Les constructeurs s’allient à divers partenaires du monde numérique pour anticiper les besoins et changer notre pratique automobile. Un nouveau monde de services qui fonctionnera notamment grâce au cloud.
La voiture connectée suscite l’intérêt de tous les constructeurs d’automobiles, mais aussi des opérateurs réseaux, des géants du Web et de la téléphonie. L’enjeu est de taille. Selon l’étude « Who Will Drive the Connected Car », du cabinet d’études Roland Berger (mars 2014), les revenus générés par la voiture connectée pourraient représenter 275 milliards d’euros d’ici à 2025. Si les projets en matière de sécurité routière sont déjà bien avancés, grâce à la mise en place de standards, le volet des services à bord est encore en devenir. Pour les constructeurs et leurs partenaires, l’enjeu vise à créer l’écosystème qui fera vivre ces services. Le paiement à bord, la communication entre véhicules et smartphones et autres portables, l’usage des big data… sont autant de technologies sur lesquelles se fondera cette nouvelle dynamique.
Adopter des standards
L’automobile devient un objet connecté et entre dans le monde (sans fin) de l’Internet des objets. Mais, pour intégrer cet univers et communiquer avec différents objets et réseaux, elle doit adopter impérativement des standards de communication. Ce langage universel, le constructeur PSA Peugeot-Citroën est allé le trouver chez Technicolor, qui a mis au point la plate-forme logicielle Qeo (framework). La solution Qeo pour la Citroën C4 Picasso, actuellement disponible en Europe, fonctionnera initialement à partir d’une clé USB intelligente, à brancher sur le tableau de bord. A terme, elle pourrait être intégrée au système GPS du véhicule. Brigitte Courtehoux, qui dirige l’unité dédiée aux services connectés chez le constructeur français, revient sur ce partenariat : « Avec Technicolor, nous sommes dans une démarche d’innovation, leur solution n’étant pas encore déployée, nous réfléchissons à différentes applications. » Elle cite, par exemple, la possibilité de synchroniser automatiquement l’agenda de son smartphone avec sa voiture, d’indiquer au portail d’une maison de s’ouvrir à l’approche du véhicule ou de gérer différents appareils domestiques (chauffage, climatiseur, téléviseur…), lorsque le véhicule est sur le chemin du retour. L’objectif est, selon elle, « de fluidifier le quotidien des automobilistes ». Ce type de dispositif sera complémentaire à d’autres schémas de connexion, et notamment les systèmes Apple Carplay et Mirror Link. Ces deux protocoles permettent de répliquer les informations d’un smartphone sur l’écran de bord et d’utiliser ses applications. Pour autant, lorsqu’ils imaginent les services du futur, les constructeurs ne s’inspirent pas uniquement de l’ergonomie des smartphones, ils cherchent aussi à intégrer leur modèle économique et notamment la vente d’applications.
C’est le cas de Renault qui commercialise le système R-Link sur lequel le conducteur peut télécharger de nouvelles applications, gratuites ou payantes. Après un an de commercialisation et plus de 100 000 véhicules équipés, Renault constate que la majorité des achats d’applications se fait encore hors du véhicule, via un portail Internet dédié. Jean-François Martin, directeur commercial des services du groupe, s’attend toutefois à une hausse des achats dans le véhicule et compte les promouvoir par des offres ciblées. « Lors du passage d’une frontière, par exemple, une promotion pour le guide de voyage du pays traversé sera affichée ou un abonnement à un assistant à la conduite sera proposé les week-ends de départ en vacances. » Si le paiement en voiture est un nouvel usage, c’est aussi un projet inédit pour un constructeur d’automobiles. Pour implémenter cette fonctionnalité, Renault s’est adressé à Atos qui a déployé sa plate-forme de paiement sécurisé SIPS (Secure Internet Payment Services) en tenant compte de contraintes particulières, comme la fiscalité propre à chaque pays où se trouve le véhicule. L’application se charge également de la vérification de la carte bancaire, de l’autorisation de paiement et assure le traitement financier.
Le cloud s’installe
Chez PSA, Frédéric Lassara, responsable stratégie de la division véhicule connecté du groupe, décrit une approche comparable. « Les clients ne sont pas prêts à payer pour de la connectivité, mais ils le feront pour des services. » Il assure que le groupe est bien décidé à investir ce nouveau marché : « Nous allons initier une logique de vente de services, comme sur un smartphone, où nous gagnerons quelques centimes à chaque transaction. C’est une petite révolution dans l’automobile. ». Tout ceci se fera notamment grâce au cloud computing… Evolution qui va chambouler toute l’économie de l’automobile, selon Patrick Pelata, ancien numéro 2 de Renault et aujourd’hui vice-président de Salesforce, un éditeur américain de logiciels, spécialisé dans la relation client et les solutions cloud. Selon lui, l’automobile trouve là un moyen d’augmenter ses capacités de traitement informatique et son offre de services, sans multiplier les ressources matérielles à bord.
PSA Peugeot-Citroën a engagé cette démarche avec l’aide d’IBM et travaille actuellement sur un projet de collecte généralisée d’informations sur ses véhicules connectés. Chaque voiture pourra remonter 200 paramètres internes, qui seront stockés et gérés par IBM via ses solutions Big Data, Analytics et MobileFirst. PSA entend utiliser les informations recueillies pour surveiller ses véhicules et détecter très tôt les éventuels problèmes de fonctionnement. Les habitudes d’utilisation des conducteurs seront aussi exploitées pour ajuster les prochaines générations de modèles. Christian Comtat, directeur du développement des activités cloud computing d’IBM France, explique le principe de cette collaboration : « Nous apportons les briques technologiques nécessaires pour mettre en place le traitement analytique et la gestion mobile des données, mais PSA garde la main sur les services. » Le projet, qui mobilise une cinquantaine de personnes chez le constructeur, devrait déboucher sur une première expérimentation en fin d’année. Chez Volvo, le dispositif cloud est déjà fonctionnel depuis le lancement du système multimédia embarqué Sensus Connect. Celui-ci utilise les services cloud d’Ericsson pour offrir des services tels que le paiement du stationnement, la recherche d’adresses en ligne, les mises à jour cartographiques ou encore la planification automatique d’un rendez-vous chez le concessionnaire pour une révision.
Ainsi, dans tous les cas, la performance des systèmes cloud sera un critère essentiel pour construire les futurs services de la voiture connectée et répondre à leurs besoins de réactivité et de couverture.
Photos : Citroën – IBM
Cet article est extrait du n°8 d’Alliancy, le mag