Dans le soin ou encore la prévention, les Iots se font de plus en plus présents à différents niveaux du secteur de la santé. Pour Antoine Tesnière, directeur du PariSanté Campus, il est important de distinguer ce qui relève du bien-être et de la santé. Une frontière parfois trouble.
Alliancy. Ressentez-vous l’émergence des Iots dans le secteur de la santé ?
Antoine Tesnière. Non seulement je la ressens, mais je la vois. C’est tangible. Il y a une vraie évolution, une déferlante, une transformation ! Ce qui est intéressant, c’est que la technologie permet de miniaturiser, d’embarquer et de fiabiliser des capteurs ou des éléments de mesure qui étaient intégrés avant dans des environnements de soins ou de grosses machines. Ils vont permettre de générer de l’information de plus en plus médicale.
Auparavant, elle était plutôt liée au bien-être, sans besoin de validation et de régulation. Il y a maintenant un renforcement de la fiabilité de ces outils et de leur application médicale. Les IOTs permettent de faire bouger cette frontière entre bien être et santé.
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Quelle est nuance justement entre ces dispositifs bien-être et santé ?
La frontière peut être vue de différentes façons. Il y a la frontière d’usage et la frontière de régulation. Dans la santé, les dispositifs médicaux ont un processus de validation très spécifique. Dans le bien-être, il y a de nombreux dispositifs qui peuvent arriver avec une stratégie de marquage CE, mais sans obligation de validation comme dans une stratégie de soin. Cette frontière bouge avec la technologie. Elle nous permet d’aller plus loin pour les outils grand public en fiabilisation et en sérieux.
L’autre évolution est liée au système de santé. Aujourd’hui, nous avons des stratégies de régulation qui permettent de travailler sur la partie soin, et avec l’évolution de la prévention, on va déplacer une partie de ces outils-là chez des gens qui ne sont pas forcément malades. Ces outils sont par exemple utilisés grâce aux modifications de la régulation sur la télésurveillance.
Comment réussir à faire cette distinction pour mieux réguler ?
Dans la santé, il faut d’abord qu’il y ait une fiabilité de l’outil. Ensuite, il faut que la mesure amène une pertinence pour la santé des patients. Pour le bien-être, on peut avoir des outils qui permettent de mesurer de nombreux paramètres comme le poids, l’activité, ou encore la masse graisseuse. On est donc sur deux typologies d’outils avec des objectifs bien différents. Il va falloir qu’on garantisse que tous ceux qui vont avoir un impact sur une stratégie de soins, une prise en charge médicale, ou des comportements communiquent des informations viables qu’on peut interpréter correctement. Dans le soin, on sait ce qu’on attend car nous disposons déjà de standards établis. Mais, dans la prévention, on met en place de nouveaux modèles. C’est un champ à défricher sur certains aspects. Les outils vont donc amener de nouvelles potentialités qui devront être validées selon les objectifs de prévention.
Qu’attendez-vous vraiment des Iots dans ce secteur ?
On attend tout d’abord qu’ils aient la capacité de proposer des outils de mesure, de suivi de plus en plus performants, simplifiés et connectés. On implante notamment des défibrillateurs connectés chez des patients ayant des problèmes cardiaques, ce qui permet de savoir immédiatement, à distance, quand il y a un problème. Les outils vont par ailleurs devenir de plus en plus interactifs, en permettant notamment d’analyser de la donnée. Cette analyse de donnée doit être associée à une stratégie de collecte de données pour qu’il y puisse y avoir une réutilisation secondaire, qui détermine un bénéfice collectif pour faciliter la recherche et l’analyse de données de masse sur différents aspects sanitaires et populationnels. On attend enfin qu’ils permettent d’explorer de nouveaux territoires, c’est à dire développer des mesures qu’on ne pouvait pas avoir avant, pour adhérer à des règles de prévention sur l’alimentation, le sommeil, et pour rester en bonne santé.
Avec l’arrivée de ces objets, la quantité de données va exploser, quels vont-être les enjeux ?
Le premier enjeu est de pouvoir stocker et analyser ces données, pour pouvoir produire de l’information utile. Par ailleurs, le fait qu’il y ait des outils qui vont proposer des mesures dématérialisées va générer des besoins de sécurité particuliers. Il est techniquement possible de hacker à distance des objets connectés à partir du moment où il y a un réseau et des données. Il faut donc sécuriser ces appareils de mesure et les bases de données générées pour garantir la sécurité et l’éthique de ces nouveaux outils.
Sommes-nous prêts ?
On est prêts mais la question reste de savoir si on peut le faire à grande échelle. Quoiqu’il en soit, nous avons les technologies, les outils et la règlementation. L’enjeu global est d’être en capacité d’accompagner la vitesse d’innovation par un transfert vers de l’usage. L’innovation s’accélère mais il faut qu’on puisse évaluer les nouveaux outils de façon rapide, et évaluer leur bénéfice, avant de les intégrer de façon rapide dans nos pratiques, c’est à dire les transformer en usage
Que vont apporter les futures innovations dans le domaine ?
Il y a beaucoup de nouveautés qui arrivent. Ces innovations sont de plus en plus centrées sur l’utilisateur, et développent des informations de plus en plus fiables, ce qui est une très bonne chose. Certaines de ces innovations ont dépassé les simples capacités de mesure, pour proposer des solutions de soins, comme par exemple les appareils qui mesurent la glycémie des diabétiques grâce à un capteur. Celui-ci donne ensuite les informations à l’injecteur d’insuline que le patient porte sur lui pour adapter la dose nécessaire en temps réel, et garantir une meilleure adaptation de la glycémie. Il y a beaucoup d’outils qui se développent sur ce même modèle, permettant d’améliorer le suivi des patients, notamment dans le cas des maladies chroniques.