L’IRT b<>com au défi de la transition écologique des industriels

Il y avait plus d’un an que l’institut de recherche technologique b<>com, basé à Rennes, n’avait pas convié de journalistes pour faire un état des lieux de ses travaux. C’est corrigé avec cette rentrée 2024, pendant laquelle les dirigeants de l’IRT, créé en 2012, ont détaillé les progrès de leur plan Ambition 2030 et de leur focus sur l’innovation responsable.

« Même après 12 ans d’existence, b<>com reste un objet qui garde une part de mystère pour beaucoup d’observateurs », a reconnu d’emblée Emmanuelle Garnaud-Gamache, la directrice générale de l’IRT. Elle a résumé la raison d’être de l’institut : « développer des innovations pour les besoins des industriels, dans le cadre d’une innovation semi-ouverte : les acteurs collaborent entre eux, mais les travaux bénéficient aussi d’une forte sécurité en termes de propriété intellectuelle ». Historiquement « IRT de la transition digitale », b<>com assume d’être en 2024 dans une année charnière, qui lui permet de repenser l’aide apportée aux entreprises industrielles qu’il accompagne.

« Nous voulons accélérer sur la transition écologique, avec un programme global : réindustrialisation sur les territoires et amélioration de la compétitivité des entreprises, tout en faisant un focus sur l’innovation en décarbonation », éclaire Emmanuelle Garnaud-Gamache. Ce plan implique notamment pour l’IRT de s’ouvrir à de nouvelles filières, qu’il ne côtoyait pas par le passé, en particulier l’agroalimentaire et l’éolien, très présentes en Bretagne. L’organisation a par exemple rejoint l’Alliance Éolienne, avec plusieurs autres instituts et France Énergie Marine. En effet, les spécialités historiques de l’IRT autour des télécommunications peuvent s’avérer précieuses alors que l’éolien, notamment offshore, fait face à de nombreux défis en matière de connectivité.

Créer des solutions frugales collectivement

Dans cette logique d’ouverture, l’institut cherche à « rouvrir le cercle » de ses membres, en invitant de nouveaux industriels à le rejoindre. b<>com laisse ainsi miroiter des annonces à venir d’ici « début 2025 », mais accueillait déjà en cette rentrée 2024 un nouvel acteur dans son giron avec Ateme.
Le fournisseur mondial de solutions de compression vidéo de bout en bout, créé en 1991, réalise aujourd’hui 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec 90 % de son activité à l’international. Forte de 580 collaborateurs et 70 brevets, l’entreprise s’enorgueillit autant de ses trois Emmy Awards que de sa R&D française, avec des implantations à Rennes, Vélizy et Grenoble, et la volonté assumée de surfer sur la vague French Tech. « Nous avons grandi très vite à Rennes : après avoir ouvert le site en 2015 avec trois personnes, il accueille aujourd’hui plus de 200 personnes », témoigne Frédéric Pasquier, qui dirige les activités de R&D du spécialiste des technologies de broadcasting.

Au-delà des fondamentaux technologiques, le dirigeant se réjouit de la coopération désormais possible en matière de numérique responsable : « Ateme travaille depuis longtemps sur la réduction de la taille des vidéos, qui a un impact fort en termes de consommation énergétique. Mais on voit bien que nous avons besoin d’une force de frappe supplémentaire. Nous devons nous allier pour aller plus loin dans la recherche de nouveaux formats vidéo, et pouvoir vraiment avoir un impact sur toute la chaîne. Malgré toutes nos compétences, former une communauté de chercheurs et d’industriels paraît le chemin le plus évident afin de créer une solution frugale, qui est un grand enjeu pour le numérique ». Il souligne notamment que la collaboration permet de faciliter « le montage de projets lourds, la dimension administrative, tout en nous rassurant sur les aspects de propriété intellectuelle ».

« L’arrivée d’Ateme concrétise notre volonté d’élargir le cercle avec des entreprises très dynamiques et impliquées localement », insiste François Picand, président de b<>com. Il souligne aussi que le plan Ambition 2030 de l’institut implique une écoute et des échanges beaucoup plus fréquents avec ses membres, pour cerner leurs besoins de façon plus agile et réactive. « En quelques mois seulement, une entreprise comme TDF a réussi à lancer avec l’IRT le projet ORFO, afin d’optimiser avec l’intelligence artificielle les temps de déplacement de ses centaines de techniciens vers ses 18 000 sites. L’impact carbone de ces déplacements est très important, c’est utile d’aller vite pour trouver des réponses », illustre celui qui est aussi directeur de l’amélioration des processus transverses de cette entreprise majeures des télécoms.

Des salariés qui sortent grandit des collaborations

« On doit être pragmatique et agile en tant qu’industrie. Or, la recherche, cela prend beaucoup de temps », témoigne de son côté Pierre-Alexandre Bidard de Viaccess-Orca, spécialiste des plateformes pour diffuser et protéger le contenu télévisé. Il se réjouit donc de la mise en œuvre avec l’IRT d’un fonctionnement agile « qui implique de livrer régulièrement des avancées malgré tout. C’est très précieux ». Une approche incrémentale qui rappelle les habitudes prises par les spécialistes du numérique dans le monde entier. Et qui n’est pas opposée à la vision « temps long » de la recherche pour autant, d’après Pierre-Alexandre Bidard : « Participer à la “maison commune” de b<>com implique d’avoir certaines de nos équipes au sein de l’institut, qui vont travailler avec des chercheurs pendant plusieurs années. Depuis 7 ans que nous collaborons, nous avons pu voir revenir dans notre structure des collaborateurs avec de nouvelles expertises et de nouvelles idées, qui se sont enrichis de ce milieu différent et nous en font profiter ».

Emmanuelle Garnaud-Gamache donne un aperçu de la situation pour les chercheurs eux-mêmes : « Ce partage est aussi intéressant pour des thésards qui découvrent des environnements mixtes, déjà lancés et très pragmatiques. Nous les faisons grandir et ils sont ensuite régulièrement recrutés par les industriels ».

Quant au lien avec la région Bretagne, les industriels y voient une force pour attirer des talents. L’institut, lui, ne l’imagine pas autrement. « Depuis les collectivités territoriales jusqu’au plan France 2030, cet ancrage nous permet d’être très soutenus et d’être mis en relation beaucoup plus facilement avec les industriels, en particulier ceux qui ne font pas partie des filières originelles avec lesquelles nous collaborions ». Un relais institutionnel essentiel pour pouvoir vraiment s’élargir au monde de l’éolien et de l’agri-agro… et espérer avoir un impact rapide sur leur transition écologique.