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Interview – François Desrayaud, Lafarge France : L’influence de la DSI sur l’entreprise

François Desrayaud, DSI de Lafarge France

Interview de François Desrayaud
Directeur des Systèmes d’Information de Lafarge France
Propos recueillis par Alliancy, le mag.

Quelle est la principale évolution qu’a connue votre entreprise ces dernières années ?
François Desrayaud : Le regroupement de nos 6 sièges sociaux sur un seul site, à Clamart (Hauts-de-Seine, ndlr), dans le cadre de la réorganisation par pays du Groupe Lafarge et la nouvelle organisation pour la France,  est un bon exemple de l’impact du  numérique sur notre entreprise. Equiper un bâtiment neuf et vierge nous a donné l’occasion de ruptures technologiques : nous sommes passés par exemple à de la téléphonie sur IP et à un déploiement massif de la vidéo-conférence. Au départ réticents, nous commençons à découvrir le potentiel de ces nouveaux usages, qui va se démultiplier à l’avenir.

Avez-vous un exemple de cette appropriation ?
F. Desrayaud : Le fait est que nous mettons parfois mis un certain temps à percevoir les avantages de ces changements. Si l’on prend l’exemple de la téléphonie, l’ergonomie des nouveaux équipements nous a, de prime-abord, déstabilisés. Cependant, quand nous avons découvert que la téléphonie fixe était dorénavant accessibles depuis leurs ordinateurs, voire bientôt leurs smartphones, y compris de leur domicile, le potentiel de cette nouvelle intégration entre voix et données leur est apparue beaucoup plus clairement. Et nos collaborateurs vont pouvoir découvrir progressivement d’autres avantages orientés « usages ». Bientôt, les annuaires de messageries électroniques seront eux aussi pris en compte de façon fluide dans ce système. A l’avenir, il est possible d’imaginer que les smartphones soient reconnus à travers une application, pour remplacer en cas de besoin les téléphones fixes. Cette montée en puissance combinée des technologies et des usages est donc progressive.

Quels sont les usages nouveaux dont vous avez dû absolument tenir compte ?
F. Desrayaud : La consolidation des sièges a mécaniquement allongé les temps de trajets pour certain de nos collaborateurs. Aussi, nous sommes en train de mettre en place le télétravail. Cela peut devenir  une modification assez profonde du fonctionnement de la société que va faciliter l’introduction de nouvelles solutions numériques. Nous avons, à cette occasion, renforcé notre collaboration avec la DRH qui coordonne ce projet.

Quel impact ont ces transformations, en interne pour la DSI ?
F. Desrayaud : Du fait de la convergence numérique, nous avons dû, comme beaucoup, intégrer la téléphonie à notre métier en partageant les responsabilités avec les Services Généraux qui la gérait exclusivement auparavant. Plus important encore, depuis 2 ans la DSI est rattachée directement, comme les directions cœur-de-métier, au Directeur Général France. D’une forme de relation transactionnelle, client-fournisseur interne, nous sommes en train d’évoluer en conséquence vers une relation de partenariat avec les métiers. A La DSI, nous nous sentons de plus en plus légitimes pour bouger les frontières, voire bousculer les habitudes, en proposant des services, même s’ils n’avaient pas été demandés. Cela offre des potentiels d’innovation insoupçonnés.

Comment résumer les points positifs qu’une DSI peut retirer de ces changements ?
F. Desrayaud : Nous sommes en train de devenir un centre de valeur ajoutée là où nous n’étions vus que comme un centre de coût, il y a quelques années encore. C’est un objectif important pour les DSI, à l’heure actuelle. Pour le management, la question est ainsi devenue celle de la capacité de la DSI à apporter de nouveaux services pour le business, afin de proposer de la valeur aux clients finaux.

Quel est le meilleur moyen d’innover dans cette dynamique ?
F. Desrayaud : Il y a 2 ans, nous avons créé un nouveau poste de Responsable Innovation et Nouvelles Technologies afin de nous inscrire dans le programme d’innovation généralisée, poussé par le Groupe. Pour innover, il fallait qu’une personne au moins puisse s’extraire de nos problématiques quotidiennes, afin de recueillir les besoins et d’imaginer des solutions, de les mutualiser avec d’autres Pays à travers le Groupe,  pour pousser au final de nouvelles offres aux clients. Ainsi, nous avons fait émerger un portail client pour les artisans du métier Granulats, et nous avons commencé la dématérialisation de nos bons de livraison. Ces innovations s’inscrivent plus généralement dans les évolutions d’approche de Lafarge vis-à-vis de ses clients. Aujourd’hui, cela fait sens dans une optique de défense de nos parts de marché. Demain, il s’agira peut-être d’une clef pour générer des revenus supplémentaires.

En quoi consistent plus précisément ces nouvelles fonctionnalités ?
F. Desrayaud : Le portail client donne accès à notre SI pour les artisans, par exemple. L’intérêt est très concret : consultation facile des factures, encours en temps réel, suivi de leurs livraisons ; avec, dans ce dernier cas, possibilité de choix du flux d’information : sur le portail, par mail, sms, etc. Dans le futur, nous souhaitons aller plus loin encore vers le temps réel, notamment à travers la géolocalisation de nos camions (partiellement déployée).Dans cette dynamique, nous voulons également pousser des modifications majeures, avec toujours plus d’informations ciblées par segment d’activité, mais aussi des commandes en ligne, voire du paiement en ligne. C’est d’ailleurs pour déclencher de telles ruptures profondes qu’un responsable innovation nous est si utile.

Est-ce suffisant ?
F. Desrayaud : Les innovations qui changent la vie des clients peuvent apparaitre à première vue comme bien plus importantes que celles qui modifient le fonctionnement de l’entreprise et de ses collaborateurs en interne. Or, on s’aperçoit bien vite que les unes ne vont pas sans les autres. Ces innovations clients n’ont été rendues possibles que parce qu’en parallèle notre entreprise est en train de faire l’effort de s’approprier elle-même les nouveaux usages offerts par le numérique. Une fois découvert par la DSI, le marketing ou un autre métier, ces modes de pensées, ces pratiques, peuvent être projetés efficacement pour apporter de la valeur au client. Tous les changements internes que nous orchestrons participent donc à cette sensibilisation généralisée. Celle-ci va, dans un second temps, doper l’innovation client. A ce titre, j’espère voir les métiers challenger de plus en plus la DSI, pour que nous entrions dans un mode de collaboration encore plus prononcé. C’est le meilleur moyen pour la DSI de viser plus haut et d’innover. Ce qui est certain, c’est que nous ne sommes qu’au tout début d’une aventure passionnante.

 

Cet article est extrait du n°6 d’Alliancy, le mag – Découvrir l’intégralité du magazine

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