Créer des villes et des bâtiments vertueux pour les hommes et l’environnement est un enjeu majeur de la filière immobilière alors qu’elle continue d’être le mauvais élève en matière d’impact environnemental. Au même titre que de nombreuses industries disruptées auparavant, le digital apparaît comme un levier pour concevoir, bâtir et exploiter un immobilier frugal et responsable, tout du moins plus acceptable. Pascal Zératès, Directeur Général de Kardham Digital, nous livre son analyse.
Le système d’information du bâtiment, cheville ouvrière de son efficience
Avec l’avènement du numérique dans la filière bâtimentaire, ce que l’on appelle désormais la buildtech, le bâtiment est devenu une plateforme de services, intelligente et centrée sur les usages. Les ouvrages doivent aujourd’hui être capables non seulement de simplifier et de fluidifier le parcours de l’utilisateur dans un environnement de plus en plus hybride mais surtout de répondre à des attentes toujours plus fortes en matière de qualité de vie au travail ; le tout, en participant à l’amélioration continue de performances économiques et environnementales.
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La cheville ouvrière de cette convergence entre intérêts humains et environnementaux, amélioration du confort des occupants et préoccupations écologiques ? Le BOS, le système nerveux du bâtiment chargé de collecter, traiter et redistribuer les données, d’usage et bâtimentaires.
Cette plateforme logicielle, autrement appelée middleware, assure le traitement en temps réel d’un grand nombre de mesures et contrôle à distance les installations, comme l’accès au bâtiment, la ventilation, l’éclairage, la fourniture d’eau, les ascenseurs, etc. Elle permet aussi de faciliter, d’accélérer et d’organiser le déploiement et l’usage d’applications digitales dans le bâtiment. Plus intéressant encore, elle permet de contextualiser toutes les données liées à la consommation, au suivi, aux alertes et aux optimisations de coûts et de consommation énergétiques : alarmes, interventions, dysfonctionnements, anomalies, dépenses, etc. Le numérique est donc un allié de choix pour concilier performances environnementale et économique. Aussi parce qu’il agit favorablement sur la maintenance prédictive et l’autonomie du bâtiment : plus les infrastructures sont connectées, plus les tâches sont automatisées. Et plus on crée de la mémoire d’événements pour anticiper ce qui va se produire dans le bâtiment, plus le bâtiment devient autonome.
Sobriété et souveraineté numériques
On le sait bien, vivre c’est accepter de produire de l’énergie. Contre tout discours utopique, l’approche raisonnée et raisonnable prévaudra. Si la décarbonation est un enjeu majeur de la buildtech, il s’agira surtout de savoir peser risques et bénéfices et d’arbitrer entre des considérations souvent contradictoires : la pollution de la data d’un côté et le gain en matière d’efficacité énergétique de l’autre.
Ainsi, à l’empreinte carbone de la donnée bâtimentaire occasionnée par les serveurs de pilotage des équipements actifs ou les applications servicielles, on pourra mettre en perspective les bénéfices d’un bâtiment plus autonome ou encore les économies d’énergie permises par les données d’usages : à titre d’exemple, des capteurs peuvent analyser l’occupation des espaces de travail et ne pas les chauffer s’ils sont inoccupés. Ainsi, si l’usage de la data peut à elle seule augmenter l’empreinte carbone du bâtiment de 5%, il pourra, parallèlement et sur le long terme, aussi réduire cette même empreinte de 30%. Pour des bâtiments encore plus responsables, on ajoutera à cette sobriété numérique une touche de souveraineté numérique : si avoir des data centers en circuit court permet de réduire l’impact carbone des bâtiments, ils concourent surtout à agir sur leur cyber-sécurité, en préserver les données d’éventuels vols.
Du BIM à l’architecture, une approche globale et multi-expertises
Avec la pression de la mise en œuvre de la RE2020 pour renforcer le pilotage de la performance énergétique de leur patrimoine, les professionnels pourront aussi trouver de nombreuses solutions du côté de la maquette numérique. En fournissant des données sur l’état de l’ensemble des composants de l’ouvrage, le BIM permet en effet de connaître et de monitorer le bilan carbone du bâtiment dans sa globalité, d’accélérer les simulations environnementales, et d’agir efficacement sur l’amélioration de son pilotage énergétique. En d’autres termes, c’est en adoptant une approche globale et multi-métiers, des phases de conception, de construction et jusqu’en phase d’exploitation que les professionnels pourront agir sur l’impact de leurs réalisations. A titre d’exemple, ils pourront aussi s’appuyer sur les atouts de l’architecture : en privilégiant une biodiversité constructive, en favorisant le réemploi des matériaux, en intégrant les bâtiments dans leur environnement, ou encore en faisant le choix de la réversibilité et de la mixité des usages.
Le secteur du bâtiment reste, en France, le plus gros consommateur d’énergie, avec 43 % des consommations énergétiques (source : ecologie.gouv.fr)