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Jacques Guers (Xerox Corporation), « Le papier va disparaître à terme »

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Jacques Guers vice-président de Xerox Corporation, en charge des grands comptes © Xerox

Début septembre, Xerox Corporation organisait à Paris une rencontre avec ses grands comptes français, en présence de Jacques Guers, vice-président du groupe, et de Ghislaine Auxoux-Gueden, présidente de Xerox France. Quelques semaines plus tôt, la multinationale américaine avait aussi dévoilé sa nouvelle campagne marketing B to B : Work Can Work Better. L’occasion de faire le point, en exclusivité, sur la transformation profonde que vit le « roi de l’impression » qui, depuis l’acquisition d’ACS (Affiliated Computer Services) en 2010, vise à se spécialiser  dans la gestion des processus métiers. 

Alliancy, le mag. Fin 2014, Xerox a cédé sa branche informatique (ITO), pour 855 millions d’euros, au Français Atos. Est-ce l’illustration du recentrage de vos activités dans les services ?

Il y a cinq ans, le groupe a racheté ACS (Affiliated Computer Services), une société de services offrant des solutions d’externalisation de processus métier et d’infogérance, pour 6,4 milliards de dollars (5,65 milliards d’euros). Jusque-là, nous étions spécialisés dans les imprimantes et les copieurs et leur utilisation optimisée avec les services d’impression gérés à distance (MPS/Managed Print Services). Il y a soixante ans, l’invention de la photocopie répondait au besoin de diffuser l’information. C’était assez révolutionnaire à l’époque ! Et c’est toujours ce que l’on essaie de faire : faciliter la façon dont les salariés travaillent, en les accompagnant dans leur transformation digitale. La différence ? Nous opérons dorénavant dans la gestion des processus métiers dans des domaines qui n’ont plus rien à avoir avec notre activité initiale, que ce soit dans la gestion des clients (Customer Care), la gestion des salariés (HR Services), des services financiers et des services d’analyse sur tous les modes de travail… Cette cession d’ITO marque définitivement notre recentrage dans les services, qui représentent déjà 55 % de notre activité et devrait atteindre les deux tiers d’ici à 2017.

Votre objectif est-il d’apporter des analyses et du big data au-delà de la gestion de l’information et de l’impression ?

La tendance est lourde qu’un certain nombre de processus métiers, fondés sur le papier, vont évoluer. De façon hybride dans un premier temps, mais le papier disparaîtra à terme. D’où notre recentrage sur le marché du Business Process Outsourcing (BPO), six fois plus gros que celui de l’impression, à croissance quasi nulle. Actuellement, il représente plus de 500 milliards de dollars par an, avec une croissance allant de 5 à 8 % selon les applications et les zones géographiques. Mais c’est surtout la maîtrise de la gestion documentaire qui nous aide et nous donne cette valeur ajoutée, dans la gestion des processus métiers. Ce sont deux savoirs complémentaires. 

Dans ce domaine du BPO, quelles sont vos cibles prioritaires ?

Ce sont aussi bien les domaines génériques de la relation client ou des ressources humaines que des secteurs d’activité en pleine croissance comme la santé ou les transports… En France, nous travaillons pour de grands gestionnaires de parkings comme Vinci ou Eiffia… [leader mondial des systèmes de gestion de parking, Xerox détient 40 % du marché national, Ndlr]. Dans de grandes agglomérations, comme sur le bassin de Nancy par exemple, nous avons installé Atlas, une solution billettique mixte interopérable… L’analyse des données issues du trafic, ou celle des tickets, doit permettre aux villes d’optimiser leurs infrastructures, comme nous le faisons déjà à Adelaïde en Australie, ou à Los Angeles aux Etats-Unis avec nos solutions de parking intelligent. Dans un tout autre domaine, aux Etats-Unis également, avec différents partenaires, nous testons le pilote d’un « kiosque » pour consultation médicale virtuelle. Ces sortes de Photomaton pourront être installées dans une entreprise, une usine, un hôpital, une mairie… L’idée est d’avoir accès à la médecine de n’importe où, du fin fond de l’Inde ou de la Creuse, ou sur votre lieu de travail.

Mais quel lien peut-on faire entre ces différentes offres ?

D’abord, cette diversité s’est faite à travers l’acquisition d’ACS, qui disposait de tout cela dans son portefeuille. Ensuite, nos solutions ont toutes un point commun : la transaction, que ce soit entre un client et un fournisseur, une marque et son client, un patient et un médecin… Partout où il y a un processus métiers qui se répète et pour lequel il faut gérer énormément de données, nous pouvons intervenir et automatiser.

Dans ce recentrage, l’analyse des données occupe donc  une place stratégique ?

Majeure ! Elle donne du sens à tout notre environnement. Et si Xerox développe ses technologies, logiciels et algorithmes d’analytique, c’est d’abord pour les utiliser dans ses services. Jusqu’à présent, on gérait des transactions sans trop bien les  comprendre. Désormais, nous cherchons à identifier tout ce qui peut représenter un avantage concurrentiel pour nos clients. 

Un exemple ?

Le modèle économique des centres de contact s’appuie globalement  sur le nombre d’agents. Demain, le paradigme sera l’inverse. La capacité à analyser les appels entrants, leur nature, de façon à en réduire le nombre, sera crucial. Ce service d’agent virtuel intelligent (AVI), capable de répondre automatiquement aux questions récurrentes posées par les clients et lancé par Xerox en novembre 2014, commence à être déployé chez des clients. Il a pour objectif de simplifier les échanges et d’améliorer la qualité des relations entre le client et l’entreprise.

En France, on vous connaît peu sur ces sujets. Est-ce le cas partout en dehors des Etats-Unis ?

C’est là un de nos plus gros enjeux, d’exporter à l’international tout ce qui est intéressant et que nous faisons déjà aux Etats-Unis. Là-bas, par exemple, nous apportons des services et solutions simplifiant les activités de professionnels de la santé dans plus de 1 700 hôpitaux, plusieurs régies de transports urbains, des activités que l’on associe difficilement à Xerox  telles que la collecte électronique de frais de péage (5 milliards de dollars par an), la mise en œuvre de formations stratégiques (3 millions d’apprenants dans le monde) ou encore le traitement de 415 millions de remboursements pour des soins de santé. Sur les services, nous espérons un taux de croissance de 10 % par an, soit un taux deux fois supérieur à notre taux de croissance outre-Atlantique. Cela se fera par le biais d’acquisitions – pour s’implanter sur un marché ou compléter nos offres et atteindre la taille critique –, mais aussi par de la croissance organique, en recrutant des commerciaux. A cet effet, le groupe dispose cette année d’une enveloppe de 900 millions de dollars.

Ici à Grenoble (Isère), le Xerox Research Centre Europe emploie 120 collaborateurs. © Xerox

Vous avez des priorités géographiques ?

Le marché du BPO est encore très concentré. Quinze pays dans le monde représentent 80 % du potentiel. Le plus important, ce sont les Etats-Unis avec 45 % du total. Viennent ensuite 35 % sur 14 autres pays, dont le Canada, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, le Benelux,  l’Australie, Hong Kong, Singapour… Nos efforts porteront principalement sur ces 35 %.

Et dans le domaine  du BPO en France…

Le BPO en France pèse 12 milliards d’euros environ. Sur ce marché, Xerox peut en attaquer 7. Et les plus grosses offres concernent principalement l’externalisation des centres d’appels et les activités autour de la communication et du marketing. Au-delà, dans la gestion documentaire des ressources humaines – de la formation notamment –, les grands comptes français sont en attente d’innovations. Les PME suivront quand arriveront les solutions adaptées dans le cloud… C’est clairement l’avenir.

Aujourd’hui, en France,  que pèse votre groupe ?

Nous comptons 3 200 collaborateurs en France. Et, pour couvrir le marché des PME, nous disposons – depuis plus de trente ans – d’un réseau d’une centaine de concessionnaires exclusifs de la marque qui, ensemble, emploient 1 800 personnes. Au total, 5 000 personnes travaillent pour la marque Xerox. Nos activités se répartissent également à 45 % dans les technologies et 55 % dans les services.

Dans ces chiffres, vous incluez vos centres de recherche  et d’innovation ?

Tout à fait. L’un de nos quatre centres de R&D dans le monde, le Xerox Research Centre Europe (XRCE) emploie 120 collaborateurs à Grenoble (Isère). L’XRCE est tourné quasi exclusivement vers les logiciels et algorithmes de traitement d’image, d’analyse sémantique, de traduction automatique ou de reconnaissance vocale… alors qu’il avait été créé en 1993 pour développer des technologies de gestion de document. Le docteur Monica Beltrametti qui le dirige, est d’ailleurs en charge de la R&D Monde sur les services. 

Nous disposons également d’un centre d’innovation mondial sur l’impression numérique jet d’encre, de 150 personnes, à Aubagne (Bouchesdu-Rhône), suite au rachat en 2013 de la société Impika. Enfin, Xerox est présent dans les transports intelligents, avec un autre centre d’innovation mondial à Valence (ex-Ascom), où l’ensemble de nos solutions logiciels et hardware, pour le monde entier, y sont conçues par plus d’une centaine de développeurs.

Pour revenir à Atos, la transaction inclut également un « contrat d’exclusivité » qui en fait, pour les cinq années à venir, l’ESN attitrée de Xerox. Est-ce pour vous aider à basculer dans le cloud ?

Bien que ce partenariat ne soit pas exclusif, nous travaillons très étroitement avec Atos, pour toutes les  activités informatiques et pas uniquement le cloud. Atos est notre partenaire privilégié pour prendre en charge les besoins IT de nos clients, mais aussi une part significative des services informatiques dont Xerox a besoin en interne pour notre propre fonctionnement.

Face à vos concurrents dans  le BPO, également américains, que sont IBM ou Cisco, avoir choisi la discrétion, n’est-ce pas un problème ?

Nous n’avons pas du tout pour intention de rester discret sur le sujet ! D’ailleurs, notre rencontre vise à faire connaître l’étendue du nouveau portefeuille d’offres de services de Xerox. Il faut également bien comprendre que l’engagement du marché BPO – un marché d’abord et avant tout business to business – requiert, non pas de larges campagnes grand public, mais plutôt des approches très ciblées auprès des donneurs d’ordres, des consultants et autres acteurs de cet écosystème… 

 

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