seulement dix-huit mois, regroupe les activités Business Intelligence & Analytics de la Stime, la filiale à 100 % du groupement en charge de l’IT (environ 800 personnes). C’est là par exemple que se construisent les algorithmes prédictifs et de deep learning pour anticiper sur le comportement client de demain. Ce qui nécessite de faire appel à des données historiques et à des variables comportementales spécifiques. « L’intelligence artificielle va profondément bouleverser le commerce. Les prochaines innovations, intégrant ces technologies d’ailleurs, tourneront autour de la voix. C’est une formidable opportunité pour nous d’apporter un nouveau panier de services et d’échanges avec les consommateurs, encore plus fluide et plus performant. Mais, à la fois, cela pose de nombreuses questions sur la manière dont on va le piloter et le proposer, notamment en termes de gestion de la donnée », dit-il, ajoutant que ce sera l’un des sujets de réflexion dans le cadre du programme d’open innovation.
Une marketplace dans le non alimentaire
Ensuite, reste l’autre grand chantier, concrétisé fin mars : l’ouverture de la première marketplace du secteur dans le non alimentaire. De 50 000 articles aujourd’hui, intermarché-shopping.fr montera à 150 000 références en fin d’année pour atteindre le million en 2020. Ici, le volume n’est pas particulièrement recherché, plutôt des marchands fiables sur la livraison et le service après-vente. « Notre marketplace vise à prendre des parts de marché en non alimentaire, mais aussi à créer du trafic dans nos points de vente. Outre la livraison directe, le client aura la possibilité de retirer gratuitement ses achats en magasins [1 sur 3 le fait en moyenne, Ndlr]. Une façon de faire le ”métier d’Amazon”, tout en capitalisant sur cette clientèle avec des promotions et des opérations ciblées… ».
« Toute notre stratégie digitale part du point de vente »
Thierry Cotillard, président d’Intermarché et de Netto
Avec intermarché-shopping.fr, le groupe vise un chiffre d’affaires de 15 à 20 millions d’euros en 2017, mais espère monter rapidement en puissance une fois la refonte complète – front et système d’information – des plateformes existantes (Intermarché.com, drives et marketplace) achevée d’ici à l’automne, pour ne retenir qu’une seule porte d’entrée numérique pour les clients…Enfin, l’enseigne souhaite renforcer son attractivité, en travaillant sur une nouvelle identité, de nouveaux packagings (10 000 références seront liftées d’ici à mi-2018) et, bien entendu, l’aménagement de ses magasins.
À commencer par Thierry Cotillard himself, qui testait, par exemple, fin 2015, dans son Intermarché Express Issy 2, en partenariat avec HighCo, un écran interactif sur la façade extérieure de son
magasin de quartier. C’est ici aussi qu’a été initié, pour les clients porteurs d’une carte de fidélité, le self scanning sur smartphone en faisant ses courses, tout en bénéficiant de bons de réduction… L’innovation ? Scanner l’étiquette prix disposée sur la gondole plutôt que le produit lui-même. Cette application mobile, Scan Libre-Service, née d’une collaboration entre le Normand BudgetBox, SES et la Stime (lire l’encadré), va être plus largement déployée. Mi-février, SES, spécialiste des solutions numériques pour le commerce physique et leader mondial des systèmes d’étiquetage électronique, a d’ailleurs été choisi par la centrale d’achat Inca Achats Non Marchands, commune au groupe Casino et au Groupement des Mousquetaires, pour l’équipement de leurs magasins en étiquettes électroniques et le renouvellement des magasins équipés de systèmes anciens. Suite à cet accord sur deux ans, le groupement, qui compte près de 1 400 magasins équipés toutes enseignes confondues (Intermarché, Bricomarché et Netto), prévoit une accélération des installations de magasins non équipés, ainsi qu’un remplacement des équipements de première génération par des étiquettes graphiques TFT interactives et dynamiques.
Une activité industrielle à coordonner
« Nous voulons apporter le mieux-être au plus grand nombre, par le mieux manger et le mieux produire », a précisé Thierry Cotillard. Aussi, concernant ses marques propres, Intermarché compte réduire drastiquement la présence de sucre, de sel ou de matières grasses dans les produits, comme tous les additifs et substances nocives (880 recettes vont être reformulées). Une stratégie qui se traduit par de nouveaux cahiers des charges pour les 62 usines d’Agromousquetaires et ses dix filières de production, société présidée par Yves Audo. Le pôle agroalimentaire mène, depuis l’an dernier, son plan « Agro Performance Plus 2020 » (A2P 2020), dont le but est d’économiser 100 millions d’euros sur la période en diminuant les coûts de production, en développant l’innovation et en valorisant la qualité. À commencer par la mise en place d’un service achats centralisé, d’un ERP SAP commun à tous les sites et la nomination d’un directeur industriel, Frédéric Oriol. « En matière de performance industrielle, nous développons l’expertise lean management, 5S et Smed, et collaborons avec l’école POP pour développer les compétences en maîtrise des procédés et en organisation, notamment sur le lien production-maintenance, expliquait, fin 2016, Christophe Bonno, le directeur général d’Agromousquetaires, à nos confrères de « Process Alimentaire ». Un autre enjeu est de travailler sur la fiabilité maximale des équipements et sur leur consommation énergétique avec un objectif de réduction de 3 % d’ici à 2020. » Cette logique de massification passera aussi par l’amélioration de la planification de la production et de la prévision des ventes et des flux avec Intermarché, premier client de ce pôle.
Une première en open innovation
Au-delà, Intermarché regarde particulièrement du côté de la cabine d’essayage virtuelle, du miroir connecté, et va sous peu tester la porte vitrée connectée en rayons… Des innovations souvent apportées par l’écosystème français de start-up que le groupe suit de très près (via divers incubateurs/accélérateurs comme Numa ou ShakeUpFactory), en parallèle de mener une large réflexion sur le parcours connecté du client depuis le point de vente.
« Nous travaillons sur tous les irritants », confirme Marc Boulangé, le directeur du digital du groupe, qui lance également un programme inédit d’open innovation (appelé OI2), partenariat avec des industriels. Ils plancheront ensemble sur les façonsnde rendre, via le digital, le mieux manger accessible à tous et de réduire la pénibilité des courses. « Courant avril, nous sélectionnerons cinq à sept marques avec qui nous allons co-développer en mode agile de nouvelles solutions sur une période de 24 mois », précise-t-il. À l’évidence, la guerre des prix dans la grande distribution a atteint ses limites. Demain, la qualité des produits et les nouveaux services pourraient faire la différence.
>> Cet article est extrait du magazine Alliancy n°17 » Où en est l’IA dans l’entreprise ? » à commander sur le site.